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Transplantation
de
cœur
:
mémoire
de
plusieurs
vies
avec
Charlotte
Valandrey

Dans la vie de Charlotte, il y a déjà eu plusieurs vies, toutes plus incroyables les unes que les autres, marquées par sa force vitale dans les épreuves, et toujours plus de place pour l'amour. Rencontre avec une femme hors du commun.
Transplantation de cœur : mémoire de plusieurs vies avec Charlotte Valandrey
Perceptions

Dans l’amour que Yann avait pour vous, continuait-il d’aimer Virginie, son ex-femme décédée dans un accident, dont on vous a vraisemblablement greffé le cœur (voir encadré) ?


Yann pensait que j’avais le cœur de sa femme et il est évident pour moi qu’il n’a jamais dissocié les deux. Il a toujours cherché à retrouver sa femme en m’emmenant dans des endroits où il était allé avec elle, et jusqu’à me dire régulièrement cette phrase : « N’oublie pas de m’aimer », qui avait un rapport avec elle... Et à chaque fois je me disais : « Qu’est-ce que c’est que cette phrase, je l’ai déjà entendue, ça me parle... » Je me mets à sa place, je n’aurais pas pu dissocier, si j’avais eu en face de moi une personne portant le cœur de quelqu’un que j’avais grandement aimé. C’est pour ça que l’histoire à un moment donné doit se finir. On peut aimer les gens pour ce qu’ils représentent ou ce qu’ils nous renvoient, mais l’important est d’être aimé pour soi, et de laisser l’autre libre.


Après votre greffe du cœur, vous avez eu des rêves et des souvenirs qui ne se rapportaient pas à des événements que vous aviez vécus, mais qui étaient liés à l’existence de Virginie, dont vous ignoriez tout. Avec le recul, comment comprenez-vous cela ?


En partie par la mémoire cellulaire. Il y a des témoignages sur des changements de goûts qui troublent beaucoup les gens, et qui existent avec les greffes de rein, de poumon, de cœur. Aux États-Unis, ils en parlent clairement, ce n’est pas un sujet tabou. Pour les cauchemars (un accident de voiture comportant de nombreux éléments des circonstances de la mort de Virginie), je penche aussi pour la mémoire cellulaire. Mais il y a aussi une partie que je n’explique pas.

Bio express
Actrice, Charlotte Valandrey a joué dans plusieurs films dont Rouge baiser, pour lequel elle a obtenu le prix d’interprétation à Berlin en 1986. Devenue séropositive à 18 ans, elle a été greffée du cœur en 2003, à l’âge de 34 ans. Dans trois livres autobiographiques, elle relate ce parcours jalonné de souffrances qu’elle a surmontées grâce à une force de vie hors du commun. Le dernier, N’oublie pas de m’aimer, est paru en septembre.


Pourriez-vous raconter l’un de ces rêves étranges ?


J’ai rêvé d’une chapelle avant d’y être allée. Je voyais Yann plus jeune et souriant autour de cet endroit. C’est un rêve que j’ai fait plusieurs fois avant d’aller à cette chapelle en Irlande, où Yann m’a emmenée. Une fois devant, j’ai compris que Yann y était venu avec Virginie. Cela m’est aussi arrivé en Inde.


Vous parlez aussi de vos goûts qui ont changé. Dans « De cœur inconnu », vous évoquez une soudaine attirance pour la tarte au citron meringuée. Est-ce que vous continuez à découvrir de nouveaux goûts ?


Il y a eu effectivement la tarte au citron meringuée, également le vin et les épices. Maintenant j’adore le curry, et de plus en plus les plats indiens, thaïlandais. La crème brûlée est arrivée, je n’aimais pas ça avant. C’est vrai que c’est très étrange de détester quelque chose et d’avoir soudain envie d’en manger, mais comme c’est bon, l’agréable finit par prendre le dessus (rires) ! Et puis je n’ai pas changé de personnalité, je n’ai pas eu un alien en moi.


Avez-vous l’impression d’une présence étrangère ?


Non, j’ai fait la paix avec mon cœur, on est amis, et j’ai l’intention de faire une longue route avec lui. Je fais du sport pour le muscler.


Dans l’un de vos livres vous dites que vous avez parlé à un grand professeur de cardiologie qui vous a dit qu’effectivement, il y avait des indices sérieux de mémoire cellulaire.


Il m’avait effectivement parlé d’indices donnant à penser que des cellules du cerveau pourraient recevoir des souvenirs d’organes greffés, et retransmettre des souvenirs, des rêves, des sentiments de déjà-vu. En France, c’est un peu tabou, mais cela s’expliquera sûrement dans quelques années. Cela dit, je n’explique pas tout. On aime expliquer pour se rassurer, mettre les choses dans des tiroirs. Moi, je n’ai plus peur de ce qui va arriver.


