Thierry Janssen est psychothérapeute et fondateur de l’École de la Présence thérapeutique. Dans cet extrait de son nouveau livre La posture juste, découvrez le concept de justesse, entre énergétique et psychologie, appliqué au quotidien. Quelques pages pour découvrir comment sentir la posture intérieure juste pour vivre en harmonie avec les autres et le monde, mais également les 5 peurs qui nous empêchent d’expérimenter cet état.
Sentir ce qui est juste
Comment sentir quelle est notre juste place ? Comment adopter ce que l’on pourrait appeler « la posture juste » – la posture qui permet de s’adapter aux situations en agissant dans le respect de l’équilibre et de l’harmonie de la Vie en nous et autour de nous ?
Mon expérience des thérapies psycho-corporelles basées sur les travaux de Wilhelm Reich, Alexander Lowen et John Pierrakos m’a fait prendre conscience que, dès l’enfance, nos différentes peurs existentielles génèrent en nous des réactions physiques et émotionnelles accompagnées de croyances qui, à force de se répéter, deviennent des pensées automatiques, des postures stéréotypées et des comportements conditionnés. Ces conditionnements étant la plupart du temps névrotiques, notre personnalité a tendance à créer du déséquilibre et de la séparation en nous et autour de nous.
Reich, Lowen et Pierrakos décrivent cinq grandes peurs existentielles :
• la peur d’entrer en contact et d’établir un lien ;
• la peur de perdre le lien ;
• la peur d’être obligé de se laisser dominer par l’autre pour garder le lien ;
• la peur de perdre le contrôle et la domination censés permettre de conserver le lien ;
• et la peur que notre singularité et notre spontanéité incitent les autres à rompre leur lien avec nous.
Chacune de ces peurs donne lieu à un mouvement énergétique à l’origine d’un type de comportement :
• La peur d’entrer en contact déclenche un évitement, un retrait, voire une fuite, qui aboutit à une déconnexion. Reich, Lowen et Pierrakos ont donné le nom de « schizoïdie » à ce genre de comportement. (Leur nomenclature peut être déroutante lorsqu’on la découvre, mais nous verrons plus loin qu’elle est très à propos et, surtout, très utile pour comprendre notre mode de fonctionnement.)
• La peur de perdre le lien provoque un effondrement et une tendance à se remplir depuis l’extérieur. Un comportement que nous nommerons « oralité ».
• La peur d’être obligé de se laisser dominer entraîne une fermeture, une contention et une inhibition. Un comportement que nous nommerons « masochisme ».
• La peur de perdre le contrôle induit un décentrage, une tendance à se projeter en dehors de soi et une volonté d’exercer une emprise sur l’extérieur. Un comportement que nous nommerons « psychopathie ».
• La peur de ne pas être accepté tel que l’on est conduit à une volonté de perfection, à une perte de spontanéité et à un manque d’authenticité. Un comportement que nous nommerons « rigidité ».
Chacun de ces mouvements énergétiques se traduit également par un changement de la posture physique qui, à force de se répéter, finit par entraîner une modification de la structure corporelle. Cette constatation est sans doute le plus grand apport des thérapies psycho-corporelles.
Si nous voulons échapper à la logique névrotique engendrée par les cinq grandes peurs existentielles décrites par Reich, Lowen et Pierrakos, nous devons ajuster les mouvements énergétiques de déconnexion, d’effondrement, de fermeture, de décentrage et de rigidification afin de revenir à une posture paisible et confiante où la déconnexion fait place à l’ancrage et au contact, l’effondrement au redressement et au remplissage depuis l’intérieur, la fermeture à l’ouverture et à l’expression, le décentrage au centrage, et la rigidité à la fluidité.
Mon expérience du yoga, du qi gong et de la méditation m’a permis d’observer que ces cinq ajustements aboutissent à la posture de base de ces pratiques, le fameux Wu Ji des arts martiaux, la neutralité, l’espace paisible et silencieux du non encore manifesté, l’harmonieuse unité intérieure qui participe à l’harmonieuse unité du monde. J’ai alors compris que cette posture ajustée est la posture juste qui permet de vivre en harmonie avec soi, avec les autres et avec l’ensemble de la nature. Si ce que je dis ici vous paraît un peu abstrait, ne vous inquiétez pas, cela deviendra très concret lorsque vous serez parvenus à la fin de cet ouvrage.
Chacun de ces mouvements énergétiques se traduit également par un changement de la posture physique qui, à force de se répéter, finit par entraîner une modification de la structure corporelle.
Trouver la posture juste
Face aux diverses crises de notre époque, il paraît illusoire d’espérer de vrais changements de comportements sans un profond changement de la perception que nous avons de nous-mêmes. La tentation est grande de créer de nouvelles lois pour gérer les tensions et le chaos qui caractérisent les crises. Cependant, au lieu de traduire en justice ceux qui ne respectent pas ces lois, il vaudrait mieux les aider à développer en eux le sens de la justesse.
C’est avec cette intention que j’ai fondé en 2015 l’École de la Présence thérapeutique (EDLPT). Une école initiatique où l’on apprend à se connaître pour trouver la posture juste. Une école où l’on apprend à être avant d’apprendre à faire. Un lieu où l’on n’acquiert pas un savoir intellectuel mais où l’on accède à une connaissance issue de l’expérience – la connaissance de l’essence profonde de l’être et celle de notre personnalité, qui empêche cette essence de s’exprimer. Un lieu d’intériorité. Pour moi, un véritable manifeste politique dans le sens où ce genre d’école initiatique manque cruellement dans nos sociétés industrialisées.
L’adjectif « thérapeutique » ne signifie pas que l’école permet d’acquérir une énième compétence de soin. Il signifie simplement que l’éveil de la conscience qui s’y produit et la maîtrise psychologique que l’on y développe font de chaque individu un agent de prévention et de guérison des crises causées par la logique névrotique de nos personnalités. L’EDLPT aurait pu aussi être nommée EDLPJ (École de la Posture juste ou de la Présence juste) ou EDLPC (École de la Pure Conscience). Cependant, le mot « thérapeutique » rappelle aussi qu’il y a un thérapeute potentiel en chacun de nous – un être éveillé qui devient capable de prendre soin de l’essentiel, c’est-à-dire de prendre soin de la Vie en lui et autour de lui.
Thierry Janssen,
La Posture Juste, éditions L’Iconoclaste, 2020, p. 22-26.