Le 2 février 2006, Anita Moorjani sombre dans le coma. Le lymphome de Hodgkin contre lequel elle se bat depuis quatre ans semble avoir gagné la partie. Les médecins du Hong Kong Sanatorium & Hospital où elle est transportée en urgence sont convaincus qu’il ne lui reste que quelques heures à vivre. Anita quitte son corps…, mais elle perçoit tout ce qui se passe et se dit autour d’elle, ou même à distance. Elle ressent l’inquiétude des médecins comme la douleur de son mari et de sa mère. Elle est consciente de chaque détail quand l’équipe médicale la transporte dans l’unité de soins intensifs. Elle se sent ensuite envahie d’un amour sans bornes, puis voit son frère dans un avion alors que celui-ci se trouve en effet dans un vol pour Hong Kong, prévenu le matin même de l’état gravissime de sa sœur. Anita vit une expérience de mort imminente (EMI) profonde et intense, avec la sensation de se « dilater » et de s’éloigner un peu plus de son environnement physique à chaque fois qu’elle s’attache à une scène en particulier. Elle va retrouver son père et sa meilleure amie, tous deux décédés quelques mois plus tôt. De grandes révélations lui apparaissent, sur le sens de la vie, l’unité de toute chose et les causes mêmes de son cancer.
Pourquoi s’est-elle tant dévalorisée jusqu’alors ? Pourquoi a-t-elle toujours recherché l’approbation des autres plutôt que d’exprimer librement son intelligence et sa créativité ? Anita comprend que Dieu, Krishna, le paradis, le nirvana…, tous ces concepts religieux sont un
« état d’être » et non une personne ou un lieu. D’origine indienne et de culture hindoue mais ayant grandi à Hong Kong et fréquenté une école britannique chrétienne, Anita est bien placée pour connaître la dimension culturelle et relative des religions. Toutes ces notions n’ont plus d’importance alors et elle comprend également que son cancer n’est ni une punition ni le fruit d’un mauvais karma, mais très certainement la conséquence d’un manque d’amour pour elle-même.
Elle comprend surtout que si elle décide de revenir dans ce corps tant abimé par la maladie, celui-ci guérira… À la grande stupéfaction de ses médecins, c’est effectivement ce qui se produira en quelques semaines (voir encadré). Il aura fallu qu’elle produise les pièces de son dossier médical pour qu’on la croie et que son histoire fasse le tour du monde, grâce en particulier à l’appui du Dr Wayne Dyer, figure du développement personnel aux Etats-Unis. Anita Moorjani a raconté son expérience et ses enseignements dans un premier livre paru en 2012 (
Revenue guérie de l’au-delà ), et elle publie aujourd’hui un second ouvrage dans lequel elle s’attache à défaire un certain nombre de « mythes » et répondre aux questionnements de ses nombreux lecteurs.
Rencontre
Aviez-vous le sentiment que votre message n’avait pas été bien compris dans le premier livre ?
Je ne dirais pas cela mais j’ai constaté que les gens voulaient plus d’informations, de clarification et des exemples. Ce second livre a vraiment été inspiré par toutes les questions que j’ai eues par courriers, courriels, lors des conférences, etc. En outre, chaque situation est différente et parfois les gens veulent appliquer ce que je dis à leur propre situation alors que mes conseils ne s’appliquent pas tels quels. Au bout de quatre ans, je ne voulais pas décevoir mes lecteurs et j’ai donc voulu m’assurer que j’apportais quelque chose de différent et qui soit en même temps utile pour eux.
Diriez-vous que nous avons besoin de plus de spiritualité et de moins de religion, même si la distinction entre les deux a tendance à être moins nette en Europe qu’ailleurs ?
Oui, j’ai remarqué qu’en Europe la culture de la spiritualité est bien moins développée, même s’il y a des exceptions comme l’Irlande qui s’intéresse à la spiritualité en tant que telle. Mon message est que nous allons tous mourir un jour et que ça n’a pas d’importance que vous soyez chrétien, musulman, hindou, bouddhiste, ni même athée, scientifique ou quoi que ce soit. La spiritualité, c’est la compréhension de ce qui se passe après la mort. Je sais que beaucoup parmi nous restent persuadés que rien ne se passe, mais pour ma part je suis convaincue que la conscience est première et que la réalité est une manifestation de la conscience et non le contraire. La spiritualité est donc la compréhension de ce qu’est cette conscience, et la compréhension que la conscience est ce qui dirige notre réalité physique. Mais la raison pour laquelle nous souffrons, nous avons peur et avons tout détraqué sur la planète est que nous croyons que la réalité matérielle est la seule réalité. C’est prendre les choses complètement à l’envers.