Aviez-vous déjà avant la greffe des intuitions, des rêves prémonitoires par exemple ?


Je suis quelqu’un d’intuitif. La dernière fois, c’était en Bretagne. À peine entrée dans le restaurant, j’ai dit : « Ressortons, ce ne sera pas bien ici. » Les autres ont voulu rester et à la fin, tout le monde a dit qu’on n’aurait pas dû venir. Mais avant, je n’avais pas la place pour que cette intuition s’exprime. J’avais le problème de ma séropositivité, je devais survivre, continuer à travailler, il y a eu la mort de ma mère, les médicaments, un divorce, la greffe en 2003... Il faut que les choses retombent pour pouvoir être ouvert sur les autres, en observation. En 2005, il y a eu la place pour ces rêves. C’était un moment où j’étais plus à l’écoute de moi-même.

On aime expliquer pour se rassurer, mettre les choses dans des tiroirs.


Dans « De cœur inconnu », c’est un voyant qui vous met sur la piste de Yann – votre futur amoureux – en décrivant ses lettres noyées dans votre courrier des lecteurs de l’époque. L’avez-vous revu ?


Non, et j’ai égaré ses coordonnées. Les voyants, j’en ai vu beaucoup, et il y a beaucoup de charlatans, mais lui était bluffant. Je n’ai pas essayé de le revoir car je ne suis plus dans le même état d’esprit. Je vis au jour le jour, minute après minute. Carpe momentum, profiter du moment présent. Je ne cherche plus à expliquer. Pendant des années, j’ai cherché à comprendre pourquoi j’avais été séropositive si jeune, pourquoi j’avais été greffée. Il n’y a pas d’explication. C’est comme ça.


Pour expliquer ces ressentis, vous parlez de mémoire cellulaire, mais aussi d’anges gardiens, de survivance de l’âme...


J’ai besoin de me dire – et je pense que c’est vrai – que les gens que j’ai aimés et qui sont partis, sont là. Ça fait du bien de se dire que notre mère, par exemple, fait attention à nous, nous envoie un signe. Parfois je dis : « Maman, est-ce que tu pourrais m’aider à faire ça ? » Je suis certaine qu’Anna à qui j’ai dédicacé mon livre l’année dernière, ma mère et ma tante sont là. Lorsqu’elles sont mortes, pendant quinze jours je les ai vraiment senties autour de moi, c’est sans doute pour cela que je suis si convaincue qu’on se rejoindra. J’ai rêvé cette nuit de la personne qui m’a contaminée (qui est morte du sida – NDLR). On repartait dans une histoire tous les deux. Et ce rêve me disait : « Même s’il ne le montrait pas, il t’aimait énormément. » En vingt-cinq ans, c’est la première fois que je fais un tel rêve. Je n’avais jamais rêvé de lui. Je crois que l’homme peut tout expliquer sauf la mort. Personne ne sait ce qui se passe après.


Voyez-vous dans ces sentiments de présence une persistance de l’amour ?


J’y vois une attention, une volonté de faire du bien, d’être bienveillant. Entre nous, on n’est pas assez bienveillant.


Il y a des quantités de témoignages de gens qui sentent ce qui arrive à un être aimé même lorsqu’il est loin, qu’en pensez-vous ?


Cela m’est parfois arrivé avec Yann, mais aussi dans une autre histoire qui a duré moins longtemps. Pendant un mois, alors qu’il était dans un bateau en Afrique, je me disais : « Tiens, le téléphone va sonner », et c’était lui ; ou alors je recevais des textos qui disaient ce que je pensais dans la seconde. Je pense que cela arrive quand c’est très fusionnel. Le coup de foudre, c’est finalement la reconnaissance d’un point commun. Dans ces moments de transmission de pensée, de télépathie, c’est ce point commun qui s’exprime. Ça arrive quand deux personnes sont très amoureuses et très connectées.


C’était des moments forts pour vous ?


Ça m’a permis de me dire que j’étais capable d’aimer vraiment. Quand l’autre n’est pas dans la même ville, pas dans le même pays, que vous vous dites : « J'aimerais bien recevoir un texto. » Et là paf ! il y a un bip : c’est le texto que vous attendiez ! Vous vous dites : « J’aime et je suis aimée. » Mais ça ne m’est pas arrivé pour toutes mes histoires. Est-ce que ça m’arrivera à la prochaine, je ne sais pas mais j’espère car je trouve ça très fort.

