À l’heure où le gouvernement souhaite généraliser les cours d’empathie à l’école pour apprendre à mieux s’écouter, à se comprendre et à se respecter, le mot « empathie » se retrouve sur toutes les lèvres. Mais qu’est-ce que l’empathie, exactement ? Dérivé de l’allemand
Einfühlung, signifiant « sentiment intime » dans le sens d’un ressenti personnel, ce mot nouveau désigne la reconnaissance d’une partie commune avec un autre individu. Il faut cependant distinguer l’empathie cognitive, qui est la capacité de comprendre les pensées, les croyances et les sentiments d’autrui, de l’empathie émotionnelle, qui est la faculté intuitive à ressentir ce que l’autre ressent. Cette dernière est un processus plus profond qui implique non seulement la reconnaissance des émotions des autres, mais aussi leur partage. Certains discernent encore une troisième forme : l’empathie compassionnelle, qui suppose de comprendre et de ressentir les émotions d’autrui, ainsi que la volonté d’agir pour l’aider.
L’empathie est le socle commun de toute relation, selon le philosophe du XX
e siècle, Edmund Husserl : «
L’empathie est une médiation intuitive. Elle est profondément ancrée dans le vécu et plus précisément dans l’expérience du corps propre qui permet au sujet de reconnaître les autres comme des personnes semblables […]
L’empathie devient ainsi cette disposition qui consiste, pour une conscience, à se mettre à la place d’un autre individu. » Elle nécessite donc forcément une identification à autrui, mais qui est seulement partielle. «
Le témoin s’identifie aux pensées et sentiments d’un autre dont il se fait proche, sans se confondre avec lui », souligne le psychologue clinicien Frédéric Tordo. L’empathie comprend aussi de la sympathie, qui signifie, de manière littérale, « participer aux sentiments d’une autre personne ». Quand elle se traduit par de la bienveillance et de la sollicitude envers autrui, on la nomme sympathie empathique.
Les personnes hautement sensibles (environ 30 % de la population) sont attentives aux subtilités et aux nuances. Elles sont particulièrement affectées par la douleur, les mauvaises ambiances, l’humeur et la détresse des autres.
Une sensibilité accrue
Bien souvent, l’empathie va de pair avec la sensibilité. Depuis 2013, on parle d’hypersensibilité et d’hyperempathie, auxquelles on préfère maintenant les termes de « haute sensibilité » ou de « haute empathie ». Car dans « hyper », il y a cette notion de « trop », quelque peu péjorative. L’une des premières chercheuses à s’intéresser au phénomène est l’Américaine Elaine Aron dans les années 1990. Pour elle, la sensibilité et l’empathie élevées sont une façon d’être au monde et se caractérisent par un haut niveau de réaction aux stimuli externes, une plus grande profondeur de traitement cognitif et une forte réactivité émotionnelle. L’empathie n’est pas une pathologie, même si elle surgit dans plus de 55 % des cas suite à un traumatisme survenu dans l’enfance. «
Les personnes hautement sensibles [environ 30 % de la population, NDLR]
sont attentives aux subtilités et aux nuances. Elles sont particulièrement affectées par la douleur, les mauvaises ambiances, l’humeur et la détresse des autres », souligne le docteur en psychologie Saverio Tomasella, également fondateur de l’Observatoire de la sensibilité, qui a consacré de nombreux ouvrages au sujet.
L’hyperesthésie est une caractéristique de la haute sensibilité désignant une forte capacité de perception à travers les sens. Les bruits, lumières, odeurs, saveurs, matières, mais aussi les mouvements et vibrations sont exacerbés. Quant à l’hyperesthésie relationnelle, elle entraîne une grande susceptibilité et vulnérabilité dans les relations interpersonnelles. «
Les hyperesthésiques se disent timides, hésitants, en manque de confiance, tout en étant convaincus de leur valeur intellectuelle et morale. C’est ainsi qu’ils s’isolent souvent du reste du monde, souffrant d’un sentiment d’injustice ou d’incompréhension », ajoute Saverio Tomasella. Malgré tous les ponts existants entre sensibilité et empathie, des études montrent que certaines personnes ultrasensibles manquent d’empathie, au contraire de l’inverse (les personnes ultraempathiques sont toutes ultrasensibles). «
Être ou se déclarer très sensible n’empêche pas de vouloir dominer les autres, de les mépriser et de les maltraiter. Ce qui est l’exact inverse de l’empathie », observe encore le psychologue.
