Manquerions-nous justement de courage, ou encore d’audace, face à nos désirs de changement ? Serions-nous devenus si prompts au découragement ? La philosophe Blanche de Richemont⁽¹⁾ et le coach facilitateur Pierre Portevin⁽²⁾ se sont interrogés à ce propos ; ils nous livrent leurs éclairages et les clés pour retrouver le chemin du courage. D’emblée, Blanche de Richemont pointe avec agacement cette notion de « bon courage », précisant qu’il n’y a pas de « mauvais courage ». Et pour cause, le courage est dérivé du mot « cœur », dans la langue française. Pour la philosophe, « avoir du courage, c’est agir avec le cœur ». Mue par l’élan de réveiller cette flamme, elle poursuit : « C’est l’appel du cœur qui nous lève du lit dans les aubes gelées de l’hiver. C’est notre âme qui nous redresse quand on perd le souffle. C’est notre feu qui nous réveille quand on perd la foi. » Par ailleurs, elle décèle dans cette formule une sorte d’obstination à convoquer le courage avec une pointe de compassion, comme si la vie était devenue d’une extrême dureté. Aventurière rompue aux rigueurs du désert, elle esquisse une raison possible de notre manque de courage. « Nous vivons dans une obsession de sécurité qui nous place dans une obligation de bien-être, où toute forme de souffrance et de difficulté n’est plus acceptable. » Ainsi, nous serions comme enlisés dans un confort qui aurait gommé tout véritable courage de vivre. En cause également, pour le conférencier Pierre Portevin, « notre fabuleuse capacité d’adaptation, qui peut nous pousser à nous suradapter et à nous décourager au point d’ensevelir nos rêves et de ne pas écouter d’impérieux désirs de changement, pourtant nécessaires ». Des facteurs qui entraîneraient peu à peu une baisse de la flamme du courage. Retrouver bravoure et audace va nous demander de balayer nos peurs de vivre, de rallumer ce feu intérieur, ainsi que d’assumer des choix et de prendre une direction qui fait sens.

1 – Retrouver l’ardeur de vivre : le feu intérieur

Prise dans les mailles d’une société qui nous dicte notre façon de vivre, notre flamme de vie tend à vaciller, et avec elle notre ardeur. « Nous nous sommes inventé des mondes idéaux, des systèmes, des règles sur ce que la vie devrait être, que ce soit l’amour, la mort, le travail… » explique Blanche de Richemont. Or, le constat face au chaos ambiant s’impose : rien n’est comme il devrait être ! Il va bien nous falloir faire preuve de courage pour changer ce paradigme, sortir de notre cocon et d’une forme de léthargie. « Le courage demande avant tout une flamme. Une étincelle. C’est elle que l’on va chercher à raviver, pour rallumer ce feu intérieur », indique la philosophe. Bien souvent, quand le découragement semble s’emparer de nous, comme si la tâche à accomplir était insurmontable, c’est comme si quelque chose s’éteignait. À l’inverse, quand une personne s’emballe, s’exclame, rit aux éclats, s’enflamme, il est possible de déceler une force de vie intacte, un feu brûlant. C’est lui que nous devons raviver en priorité !

La clé
Le feu intérieur est spirituel. « Cette étincelle procède de la foi, rien de moins ! » affirme la philosophe. Le courage ne dépend plus des circonstances extérieures, il vous constitue. « Il se trouverait en vous-même, en restant relié à votre nature et donc à votre propre mystère, ajoute-t-elle. Ce mystère qui vous tient même quand la vie vous décourage. Ce mystère qui, malgré les tempêtes, vous empêche de vous résigner. » À bien y regarder, le courage ne vous demande pas votre avis ; il vous appelle et s’impose en fidèle compagnon de la foi. Cette foi qui brille dans la nuit, alors même que tout espoir est perdu.

Comment s’y mettre
Le courage est une vertu de l’âme ; il demande de se nourrir de lumière. Si d’aventure la nuit étend son voile sur votre vie, éteignant votre feu, l’issue est de vous nourrir de lumière. La première étape est un profond travail d’introspection. Posez-vous la question : de quoi nourrissez-vous votre vie ? De poésie, d’amour, de bienveillance et de joie ? Ou de regrets, de luttes et de stratégies pour sortir de la simple survie ?

2 - Briller telle une étoile dans la nuit !

