Guérisons miraculeuses, bilocation, stigmatisation, clairvoyance, transverbération, osmogénésie, inédie, incorruptibilité du corps... Padre Pio, prêtre italien mort en 1968 fascine par ses charismes et interroge encore à ce jour la science.
En Italie, Padre Pio est presque aussi connu que saint François d’Assise l’est en France. Son effigie se trouve partout et un sanctuaire lui est dédié à San Giovanni Rotondo, dans le nord des Pouilles. Tous les croyants y invoquent ce saint protecteur. Sa renommée a traversé les frontières du monde entier. Mais avant d’être béatifié puis canonisé par le pape Jean-Paul II le 16 juin 2002, il a été critiqué, interrogé, rejeté par l’institution. Le moine capucin Francesco Forgione, né en 1887 à Pietrelcina, envoyé à San Giovanni Rotondo pour confesser entre quinze et dix-neuf heures par jour, intrigue par ses innombrables dons. Il reste encore aujourd’hui un mystère pour la science, à commencer par son corps, retrouvé quasiment intact dans son tombeau quarante ans après sa mort survenue en 1968. Le Vatican l’exhume en direct à la télévision, le 3 mars 2008. Et là, c’est la stupéfaction ! Alors qu’il n’a pas été embaumé et n’a reçu aucun soin, le corps est retrouvé dans un bon état de conservation, en particulier ses mains dont les stigmates de la Passion du Christ ont disparu.
«
L’incorruptibilité du corps est un phénomène contraire aux lois biologiques que l’on retrouve fréquemment chez les saints, comme Bernadette Soubirous et Roseline de Villeneuve », observe monseigneur Gérard, supérieur général des Hospitaliers de Saint-Jean
(1). Et, fait aussi étrange que l’absence de putréfaction, le corps de Padre Pio dégage un parfum de rose et de violette. L’osmogénésie est un charisme – don au service de la foi – que l’on retrouve chez quelques saints, dont Padre Pio. À son passage dans la foule, au contact des objets qu’il touche, en se recommandant à ses prières, même à distance, de nombreux témoins font part de ce parfum qualifié d’odeur de sainteté. «
Non pas en rêve mais alors que j’étais bien réveillée, j’ai senti son parfum. Aucun jardin rempli de fleurs sur le point d’éclore ne saurait dégager des fragrances paradisiaques pareilles à celles qui emplirent ma chambre la nuit du 25 au 26 juillet 1941 et l’après-midi du 21 septembre 1942, juste au moment où un de nos amis parlait de moi au Padre », a écrit Maria Valtorta qui a laissé une œuvre considérable de textes inspirés par ses visions et révélations
(2), alors qu’elle était
paralysée dans son lit. Par ailleurs, un médecin qui avait gardé un pansement retiré des plaies de Padre Pio pour en faire analyser le sang, témoigne qu’il a exhalé un parfum de fleurs pendant très longtemps. Pour l’anthropologue Michel Fromaget
(3), la myroblytie (faculté d’émettre des odeurs suaves) échappe bel et bien à la science car elle pose un problème de synthèse moléculaire, en mettant à mal les lois qui régissent les transformations d’énergie.
Fait étrange : les plaies ne cicatrisent pas et ne se nécrosent pas.
Les stigmates du Christ
La vie de Padre Pio a véritablement basculé le 20 septembre 1918 lorsque deux de ses filles spirituelles découvrent qu’il porte des plaies ressemblant en tous points aux stigmates du Christ sur la Croix. «
Ce sont en lui non pas des taches ou des empreintes mais de véritables plaies qui perforent les mains et les pieds. J’ai également observé celle du côté : une vraie blessure qui émet continuellement du sang ou un liquide sanguinolent », témoigne le père Benedetto en 1919 qui demande à un médecin d’ausculter Padre Pio. Celui-ci en conclut que la production des plaies ne relève d’aucun processus pathologique connu et qu’il ne s’agit pas d’automutilation. Fait étrange : les plaies ne cicatrisent pas et ne se nécrosent pas. La presse s’empare de l’événement et crée l’émulation tant auprès du public que des communautés scientifiques et religieuses, dont certaines mènent d’ailleurs des campagnes de diffamation contre Padre Pio. Pourtant, il n’est pas un cas isolé. L’Église catholique a déjà dénombré plusieurs centaines de stigmatisés, comme saint François d’Assise et sainte Catherine de Sienne.