Fragilité et force
Une personne douée d’empathie est souvent sollicitée par autrui, car ce dernier sait qu’elle est capable de l’écouter et de le comprendre. «
Sa sensibilité permet de ressentir plus fortement les situations humaines, donc de faire preuve de sympathie ou de compassion envers les autres », explique Saverio Tomasella. Mais quand la personne s’avère trop empathique, elle peut être victime de contagion émotionnelle : les limites entre ses propres émotions et celles d’un autre, agréables ou désagréables (peur, colère, joie, etc.), sont poreuses. Se confondre avec l’autre peut mener à une saturation neuronale. «
Si on ne s’écoute pas assez, on peut tomber dans l’identification à l’autre, voire dans la fascination, à force de se déporter vers l’extérieur de soi-même », remarque le psychologue. C’est ainsi que l’on devient influençable, que l’on perd sa personnalité, surtout quand on est jeune. Avec l’expérience et, parfois, l’aide d’une thérapie, il est important d’apprendre à équilibrer écoute de l’autre et écoute de soi.
Un être très empathique souffre souvent d’épuisement émotionnel, ce qui peut nécessiter de s’aménager des moments de repos, sans contact avec autrui, pour se retrouver dans sa propre énergie. Il doit également bien choisir les informations qu’il laisse pénétrer dans son environnement. «
Pendant longtemps, je ne pouvais pas regarder de films. Puis j’ai réalisé que je me protégeais instinctivement, car je m’identifiais trop aux personnages de fictions bien souvent dramatiques. Avec le temps, j’ai appris à prendre du recul », nous confie Stella, adolescente. Mais cette fragilité peut être aussi une force. «
N’oublions pas que l’empathie, cette faculté intuitive de percevoir ce que l’autre ressent, peut aussi nous permettre de participer au bonheur ou à la joie de quelqu’un d’autre. Elle ne concerne pas seulement la souffrance, la douleur ou le désespoir », rappelle Saverio Tomasella. C’est ainsi que certains individus particulièrement doués d’empathie l’utilisent pour soulager ou guérir autrui, comme c’est le cas, par exemple, des thérapeutes ou des médecins.
L’animal empathique
« Les animaux sont doués d’empathie envers d’autres animaux et envers nous, les humains. C’est aussi pour cela qu’ils sont de merveilleux compagnons de vie pour les personnes ultrasensibles », souligne le psychologue Saverio Tomasella. Il existe entre les deux espèces un phénomène d’identification très puissant. « J’étais tellement en empathie avec mon chat que j’ai ressenti sa douleur et
sa peur pendant plusieurs semaines, lorsqu’il s’est fait tuer par un chien errant qui a pénétré sur ma propriété », raconte Elsa. Inversement, comme le montrent de nombreuses histoires, des humains en danger de noyade ont été sauvés par un chien, ou par un dauphin, mammifère capable grâce à son ouïe et son sonar naturel de détecter une personne en détresse. Ou encore récemment, en Inde, un chien poursuivi par une meute de congénères errants, piégé dans une rivière, a été sauvé par trois crocodiles qui l’ont mené vers l’autre rive ! Des scientifiques ont considéré cette capacité d’une espèce d’éprouver des sentiments pour une autre comme une manifestation d’empathie émotionnelle.
Apte à aider les autres
Aurélie Grolleau se dit « empathologue », un métier qu’elle a inventé, alors qu’elle se sentait naturellement encline à serrer les autres dans ses bras. Grâce à sa sensibilité et son empathie élevées, elle ressent ce que son « hôte » ressent, jusqu’à ses douleurs dans le corps : «
Quand je me connecte à l’âme de la personne, j’ai des images et des indications qui me viennent sur son état. Une transmission a lieu. Et la guérison peut se faire en une seule séance, même à distance. » Aurélie Grolleau utilise la psychologie émotionnelle, le coaching et la guidance, en tant que canal. Elle a mis au point une méthode de restructuration cognitive fondée sur ses qualités empathiques, mais aussi médiumniques, puisque, comme de nombreux ultrasensibles, elle est douée de clairvoyance
(1), de clairaudience
(2) et de clairsentience
(3). Elle invite son patient à revisualiser, dans un état modifié de conscience, un événement traumatique. Et en tant qu’empathologue, elle s’identifie partiellement à lui ou à un autre personnage pour l’aider à rejouer une scène jusqu’à s’en libérer définitivement, un peu comme dans les constellations familiales.
La docteure Sophie Mainguy-Besnier, ancienne urgentiste ayant également travaillé dans le milieu carcéral, regrette pour sa part que l’empathie ne soit pas davantage traitée durant les études de médecine : «
L’accent est plutôt mis sur le risque de contagion émotionnelle et la nécessité de se protéger et de se couper de l’autre. C’est comme si la médecine n’était pas arrivée à une science de la conscience dans laquelle on pourrait rester reliés. » Des études montrent que, plus on avance dans le cursus médical, plus on perd en empathie à cause du stress chronique, car un système de protection se met naturellement en place. Mais pour Sophie Mainguy-Besnier, exercer la médecine sans empathie serait s’infliger une violence en tant que praticien, en même temps que l’infliger à son patient : «
Si on n’a pas le sensible et le perçu, on n’a pas l’empathie, et sans elle, on ne peut pas avoir de bon raisonnement pour soi-même et pour le collectif. » Aujourd’hui, Sophie Mainguy-Besnier a quitté la pratique de la médecine pour se consacrer pleinement à la recherche de la réalité ontologique de l’humain, en faisant le lien entre spiritualité et médecine.
