Pourquoi avez-vous voulu écrire ce livre ?
Cela a été un cheminement, de multiples rencontres,
mais il y a une raison, une personne pour laquelle j’ai
accepté d’écrire ce livre... C’est ma troisième fille, qui
a le même don que moi. À l’école, Rose a énormément
souffert, comme moi petite, d’être différente.
Sans doute comme d’autres enfants qui sont dans
ce cas de figure, et qui peuvent être étiquetés parce
qu’en Occident, en Europe et en France, on ne parle
pas des capacités médiumniques, de voyance... On
est encore catalogué. J’ai énormément souffert, sans
comprendre ma différence et les perceptions que
j’avais. J’étais persuadée que tout le monde voyait
la même chose que moi. Et j’ai réalisé, petit à petit,
que non, les adultes, les enfants autour de moi ne
percevaient pas les mêmes choses. J’ai donc d’abord
été traitée de folle et cela m’a beaucoup marquée,
dans mon enfance puis mon adolescence. J’avais des
parents qui ne comprenaient rien à tout cela. Et ma
fille est comme moi : même si ses perceptions sont
différentes, elle a cette même sensibilité. Alors je me
suis dit qu’il fallait aborder ce sujet, au moins pour
les enfants, mais aussi pour les familles qui justement
ne savent pas forcément comment gérer ces
phénomènes. Ce livre existe donc pour expliquer
aux parents que leur enfant n’est pas fou et pour
leur permettre de le voir sous un angle nouveau. Je
dis d’observer les signes : s’il est isolé, s’il a un regard fixe... De lui poser des questions,
mais sûrement pas de le museler, afin que ses capacités
soient détectées plut tôt et qu’il ne soit pas
en souffrance. Il faut le laisser s’exprimer puis lui
expliquer le plus vite possible qu’il n’est pas tout seul
à vivre cela et l’amener à rencontrer d’autres enfants
et d’autres adultes comme lui. Même si mon livre est
assez impudique, je me suis dit qu’il pouvait aider
d’autres personnes.
Vous parlez beaucoup de flashes, de voir
les choses, d’hypersensibilité,
pouvez-vous nous expliquer ?
Vous voyez, par exemple, pendant que je vous regarde,
que l’on discute, tout à coup je ne vais plus voir la scène
en tant que telle, mais une sorte de « diapo » va apparaître
devant mes yeux. J’ai une autre scène qui arrive, comme
avec l’aide d’un rétroprojecteur. Alors quelquefois, c’est
une diapo, deux diapos, trois diapos ; parfois elles sont
très saccadées, parfois elles restent longtemps, d’autres fois
encore, cela donne comme un petit court métrage qui défile
devant moi. Après, je raconte ces scènes à la personne
concernée, puis je les oublie... Seules certaines scènes
restent en moi. Par exemple, le 11 septembre 2001, les
images étaient tellement puissantes qu’elles sont restées
pendant plusieurs jours dans mon esprit.
Est-ce une forme de mémoire ? Comme
lorsqu’on se rappelle du passé, mais avec
d’autres informations au futur ?
Ce n’est pas tout à fait la même chose à mes yeux. Quand
on a des images du passé de notre vie personnelle qui
reviennent, cela crée une émotion en nous. Lorsque j’ai
un flash, je n’ai pas forcément d’émotion associée. Mais
quelquefois, je suis imprégnée émotionnellement de mon
environnement. Par exemple, lorsque j’arrive dans un lieu
public, je capte les émotions des gens. Donc, je ne peux
pas aller dans une grande salle de concert, à moins d’être
placée à un certain endroit ; sinon, je me « chope » tous
les « trucs » qui passent, comme on dit ! Cela me met
dans des états d’hypersensibilité qui me fatiguent.
Les plus grands choix, les plus grandes
recherches, les plus grandes découvertes
se sont faites grâce à l’intuition !
Est-ce une capacité que nous aurions tous ?
Il me semble, oui... On est tous constitués, à un moment
donné, de cette capacité.
Après, elle est plus ou
moins forte, plus ou moins développée. Parce que c’est
une intuition poussée à l’extrême, mais reliée à notre
part animale, qui parle et qui voit. Un animal, sauvage
ou domestique, sent : il s’approche ou ne s’approche pas,
mais il sait où il va être bien. Qu’est-ce qu’il voit ou
sent ? On n’en sait absolument rien, mais il perçoit des
choses, et ce ne sont pas que des sensations. Je crois qu’il
a également des images. Il suffit d’observer… Je pense
à mon chat : quand il a la tête en l’air, il voit des choses,
j’en suis sûre.
À quel moment de votre vie avez-vous compris
que les choses que vous voyiez pouvaient
se produire dans le futur, ou apporter des
informations concrètes ?
Toute petite. Parce que je voyais des choses et puis elles
arrivaient le lendemain. La mort de mon grand-père,
Louis, je l’avais vue. Je me suis vue sortir du collège, arriver
à la maison, devant la porte, rentrer, le téléphone sonnait…
Cela s’est passé exactement comme je l’avais vu.
Mais c’était au millimètre, avec les sensations de tourner
la clé, de ce que ça allait me faire... Ce fut assez bouleversant,
mais j’ai compris.
Et comment vit-on, du coup,
avec ces capacités ?
Eh bien, comme tous les enfants et tous les ados, comme
on peut... Mais ce qui était très difficile, c’était de me
situer dans l’espace-temps et de me sentir « normale » par
rapport à mes copains, à mes copines, aux adultes. En
fait, je me sentais plus grande que les adultes, parce que
je voyais ces choses et je me disais « Ce n’est pas normal,
ils devraient savoir ! » Là où cela devient encore plus complexe,
c’est dans le domaine sentimental. Parce qu’il y a
l’émotionnel, le parcours d’un homme et d’une femme.
