Pour mieux vivre l’arrivée d’un enfant dans sa dimension holistique,
un nouveau courant émerge : les doulas, avec pour vocation de ré-humaniser la grossesse, là où souvent la seule prise en charge médicale domine. Décodage d’une mutation de la maternité.
Le terme de « doula », issu du grec ancien, peut se traduire par « celle qui sert la mère ». Au temps de Socrate, philosophe du V
e siècle av. J.-C., la doula désignait la servante qui s’occupait des tâches de la maison et des soins de sa maîtresse – beauté, santé, grossesse et accouchement. C’est ainsi depuis la nuit des temps, les femmes se rassemblent autour de celle qui accouche, pour l’entourer et la soutenir.
Qu’elle soit nommée
godsib, au Moyen Âge en Angleterre, ou « la femme qui aide » dans les campagnes françaises, chacune accompagne la future mère pour cette traversée qu’est la mise au monde d’un enfant. C’est seulement en 1973 que le mot « doula » est de retour, employé par l’anthropologue médicale américaine Dana Louise Raphael dans son ouvrage
The Tender Gift, et en 1992 que la première association de doulas américaines voit le jour.
En Europe, il faudra attendre les années 2000 pour voir apparaître le réseau Doula UK (Royaume-Uni) et le collectif Doulas de France (2003). Aujourd’hui, ce mouvement est en plein essor, avec pour objectif de faire avancer l’accompagnement à la naissance et pendant les mois non médicalisés qui suivent.
La présence au cœur de l’accompagnement
«
Une doula a pour vocation d’accompagner et de soutenir la future mère et son entourage, son conjoint, sa famille, pendant la grossesse, l’accouchement et la période post-natale », résume Yanick Revel, doula et auteure
(1). La définir reste un exercice périlleux, comme l’écrit Pam Adams, pionnière de ce courant : «
Être doula, c’est comme être une artiste. Chaque femme apporte dans son travail ses talents innés, ses compétences personnelles, son authenticité et son expérience. »
(2) Ainsi, elles adaptent leurs compétences afin de satisfaire les besoins de la future maman et de répondre à chaque situation. Au cœur du métier : la présence ! «
J’ouvre un espace de parole avant tout, la manière d’être à l’écoute est primordiale », précise Yanick Revel. Les premières questions à la mère sont simples : comment te sens-tu ? De quoi as-tu besoin ? «
Cet espace privilégié permet de poser des questions hors du champ de la gynéco, ou de la sage-femme. Il questionne le comment devenir mère, parent, c’est-à-dire l’intime », ajoute notre experte. À chacune sa fonction ; la gynéco est formée aux pathologies de la grossesse, la sage-femme à la physiologie, la doula à offrir un temps dédié à l’émotionnel. Nous vient aussitôt à l’esprit que cela pourrait aussi bien être le rôle d’une sœur, d’une amie, ou encore d’une mère, d’une tante ! La réponse de Yanick Revel coupe court à toutes les interrogations : «
Notre implication et nos compétences diffèrent, nous assurons à la future mère un accompagnement fiable qui lui donne confiance dans ses capacités avant tout. » Autre point important, la prise en compte du conjoint, des enfants. En effet, les futurs pères sont de plus en plus engagés, et cet espace spécifique leur permet aussi de formuler des peurs, leur évitant ainsi de les projeter sur la future mère.
J’ouvre un espace de parole avant tout, la manière d’être à l’écoute est primordiale.
Des spécificités post-natales
Face à une société en mutation constante, la profession évolue, et certaines doulas ont développé des compétences spécifiques, telles que le portage ou l’allaitement, deux branches parmi les plus répandues. «
Guidés à porter leur bébé à bras ou en écharpe, les parents reprennent confiance en eux », explique Pauline Dubromez, doula. Il s’agit de transmettre les bons gestes dans la manipulation du bébé, et une meilleure compréhension de sa physiologie, de ses rythmes. Quelle différence avec des ateliers de portage ? «
Ce n’est pas juste technique, c’est aussi un espace d’écoute avec le bébé, une prise en compte des ressentis et du vécu des parents », répond la jeune femme. Cette demande des parents révèle une volonté de tendre vers le maternage proximal, d’avoir son enfant contre soi, et un besoin d’apprentissage. Pauline Dubromez a pu noter de nombreuses craintes, comme celles de mal s’y prendre ou d’effectuer une installation non sécuritaire. Autre domaine privilégié de la profession : l’allaitement ! Le fait d’avoir suivi la future maman en prénatal favorise un environnement propice au relâchement émotionnel et au déblocage de certaines situations. Par exemple, «
le rapprochement joue du bébé contre sein permet au flot d’ocytocine de circuler et à la magie d’opérer ! » partage Pauline Dubromez. Vient s’ajouter sa posture d’accueil, qui fait la différence.
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