Un surcroît de conscience
Une haute sensibilité doublée d’empathie est le signe d’une conscience vive, capable de changer le monde et de contrer les tendances narcissiques et égoïstes de l’être humain. D’ailleurs, lorsqu’un individu hautement empathique en vient à blesser quelqu’un, il a cette capacité à le réaliser. «
Il a conscience que tout ce qu’il fait a un impact dans sa vie et la vie des autres. Aussi s’efforce-t-il d’améliorer sa relation avec lui-même, les autres et le monde », précise Saverio Tomasella. Un tel individu a conscience de ses qualités comme de ses défauts et invite ainsi les autres à faire de même, car ses neurones miroirs sont très actifs. Ce qui peut malheureusement le mener, parfois, à porter des jugements. Lucide,
profond, en quête d’authenticité et de sens, il a aussi une notion aiguë des responsabilités et de la justice. Il est un anticonformiste au comportement engagé, dont
la pensée ne se fond pas dans la masse. On le désigne souvent comme « un artisan de lumière » (
lightworker).
La vie intérieure d’une personne hautement empathique est très riche. Elle repose sur de puissantes intuitions, une grande spiritualité et parfois des capacités extrasensorielles, sachant que tous les médiums sont hautement empathiques. Elle relève d’une intelligence que l’on pourrait qualifier de sensible, qui se démarque de l’intelligence purement intellectuelle. D’ailleurs, seule une infime partie des hauts potentiels (qui représentent 2 % de la population) sont hautement sensibles, à l’image d’Aurélie Grolleau, car la plupart d’entre eux, dirigés par leur mental, sont à la fois peu connectés à leurs émotions et peu aptes à ressentir celles des autres. Pour Saverio Tomasella, «
l’avenir le plus favorable pour la haute sensibilité correspond à l’empathie réelle partagée. Voie de sagesse et d’humanité, elle vise à rechercher l’authenticité, à valoriser la sincérité ; développer son lien avec la nature et son amour pour la vie ; protéger, respecter et embellir la planète ; s’ouvrir à une forme personnelle de spiritualité, de communication avec l’invisible ; favoriser la convivialité et la solidarité partout autour de soi ; promouvoir et respecter les droits des femmes, des enfants, des malades… » Développer son empathie serait ainsi une manière de résoudre bien des conflits de ce monde.
Techniques de protection des thérapeutes
Par définition, un énergéticien ou n’importe quel autre thérapeute doit être suffisamment empathique pour appréhender la douleur de son patient, mais sans dépasser une certaine limite pour ne pas être perturbé dans son processus
de soin. Il va donc devoir apprendre à gérer son empathie, comme l’explique Ivan Pellegry, magnétiseur et énergéticien
qui a créé son école. « Bien souvent, l’empathie s’est construite à partir de blessures dans l’enfance – rejet et abandon, essentiellement. Au début, le magnétiseur ou l’énergéticien novice la gère mal,
car les échanges énergétiques qu’il a avec son patient résonnent avec ses blessures et les réactivent, ce qui crée une perturbation
de l’information dans son accompagnement. Avec le temps, il va apprendre à laisser passer l’énergie bloquée en lui pour guérir son patient, quand bien même il n’a pas personnellement guéri toutes ses blessures. » D’où l’importance pour n’importe quel thérapeute de bien se préparer avant une séance en se mettant dans « une vibration haute ». Ivan Pellegry préconise la prière, les musiques vibratoires, les bains au gros sel, la cohérence cardiaque, etc. Quand il est mal préparé, le thérapeute qui est, par définition, hypersensible et hyperempathique, peut emmagasiner toutes sortes de pollutions. L’empathologue Aurélie Grolleau a, elle aussi, dû apprendre à se protéger. Avant et après la séance, elle s’adonne à un rituel en récitant des prières de protection ou fait brûler sauge, palo santo et myrrhe pour purifier les mauvaises énergies. « Quand je sens une montée d’angoisse ou un vertige, je ne force pas. Il m’est arrivé une fois de faire appel à un exorciste pour me nettoyer », conclut-elle. Toutes ces techniques de protection peuvent être utilisées par tous, que l’on soit thérapeute ou pas. Vidéo Reconnexion divine – Méditation guidée thérapeutique, vol. 1, Aurélie Grolleau.
(1) Faculté de visualiser des événements éloignés dans le temps ou l’espace.
(2) Faculté de recevoir des messages par des voix intérieures.
(3) Faculté de ressentir les émotions et les sentiments d’autrui à travers le cœur ou le corps énergétique.