Vous insistez également sur le besoin d’ « être » plutôt que « faire ».
Quand je parle d’être plutôt que faire, c’est en référence au fait que notre culture est tellement concentrée sur le faire - faire son travail, faire ceci ou cela - que nous agissons presque en état de somnambulisme, sans nous demander qui nous sommes vraiment. On va à l’école, puis à l’université, puis on cherche un travail, et à aucun moment on ne se demande :
« Qui suis-je ? Qu’est-ce que je veux vraiment faire ? Qu’est-ce qui m’amène de la joie ? Quelle est ma passion ? Est-ce que cette carrière nourrit ma passion ? Est-ce que je suis vraiment mon appel intérieur ? » On se pose seulement des questions du genre : est-ce pratique ? Est-ce que ça va me rapporter de l’argent, du prestige ? Ce sont des choses liées uniquement au mental et nous avons été conditionnés à fonctionner ainsi par nos parents, nos professeurs ou nos patrons. C’est pourquoi j’insiste sur l’être plutôt que le faire. Si au contraire on fait les choses en conscience, et qu’on fait ce qui nous apporte de la joie, alors le faire est un reflet de l’être, de qui nous sommes.
Il semble tout de même que davantage de gens se posent ce genre de question, sur le sens de la vie, le besoin de contribuer au changement…
Oui, certainement. Quand j’ai eu mon EMI il y a dix ans, les gens n’étaient pas aussi réceptifs. Je crois que toutes ces choses terribles qui se passent dans le monde finissent par nous réveiller, nous secouer. C’est un peu comme si la planète appelait les gens à s’éveiller, et tant de choses se passent en ce moment qui poussent à cela.
Et maintenant que vous vivez aux Etats-Unis, observez-vous aussi des changements dans cette société si particulière, à la fois religieuse, matérialiste et très individualiste ?
Oui, cela change aussi aux Etats-Unis mais je dois dire qu’ici c’est un monde de dualité très fort. Par exemple on voit bien comment la politique souligne énormément la dualité dans laquelle nous vivons. Il y a le matérialisme, le scepticisme, le religieux, le spirituel… Mais nous sommes tous des êtres spirituels, que nous le voulions ou non, que nous le sachions ou non. Nous venons de l’esprit et nous retournons à l’esprit. On peut appeler cela l’amour, Dieu, la conscience, mais nous sommes tous des êtres de cette nature quoi qu’il en soit. La religion est un outil, culturel, pour entrer en contact avec sa spiritualité, et les gens dans différents endroits du monde utilisent différents outils. Les personnes très immergées dans leur religion ne comprennent pas cela et ne se rendent pas compte qu’elles combattent d’autres personnes simplement parce que leurs outils sont différents. Cependant je suis persuadée que de plus en plus de personnes le comprennent. Une chose unique aux Etats-Unis est que la liberté de parole y est extrêmement forte, au point que certains l’utilisent pour en attaquer d’autres. On voit donc cette dualité à l’œuvre plus que n’importe où ailleurs, avec des gens religieux qui attaquent les non religieux, des matérialistes sceptiques qui attaquent ceux qui parlent de spiritualité, et aussi des gens qui ont eu des expériences spirituelles, comme moi. Mais grâce à cette liberté de parole, nous avons une plateforme pour diffuser notre message, là où dans bien d’autres pays c’est beaucoup plus difficile de se faire entendre.
Vous avez récemment été invitée dans une émission médicale aux Etats-Unis. Il semble qu’il y ait également moins de scepticisme dans les médias qu’en France par exemple.
Oui, cela faisait un an qu’ils me couraient après. J’ai donné les pièces de mon dossier médical qui montrent que j’étais atteinte de toutes ces tumeurs qui ont disparu en quelques jours. Ce que je dis maintenant dans ce genre d’émission, vis-à-vis des critiques sceptiques, c’est que les hôpitaux sont des endroits très effrayants, où l’on vous dit que vous allez mourir, et la peur a un effet très net sur l’affaiblissement du système immunitaire. Les hôpitaux doivent changer la façon dont ils prennent en charge les malades afin que ceux-ci se sentent en sécurité, soutenus et renforcés, et non privés de leur pouvoir. Je dis aujourd’hui dans mes conférences que je ne suis pas médecin mais j’ai eu un cancer au stade terminal. J’ai été face à la mort, j’ai été une patiente dans cette situation, ce qui n’est pas le cas de la plupart des médecins, et donc je parle d’expérience directe. L’approche de la médecine est devenue très froide et essentiellement clinique.
La peur évoque ce problème du terrorisme que vous comparez au cancer : il provoque la peur qui renforce et entretient le problème. Comment sortir de ce cercle vicieux selon vous ?
