À l’origine, médecine et spiritualité étaient inséparables, comme en témoignent les soins traditionnels qui nous sont parvenus. Puis ces deux notions ont séparé le corps
et l’esprit, particulièrement en Occident. Qu’ont-elles en commun et en quoi les réunir à nouveau pourrait-il s’avérer salutaire ?
Si l’on vous demande ce qu’est la médecine, il est fort probable que vous aurez une réponse. Le dictionnaire Larousse la définit comme l’«
ensemble des connaissances scientifiques et des moyens de tous ordres mis en œuvre pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou infirmités ». Cette définition est relativement occidentalo-centrée, puisqu’elle pose la science comme premier précepte. La médecine reste une notion qui varie selon les lieux et les époques, non pas en fonction des avancées de la recherche, mais plutôt de la philosophie de la nation qui l’emploie, même si mondialement, tout tend vers l’occidentalisation du terme.
D’un autre côté, si l’on vous demande ce qu’est la spiritualité, vous mettrez peut-être un peu plus de temps à répondre, cette notion restant très personnelle. De prime abord, on pense à tout ce qui a trait à l’esprit ; mais comment y inclure les subtilités des mondes invisibles ? De quel sacré ou divin parlons-nous ? À quoi sert la spiritualité ? Avons-nous tous une spiritualité ? Est-elle aussi indispensable que la médecine ? Ces notions sont-elles liées ?
Par exemple dans le chamanisme, pour de nombreux peuples, la médecine et la spiritualité ne font qu’un et sont traitées conjointement par le chamane. Le « mal », ou le dysfonctionnement à résoudre, est considéré comme d’origine spirituelle, la réponse doit donc se chercher dans les champs invisibles. Et puis, vouloir conjurer la mort – but ultime de la médecine –, n’est-ce pas défier le divin ? Quel bilan tirer de ces questions ? Et si la médecine s’alliait (à nouveau) à la spiritualité afin de soigner le vivant et de l’élever, pour le bien de tous les êtres, mais aussi pour l’avenir de notre Terre ?
Le sacré donne
du sens à l’existence, il permet à l’homme de se réaliser et de vivre une certaine harmonie intérieure. Ce besoin existe même chez l’homme areligieux, elle prend juste d’autres formes.
La médecine, une notion relative
En Occident, au XX
e siècle, les progrès de la science font prendre à la médecine un tournant qui l’éloigne d’une vision holistique de l’humain, lui préférant une approche locale et précise du symptôme. C’est notamment la notion de l’origine de la maladie qui va orienter la manière d’aborder le soin. Là où d’autres médecines diraient que l’âme est malade et s’exprime à tel endroit du corps, ou encore que l’énergie ne circule plus et que le déséquilibre se manifeste, notre médecine devient de plus en plus technique et « déshumanisée ». C’est le postulat du neurologue et chef de service à l’hôpital de Pontoise Philippe Niclot dans son livre
(1)
(voir encadré) : «
Désormais l’image et le test biologique sont la maladie. Ce que nous disent nos malades, ce que nous voyons compte moins dans nos décisions que des images et des chiffres, même si ceux-ci dépendent de techniques de mesure imparfaites et changeantes. » Certains médecins occidentaux sont ainsi désabusés et inquiets, n’hésitant pas à dénoncer les dérives de la matérialisation à outrance de la médecine, caractérisée comme « scientiste », mot presque péjoratif aujourd’hui. «
Le réductionnisme scientifique a vidé la médecine de la vie », n’hésite pas à dire l’ancien urologue Thierry Janssen. Face à ces inquiétudes, nous sommes tentés de chercher des alternatives pour nous soigner, pour comprendre, ou pour accompagner nos traitements afin de nous approprier la guérison. La crise de la Covid-19 nous a d’ailleurs permis de regarder tout le corps médical d’une nouvelle manière, sans doute avec plus de discernement, et nous a montré les limites et les confusions possibles parmi ceux-là mêmes qui sont censés « savoir ». Paradoxalement, la médecine occidentale très matérialiste repose quand même sur des croyances. «
Cette médecine-là, qui revendique son indépendance à l’égard de toute croyance, s’est néanmoins construite comme une religion : la santé aurait tout simplement pris la place du salut. Et de fait les analogies possibles sont nombreuses », explique Jean-Michel Longneaux, professeur de philosophie et d’éthique, dans son article « La médecine, spiritualité du XXI
e siècle
(3). » Questionnement sur le sens, interrogation sur l’efficacité d’une médecine robotisée, fonctionnement aussi rigide qu’une religion... ce qui est soulevé ici souligne un besoin de comprendre les fondamentaux. Prendre en compte l’importance du « soin », avoir comme but le retour à la santé constitue peut-être un cheminement plus philosophique qu’on ne le croit.
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