Mémoire de plusieurs vies
Dans De cœur inconnu, Charlotte Valandrey racontait les suites de sa greffe cardiaque. Hantée par un cauchemar dont elle n’est pas l’actrice, se découvrant des goûts qui ne sont pas les siens, Charlotte tombe amoureuse de Yann. Le livre se termine sur la découverte par Charlotte du secret de cet homme énigmatique : sa femme Virginie est décédée dans un accident de voiture la nuit précédant le jour où Charlotte a eu sa greffe cardiaque. C’est le cœur de Virginie qui bat en Charlotte, ce sont les souvenirs de la jeune femme décédée qu’elle perçoit. N’oublie pas de m’aimer est la suite de l’histoire d’amour. C’est aussi un livre plus vaste, un récit émaillé de « recettes » que Charlotte Valandrey a utilisées pour combattre l’angoisse, changer d’attitude envers la vie. Les épreuves qui ont failli la briser ont aussi été le creuset d’une profonde transformation.


Vous pensez que cela correspond à une maturation ?


Peut-être. Je ne sais pas, mais je trouve ça beau. Je suis entre les deux, ni totale mystique, ni totale rationnelle. Assez ouverte finalement.


Vous avez une psy qui contredit ce que vous vivez, disant que les rêves prémonitoires ou encore la mémoire cellulaire n’existe pas. Que vous apporte son approche ?


Je la vois parce que je n’aimerais pas partir complètement en live. Quand vous faites des cauchemars, les jours où vous n’êtes pas complètement ouvert, où vous n’arrivez pas à vous dire – on me fait passer un message, ça va mener au bonheur –, ça rassure, ça permet de se reposer, de respirer. Et puis c’est bien d’avoir plusieurs avis.


Comment votre conception de l’amour a-t-elle évolué ?


Il n’y a pas que l’amour avec un garçon. Il y a l’amour qu’on se donne à soi-même, c'est très important. Dans les dédicaces, j’ai reçu beaucoup d’amour des gens. Il y a nos histoires d’amitié, l’amour de ma fille. Et sûrement aussi l’amour universel. C’est pour cela que je n’aime pas dire des choses pas bien, et des gros mots. Je suis persuadée que ça pollue l’atmosphère, comme lorsqu’on jette un sac plastique sur la plage. Comme j’ai appris à m’aimer, je ne me vois pas être avec quelqu’un qui me ferait du mal ou qui ne me correspondrait pas. Il faut aimer l’autre pour ce qu’il est et s’aimer pour ce qu’on est.


C'est l'un des conseils que vous donnez dans votre livre. Mais ce n’est pas si facile de s’aimer pour ce qu’on est.


Ça m’a pris du temps. Je me suis pardonné ce que j’avais à me pardonner.
Par rapport à ma mère que j’ai fait beaucoup souffrir, j’ai arrêté de me dire que c’était ma faute. J’ai enlevé la culpabilité. Je me suis pardonnée de n’avoir pas pu mieux faire dans ma vie, d’avoir fait de mauvaises rencontres. Quand on arrive à se pardonner, on s’accepte, on arrive à pardonner aux gens autour de soi. On se détache aussi, on a moins besoin des autres. On est alors prêt à laisser entrer quelqu’un. Quand j’étais amoureuse de cette personne qui m’a contaminée, je passais mes journées derrière la fenêtre à l’attendre. Aujourd’hui, je ne me vois pas attendre toute la journée un coup de téléphone. J’ai appris aussi la solitude. Avant, j’étais toujours entourée. Ces dernières années, j’ai passé beaucoup de temps seule, et je pense que c’est une grande force.


Cherchez-vous moins l’amour qu’autrefois ?


Je n’attends plus. Je ne suis plus à la recherche de quelqu’un qui m’aimerait pour aimer et que j’aimerais pour me sentir mieux. J’ai bâti ma vie depuis dix ans. Je me suis reconstruite. Il y aura peut-être une personne... Mais là par exemple, je n’ai qu’une hâte, c’est de retourner en dédicace, d’être utile, de donner de l’espoir. Le bien-être de l’autre est je crois devenu aussi important que le mien. Je suis plus connectée aux valeurs de la vie et des êtres humains.

À
propos

auteurs

  • Flaumenbaum Danièle

    Médecin
    Danièle Flaumenbaum est médecin gynécologue. Héritière de Françoise Dolto, et militante pour une médecine respectueuse de l’humain, elle s’est engagée pour que les enfants naissent dans le désir partagé de leurs parents, et pour prolonger une révolution sexuelle inachevée. ...
  • Virginie Gomez

flower

À
retrouver
dans

Inexploré n°16

L'Amour

dernière parution

Nous parlons souvent de l'amour comme d'une simple émotion. Mais ses multiples manifestations nous emmènent bien au-delà de nos simples états d'âme. Phénomènes de télépathie, reconnaissance de l'autre, force spirituelle, énergie de guérison, l'amour ne serait-il pas la soie dont les fils entre-tissés relient les êtres humains ?

flower

Les
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