Et finalement, « j’y vais quand même », tout en sachant
quel sera l’aboutissement... C’est compliqué à gérer !
Ce n’est pas parce qu’on voit des choses que la
route est simple et facile...
Bien évidemment, car il existe une forme de destin. L’autre
jour, quelqu’un me posait une question : « Vous devriez
toujours réussir, non ? » Non, cela n’a rien à voir. C’est là
où les gens se trompent complètement : ce n’est pas parce
qu’on est voyant que nous ne traversons pas d’épreuves, car
celles-ci sont inscrites ! Et il y a des rencontres à faire. Et toute
rencontre est positive, absolument. Tout ce qui est sur notre
chemin est là pour nous amener à comprendre, appréhender
des choses, les dépasser. Mais les gens font un amalgame :
si on « voit » la route, l’existence n’en devient pas lisse et
merveilleuse pour autant, elle ne nous amène pas toujours à
faire les choix du succès…
Existe-t-il un moyen d’éviter néanmoins
certains événements pressentis ?
Je ne détiens pas du tout la vérité, mais j’ai le sentiment que
les grands événements sont inscrits dans la vie. C’est ce qui
s’appelle le destin, le karma. Il y a un certain nombre de
choses à résoudre et à dépasser pour améliorer son être. Mais
là où l’on a une marge de manoeuvre, c’est dans la façon de
voir et de vivre les choses. Dans notre espace-temps, que se
passe-t-il ? Ce saut de conscience peut aller plus ou moins
vite, modifier notre parcours en fonction de nos attitudes et
de notre sensibilité. Mais les grandes données de la vie, elles,
sont inscrites, comme des pierres déjà posées sur le chemin.
Cela serait comme un long trajet de Paris à Marseille : le parcours
est inscrit. Mais il y a toutes les villes qu’on va traverser,
la rapidité du parcours ou la météo : on aura peut-être un
peu plus de pluie, de soleil. Une rencontre qui va s’inscrire
plus ou moins longtemps, mais elle sera inscrite dans l’histoire
en fonction d’un certain nombre d’événements modifiés
par l’espace-temps, que nous créons aussi. Nous pouvons
modifier notre propre espace-temps.
Quel regard avez-vous sur ces pierres, ces
marqueurs de l’espace-temps ?
Quelque chose m’intrigue : il existe des personnes pour lesquelles
j’ai des flashes, et tout va se passer dans les quinze
jours, absolument tout. Pourquoi ? Je ne sais pas. Pour
d’autres, je vais avoir des flashes mais cela va se passer deux
ans plus tard pour le premier événement et cinq ans plus tard
pour le troisième événement... Pourquoi ? Je ne sais pas. Et il
y a des choses qui ne se produisent pas… Qui ne sont peutêtre
pas encore arrivées ? Ou peut-être qui n’arriveront pas.
On ne sait pas. Peut-être ont-elles été modifiées !
Est-ce une question d’interprétation ?
Aussi ! Il y a plusieurs éléments : la première chose, le flash
en lui-même. Ensuite, les mots choisis pour le dire ou le
décrire. Enfin, l’interprétation du voyant. Cela fait déjà trois
éléments. Mais il faut rajouter l’interprétation de la personne
qui consulte...
En fonction de son histoire, de sa culture, de
sa sensibilité, de ses attentes, de ses résistances, elle va interpréter
ce flash d’une autre façon encore. Puis l’événement
va arriver. Déjà, il sera déformé par le temps, parce que la
personne aura noté et retenu un certain nombre d’informations,
mais rarement l’essentiel. Ce n’est plus la réalité de
ce qu’elle avait compris sur le moment. L’événement arrive
et il n’aura plus tout à fait la même couleur, le même dessin...
Pourtant, parfois, la vision est absolument parfaite.
Pourquoi ? Le flash est tout à fait exact, les mots que je vais
employer vont être justes pour la personne qui va aussi les recevoir
de manière juste, parce que nous sommes sur la même
énergie, la même sensibilité et que l’événement arrive dans
cette synergie. Alors là, c’est incroyable : c’est une autoroute
pour la voyance, dans ce cas-là... Mais combien de fois cela
arrive-t-il de cette façon-là ? Les voyantes sont souvent critiquées
à ce propos. Les gens vont faire une fixette totale sur
l’élément sur lequel la voyante s’est trompée. Ce n’est pas
une science exacte, c’est un autre regard sur les choses, un
autre prisme pour appréhender le réel. L’idée n’est pas de
« voir l’avenir ». Mais ce qui est également intéressant, c’est
de voir le présent et le passé, pour aider quelqu’un, en psychologie
par exemple, afin de déterrer des éléments de prime
abord cachés. Quelqu’un qui est en analyse depuis un certain
nombre d’années va petit à petit déterrer des événements de
sa vie. Mais il peut y avoir quelque chose dont il ne se souvient
absolument pas, qui est obstrué. Et grâce à la voyance,
on peut gagner un temps fou. Cela peut provoquer des déclics.
J’ai vécu cela avec un certain nombre de personnes.
C’est un autre
regard sur
les choses,
un autre
prisme pour
appréhender
le réel.
Vous, vous n’avez pourtant pas fait de ces
facultés votre métier…
Personnellement, je prédis aux terrasses de café. Je suis une
vraie bohémienne ! Mais cela peut justement être l’occasion
de se poser la question d’un point de vue également
scientifique : qu’est-ce que l’espace-temps ? Personne ne le
sait vraiment. Et donc d’arrêter avec les idées préconçues.
La voyance annonce aussi des éléments négatifs : le décès
de quelqu’un, un accident, ou je ne sais quoi. Cela peut
préparer psychologiquement...
(...)