« Quand j’étais dans le désert, je marchais quinze heures par jour, dans une terre monotone et ennuyeuse. Le retour des étoiles la nuit me redonnait du courage », se souvient Blanche de Richemont. Une image qui pourrait nous évoquer le quotidien, quand la routine et l’ennui sont devenus notre lot, enfouissant tous nos rêves sous le sable. Or il nous appartient d’être cette étoile ! Nous avons chacun une façon singulière de briller, d’être une lumière pour soi et les autres. Inutile d’attendre les conditions idéales, elles sont rarement réunies. « Quand on sait pourquoi on se lève, on a tous les courages », rappelle-t-elle. Pour illustrer ses propos, la philosophe évoque cette jeune femme qui travaille dans un pressing, que la vie n’a pas épargnée.

« Elle a choisi de donner de la joie, et ses journées sont une véritable source d’enrichissement, pour elle et ses clients. » Ce sont tous ces héros ordinaires du quotidien qui nous inspirent à retrouver courage et à reprendre le pouvoir sur nos vies et nos pensées. Comme l’évoque le grand poète Rumi : « Si tu penses à des roses, ton jardin sera parfumé, si tu penses aux épines… » Nous sommes le reflet de nos pensées ; le courage va prendre racine dans cet humus.

La clé
Ne pas céder à la victimisation. Nous avons toujours le choix, celui de semer autour de nous des graines de lumière qui éclairent la nuit. Une simple parole, un geste, là où nous sommes, peut ensoleiller une journée. « Quand on cède à la victimisation, il y a une perte de la dignité, quelque chose en nous courbe l’échine, se soumet, subit… et ne laisse pas la place au courage », observe la philosophe. Il est toujours possible de choisir l’amour et de ne pas céder à la peur.

Comment s’y mettre
« Posez-vous la question : quel est votre essentiel ? Qu’est-ce que je veux vraiment ? » soulève Blanche de Richemont. Ce chemin demande du courage : il faut remettre en question ses conditionnements, sortir de sa zone de confort, s’interroger toujours, oser l’inconnu… La souffrance aussi peut être confortable, parce qu’elle est connue. La philosophe invite à devenir pèlerin et suivre sa bonne étoile…

3 - Faire preuve d’audace : le ferment du courage

L’un des principaux regrets que formulent les personnes en fin de vie, consigné par l’infirmière australienne Bronnie Ware⁽³⁾ porte à réfléchir. « J’aurais aimé avoir le courage de vivre la vie que je voulais vraiment, pas celle que les autres attendaient de moi. » Édifiant ! « Souvent, les signes sont là », a pu noter le psychologue Pierre Portevin, auteur du livre Osez… Ça change tout ! Pour preuve, « un sentiment croissant d’insatisfaction, une sensation de malaise persistante, une tristesse, une colère récurrente sont autant d’indicateurs qu’il faut changer quelque chose ». Maintes fois nous avons composé avec nos rêves, et peut-être même les avons-nous enfouis ou remis à plus tard. Décider de ne pas passer à côté de notre vie va demander du courage, une prise de risque et de l’audace. « Nous en avons besoin pour relever le défi et vivre en cohérence avec qui nous sommes, tout comme de persévérance pour braver les risques, dépasser les difficultés, les doutes, les découragements, les échecs », nous invite le coach. Pourquoi est-ce si difficile ? « Oser nous effraie parce que ça nous demande de faire un pas dans l’inconnu », répond-il. Il s’agit de sortir de notre zone de confort, de choisir une direction qui fait sens, de relever un défi ! Pour découvrir que la réalité est moins effrayante que ce que nous imaginions…

La clé
Le bon état d’esprit ! Il s’agit de dépasser le découragement. Il est courant de penser que nous n’y arriverons pas. Une petite voix nous souffle que changer, c’est risqué, fatigant, voué à l’échec… Finalement, la question se pose : est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? « Faire preuve de courage est avant tout un état d’esprit », nous souffle Pierre Portevin. « Mettre l’accent sur le sens, la joie, le plaisir à se lancer dans l’aventure est primordial. C’est l’état d’esprit qui va nous donner la persévérance, c’est-à-dire le courage de poursuivre. »

Comment s’y mettre
La théorie des petits pas. Pour sortir de votre léthargie et arroser vos graines d’audace, inutile de faire d’emblée des pas de géant. Commencer par de petits pas, à votre propre rythme, est souvent bénéfique. « Si vous les pratiquez tous les jours, les bénéfices que vous en tirez sont croissants », assure le coach. Vous profitez de ce qu’on appelle l’effet cumulé, et vous ravivez courage et confiance.


(1) Allez, courage !, Blanche de Richemont, éd. Presses de la cité, 2024.
(2) Osez… Ça change tout !, Pierre Portevin, éd. Le souffle d’or, 2017.
(3) Les 5 regrets des personnes en fin de vie, Bronnie Ware, éd. Guy Trédaniel, 2013.