« L’homme n’échappe aux lois du monde que la durée d’un éclair. Instants d’arrêt, de contemplation, d’intuition pure, de vide mental, d’acceptation du vide moral. C’est par ces instants qu’il est capable de surnaturel », écrivait la philosophe Simone Weil, dans le livre La pesanteur et la grâce. Ainsi, la prière compterait parmi ses vertus celle de nous rendre plus heureux. Depuis des siècles, elle est pratiquée dans différentes traditions. Mais au-delà de l’acte religieux, des études récentes montrent que la prière produirait des effets bénéfiques sur la santé mentale et émotionnelle, en contribuant notamment à une sensation de bonheur accru.

L’éclairage des études scientifiques

Les répercussions de la prière sur la santé mentale sont de plus en plus documentées, notamment à travers des études portant sur les Alcooliques anonymes. Ce mouvement, qui aide des millions de personnes à travers le monde, préconise la célèbre « prière de la sérénité ». En apparence, on y voit seulement quelques mots à répéter. Pourtant, les effets seraient significatifs. Pour Jacques Besson, professeur de psychiatrie à l’université de Lausanne, « ce rituel, où les membres se tiennent la main en cercle, active le circuit de la récompense dans le cerveau. En d’autres termes, prier ensemble renforce la solidarité et aide à surmonter l’addiction, produisant des effets similaires à certaines psychothérapies. » Des études menées sur les membres des Alcooliques anonymes confirment ainsi que les personnes qui prient ou adoptent ce type de spiritualité sans religion ressentent des améliorations significatives de leur santé mentale. Cette forme de spiritualité, qui implique une relation avec une « puissance supérieure », permet ainsi aux individus de trouver un sens plus large à leur souffrance et de mieux gérer leurs émotions. « Des centaines d’études montrent que la spiritualité et la prière ont un effet bénéfique sur les addictions. Par exemple, chez les Alcooliques anonymes, la prière permet de renforcer l’entraide et le soutien mutuel, qui sont des éléments essentiels pour surmonter l’addiction. La spiritualité, même sans être liée à une religion spécifique, a démontré des effets positifs similaires à ceux observés dans certaines psychothérapies, aidant les personnes à retrouver une stabilité émotionnelle », ajoute le psychiatre.

Différence entre les effets de la prière et ceux de la méditation

Bien que prière et méditation soient souvent confondues, ces deux pratiques comptent des différences. La méditation, notamment dans le bouddhisme, est un état unitaire, une expérience où l’individu se sent faire partie du Tout, cherchant à vivre pleinement l’instant présent. Jacques Besson, qui a aussi travaillé avec le Dalaï-lama sur les neurosciences et la méditation, reprend les mots de l’écrivain et explorateur Romain Rolland pour décrire cet état comme « océanique », renvoyant ainsi à une dissolution de l’ego dans une perception plus vaste de l’existence. En revanche, « la prière est une activité dialogique. Il y a une parole adressée à une entité spirituelle, qu’il s’agisse de Jésus, de Krishna ou d’une autre figure divine. Cette interaction distingue fondamentalement la prière de la méditation. En imagerie par résonance magnétique (IRM), on observe que la prière active plus de zones du cerveau, notamment celles liées au langage et aux relations sociales. En effet, prier met en jeu une relation d’objet, dans laquelle l’individu s’adresse à un “tiers” spirituel, créant un lien qui dépasse le simple acte introspectif. » Et cela ferait une différence significative. La prière, en mobilisant l’aire du langage et du lien social, présenterait un éventail de bénéfices supérieur à la méditation, notamment concernant la capacité à se sentir heureux. (...)