« Au printemps ramène l’hiver, Pancrace, Servais et Mamert », ou encore « Attention, le premier des saints de glace, souvent tu en gardes la trace »… La popularité des saints de glace et des dictions régionaux qui leur sont consacrés est encore vivace chez les Français. Ils sont redoutés tous les ans les 11, 12 et 13 mai, une période pendant laquelle il est recommandé aux jardiniers de protéger leurs cultures ou de retarder toutes nouvelles plantations afin d’anticiper les possibles gelées.

Alain Baraton, jardinier en chef du parc du château de Versailles depuis 1982, ne fait pas partie du clan des frileux : « Depuis 40 ans, je dis à mes collègues de ne pas attendre et de planter. Jamais une plante à Versailles n’a gelé à cause des saints de glace », a-t-il déclaré. Ces consignes et mises en garde continuent pourtant d’être appliquées superstitieusement depuis des siècles…

Qui sont ces fameux saints ?

Issus du langage populaire, les saints de glace, appelés aussi « seigneurs sévères », tirent leur nom du jour de célébration de chaque saint, comme dans la plupart des dictons paysans. Saint Mamert, célébré le 11 mai, était un évêque catholique au V^e siècle qui aurait souvent accompli des miracles, notamment lors de graves sécheresses. Saint Pancrace, le 12 mai, dont le nom signifie « le tout vainqueur » vécut quant à lui au III^e siècle. Il est l’un des saints patrons des enfants et des adolescents. Saint Servais, le 13 mai, évêque au IV^e siècle dans ce qui est aujourd’hui la Belgique était invoqué contre les rhumatismes, les fièvres… Dans certaines régions, d’autres saints de glace rivalisent avec ce célèbre trio : saint Boniface le 14 mai, saint Yves le 19, saint Bernardin le 20 ou encore sainte Sophie le 25, mais encore les Cavaliers du froid les 23, 25, 29 avril et le 1^er mai.

Datant du Moyen Âge, cette croyance populaire attribue donc à Mamert, Pancrace et Servais – rebaptisés dans les années 1960 Estelle, Achille et Rolande par l’Église catholique qui les a supprimés du calendrier pour en finir avec les réminiscences de paganismes ancestraux – le pouvoir d’apporter des gelées tardives, notamment la nuit. Les premières traces des saints datent de l’an 500 après J.-C... Quarante jours après Pâques, lors des fêtes religieuses qui précédaient immédiatement le jeudi de l’Ascension, les paysans se retrouvaient et récitaient au cours de processions paroissiales des prières pour protéger les cultures et les plantations et mettre fin aux calamités naturelles. Sans être pour autant vraiment exaucés...

Une singularité météorologique

L’existence des saints de glace a pu être justifiée par des raisons astrophysiques. Cette hypothèse met en avant le fait que chaque année à la mi-mai, l’orbite de la Terre traverserait une zone de l’espace chargée de poussières constituées de résidus de planètes. Celles-ci feraient obstacle aux rayons du soleil, provoquant une baisse significative des températures. Cette explication a toutefois été infirmée par les astronomes qui n’ont détecté aucun nuage de ce type sur la trajectoire de la Terre, même avec des instruments très sensibles comme les instruments de la Station spatiale internationale (SSI). (...)