Mon sentiment sur le terrorisme, depuis une perspective large, est que c’est d’une certaine façon un appel, une invitation à aimer. C’est presque une preuve que notre planète souffre d’un manque profond d’amour, d’un manque de compassion et d’empathie. C’est ainsi qu’on peut le voir avec du recul. Bien sûr, ceux qui souffrent directement du terrorisme, qui sont touchés par la violence, ne le voient pas ainsi ; ce n’est pas une réponse suffisante pour eux. En tant qu’individus nous sommes dans la souffrance, et tant que nous ne guérissons pas nous-mêmes, nous ne verrons pas la planète guérir. C’est une forme de cancer que nous avons créé sur la planète. A un niveau plus individuel, je dis aux gens que chacun de nous a une obligation suprême de s’aimer et de se guérir, de sorte que nous offrons au monde une personne aimée et guérie, et non une personne effrayée et qui agira à partir de la peur, ce qui produit du terrorisme. Car qu’est-ce que la peur ? C’est le manque d’amour, tout comme l’obscurité est le manque de lumière. La peur n’est pas quelque chose vers quoi nous allons délibérément. En tant qu’individu, mon obligation est de me remplir et de remplir ma vie d’amour. Chacun doit prendre cet engagement vis-à-vis de lui-même à une échelle globale.
D’où viennent les terroristes ? Il suffit de quelques leaders illuminés qui recrutent des suiveurs. Mais où les recrutent-ils ? Dans des villes, des quartiers où les habitants sont abandonnés par tous, sans emploi, discriminés, ostracisés, rejetés par la société. Ces gens n’ont plus de raison de vivre alors ces leaders viennent et leur donnent un idéal pour lequel mourir. Imaginons maintenant ce qu’il en serait si ces personnes n’existaient pas, parce que chacun de nous leur tendrait la main. Imaginons que les gouvernements, au lieu de dépenser de l’argent dans des armées, des armes et des guerres, investissaient pour aider ces personnes.
Au lieu de lutter contre le terrorisme, pourquoi n’aidons nous pas les personnes qui ont le potentiel de devenir ces recrues parce qu’elles n’ont pas de raison de vivre ? De même que, dans le domaine de la santé, il ne s’agit pas tant de combattre la maladie que de favoriser le bien-être, il ne s’agit pas de lutter contre le terrorisme mais de favoriser l’amour, l’empathie et l’attention à chacun. Alors il n’y aurait pas de terrorisme.
Il y a donc un volet économique et social à cette question qui n’est pas assez pris en considération de votre point de vue.
Oui, nous blâmons la religion et certains enseignements religieux, mais le recrutement s’opère dans des pays comme l’Angleterre ou d’autres pays d’Europe, dans des quartiers où les gens sont laissés pour compte. En fait, les réfugiés qui arrivent en Europe fuient la même chose, ce dont nous ne voulons pas. Ils fuient également le terrorisme, et si nous les abandonnons, les discriminons, leur refusons des emplois et les désignons comme terroristes, alors il suffit que quelques leaders radicaux arrivent et leur disent :
« Vous voyez, on vous l’avait bien dit ; ils vous haïssent ». Il faut donc prendre ce mal à la racine pour éviter d’en arriver là.
Retrouvez Anita Moorjani le 24 mai pour une rencontre exceptionnelle :
3 femmes pour l’avenir de l’homme, à la Cigale (Paris)
Une guérison miraculeuse
Inexploré s’est procuré les pièces clés du dossier médical. Le compte-rendu du département de radiologie et radiothérapie de l’Hôpital de Hong Kong est daté du 2 février 2006. Anita Moorjani vient d’y être admise en urgence. Depuis plusieurs mois, elle était traitée en ambulatoire dans une clinique, avec des traitements conventionnels et non-conventionnels, mais la maladie avait continué à progresser. Le diagnostic est « lymphome de Hodgkin, stade IVB », soit le stade le plus avancé de ce cancer du système lymphatique. Le scanner révèle la présence de masses importantes, de la taille d’un citron pour les plus grosses, des deux côtés du cou, au niveau de la poitrine et jusqu’à l’abdomen. Les poumons sont remplis de liquide…
Ce jour-là, Anita Moorjani va connaître la félicité de l’Expérience de Mort Imminente, et choisir de revenir dans ce corps meurtri, sachant qu’il va guérir. De fait, à la grande stupéfaction des médecins, la biopsie réalisée le 27 février à partir d’un ganglion du cou ne montre aucune trace de lymphome résiduel. Il n’y a rien non plus dans la moelle osseuse, et toutes les tumeurs ont également disparu comme le confirmera un nouveau scanner. Le 9 mars, Anita rentre chez elle, complètement guérie.