Plus tard, le moine capucin racontera les circonstances de sa stigmatisation. Saisi d’un profond assoupissement, il fut transpercé par «
le crucifix du chœur, qui s’est transformé en un grand personnage tout ensanglanté » dont sont partis «
des traits de lumière, telles des flèches de feu » qui sont venus blesser ses pieds et ses mains, sa côte étant déjà ouverte depuis la même année. À la fois événement mystique et phénomène paranormal, la transverbération est rarement mentionnée, si ce n’est par Thérèse d’Avila, canonisée en 1622, dans son ouvrage autobiographique. Pour le D
r Patrick Theillier, ancien médecin permanent du bureau médical des sanctuaires de Lourdes
(4), ce n’est pas parce que la science ne peut expliquer ni reproduire ce type de phénomènes qu’ils n’existent pas. Il se réfère à l’anthropologie chrétienne pour expliquer les miracles : «
Le corps est tellement imprégné par l’Esprit Saint qu’il ne se décompose pas à sa mort ou, au contraire, crée des plaies ou stigmates de son vivant. Quand l’énergie spirituelle envahit toutes les cellules du corps, tout devient alors possible. »
En 1926, le pape Pie XI envisage de sanctionner Padre Pio avant de se raviser car il est témoin d’un fait tout aussi incroyable que la stigmatisation : la bilocation (présence simultanée en deux lieux distincts). Voici ce qui est rapporté le jour où la commission délibère sur son sort : «
On vit entrer un frère capucin avec les mains croisées dans les manches de sa robe, qui semblait avancer d’un pas claudicant mais décidé. Il alla directement vers le pape sans qu’aucune des personnes présentes ait pu l’intercepter, s’agenouilla devant le Saint-Père, lui baisa les pieds et le supplia en ces termes : “Sainteté, pour le bien de l’Église, ne permettez pas cela.” Puis il sollicita la bénédiction du pontife, lui baisa de nouveau les pieds, se releva et, avec assurance, se dirigea vers la sortie. » Or, les gardes racontent n’avoir vu personne entrer et sortir de la salle de congrégation ! La présence de Padre Pio est attestée plusieurs fois à différents endroits du monde (en Californie, Uruguay...), alors même qu’il n’a jamais quitté physiquement San Giovanni Rotondo. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des pilotes affirment même avoir été empêchés de survoler la cité italienne, suite à l’apparition dans le ciel d’un moine aux mains ensanglantées. Leurs avions ne répondant plus. Certains, plus tard, reconnurent avec une « absolue certitude » Padre Pio. Ce qui échappe encore une fois à toute explication rationnelle, même si depuis, les témoignages d’expériences de mort imminente montrent une possible distanciation entre la conscience et le corps.
Tous ceux qui ont eu la chance de le rencontrer font également part de ses dons de clairvoyance.
Des guérisons miraculeuses
Comme d’autres mystiques à l’image de Marthe Robin, Padre Pio vit à plusieurs reprises en inédie (abstention totale de nourriture et de boisson). «
On peut imaginer qu’une hostie prise chaque jour nourrisse suffisamment l’âme des saints pour nourrir leur corps », explique le D
r Patrick Theillier. En 1911, alors que les médecins ne lui donnent plus qu’un mois à vivre, traversé par des nausées et des douleurs dans la poitrine, Padre Pio arrête de s’alimenter. Ce jeûne est accompagné de dialogues avec l’Invisible, tantôt à travers des extases, tantôt à travers des vexations diaboliques. On lui prête également le don d’hyperthermie (élévation de la température du corps au-delà de 48 °C). De santé fragile depuis l’enfance, Padre Pio combat la souffrance à travers son corps tout au long de sa vie, la sienne mais aussi celle des autres. Parmi ses plus étonnantes guérisons, celle de Gemma di Giorgi, une fillette aveugle de sept ans. Lors de sa confession, Padre Pio trace un signe de croix sur ses paupières puis un second lors de l’eucharistie. Sur le chemin du retour pour rentrer chez elle, elle recouvre la vue. Un fait tout simplement inexplicable pour les ophtalmologistes qui l’ont auscultée, la petite fille n’ayant pas de pupille. Autre guérison, à distance cette fois, celle de Rosetta Polo Riva, une adolescente souffrant d’un emphysème pulmonaire chronique et d’une dilatation de l’aorte dont l’issue était fatale. Dans tous ces nombreux cas de guérisons miraculeuses, Padre Pio se voit toujours comme un intercesseur : c’est le Seigneur qui guérit à travers lui.
Tous ceux qui ont eu la chance de le rencontrer font également part de ses dons de clairvoyance, décontenancés par les révélations que Padre Pio leur fait sur leur vie passée, présente et future, car celui-ci semble lire en eux à livre ouvert. Le père Cataneo raconte dans son ouvrage sa rencontre avec celui qui est devenu un grand saint : «
Quand il fut près de moi, sans me donner le temps de parler, il me dit à l’oreille : “Voici la raison de ta situation” et il la synthétisa en une seule phrase [...] Je fus déconcerté. Plus besoin de discours : le Père était allé tout droit à mon problème et en avait saisi la cause exacte. » Parmi ses autres prémonitions, l’une des plus marquantes est sans nul doute celle de l’élection de Jean-Paul II en tant que pape, accompagnée de sa tentative d’assassinat. En 1947, Karol Wojtyla vient en pèlerinage à San Giovanni Rotondo où il se confesse au frère capucin. À son retour de voyage, le professeur Enrico Medi, grand dévot du religieux, raconte leur rencontre : «
Dès que Padre Pio l’a vu, il l’a regardé dans les yeux et lui a dit : “Tu seras pape, mais il y aura du sang et de la violence” ». Pendant la messe ou dans le confessionnal, il n’est pas rare que Padre Pio verse d’abondantes larmes. Il avait reçu ce que les religieux appellent le « don des larmes ». Pour l’Église, le fait de pouvoir pleurer, soit de joie, soit de douleur, est un don qui viendrait de l’Esprit Saint. «
Chez certains saints ou d’autres individus, l’action de l’esprit ou de la grâce divine sur l’âme peut se déployer dans le corps. La personne est tellement reliée à son esprit qu’elle peut agir sur son corps en passant par son âme, même si aucun microscope ne la verra jamais », conclut le D
r Patrick Theillier.
(1) Old Roman Catholic Church.
(2)
Les cahiers de 1945 à 1950, éd. Centro Valtortiano, 2009.
(3)
Les cadavres extraordinaires – Essai de thanatologie mystique, dans
Études sur la mort 2006/1 (n° 129).
(4)
Lourdes, terre de guérisons, éd. Artège, 2019 ;
Une autre médecine est possible – Mon guide pour une santé respectueuse de la création, de la vie et de la personne, D
r Patrick Theillier, 2021.