Presque tout le monde fait l’expérience au moins une fois dans sa vie
d’une rupture amoureuse notoirement très douloureuse. Quels sont les
éléments qui amènent un couple à se séparer ? Certaines histoires seraient-elles condamnées à se terminer dès leur début ? Enquête sur le
versant sombre de l’amour.
Il est évident que lorsque
l’on commence une histoire à
deux, on ne pense pas du tout
qu’elle pourrait se terminer un
jour. Sauf si l’on est d’un naturel
très anxieux, un peu traumatisé ou
en grand manque de confiance en
soi. Pourtant, inéluctablement, les
histoires d’amour « finissent mal »,
comme dit la chanson, ne serait-ce
que par la séparation provoquée
par la mort. Alors, puisque l’on
part avec les meilleures intentions
du monde, pourquoi les relations
se terminent-elles parfois ? Y aurait-il des couples dont l’issue est
forcément la séparation ? En quoi
le karma ou le transgénérationnel
s’invitent-ils dans une romance ?
Au cours d’une histoire d’amour,
de nombreux questionnements
surgissent de par la relation avec
l’autre – et quelquefois aussi avec
d’autres (enfants, parents…).
Comme disait le psychanalyste André
Ruffiot, «
le couple est une foule
à deux », incitant à évoluer, à grandir
dans la relation. Mais malgré de nombreux efforts, il arrive que
rien ne suffise et que la rupture soit
inévitable. Particulièrement aujourd’hui,
où les sollicitations multiples
de la vie moderne inclinent à
la versatilité, au « zapping » émotionnel
et virtuel. Quel mariage
tient aujourd’hui toute la vie ? Ne
sommes-nous pas tous quelque
part des « polygames » dans le
temps, car au cours de notre existence,
nous avons plusieurs partenaires
et autant de complications ?
Le principe même de la différence
entre un autre et moi-même, socle
de toutes les peurs, se joue dans
la relation à deux. Pour Paule Salomon,
auteure d’un ouvrage sur
le couple
(1), «
la peur archaïque est
toujours là et elle continue d’alimenter
une réponse inadaptée, conflictuelle ». La peur archaïque de
l’Autre, soit la rencontre de la différence,
et l’effet miroir de nos failles
nous poussent sans cesse dans nos
retranchements. En plus d’un quotidien
éreintant et lassant, tous les
ingrédients mettent à mal même
les plus amoureux des amoureux.
Qu’est-ce qui mène donc à la rupture ? Est-elle prédestinée ?
Tout ce qui est lié au stress,
à la fatigue, c’est un fléau. Les gens n’ont plus le temps d’être ensemble, amoureux.
Les raisons pragmatiques de la rupture
Lorsque l’on interroge Stéphanie Caratti, thérapeute et sexologue,
sur les premières raisons qui
amènent un couple à se séparer,
elle évoque la vie quotidienne. «
Il
y a les impératifs de vie. Les obligations
de délimiter les possibilités de la
surcharge mentale. Tout ce qui est lié
au stress, à la fatigue, c’est un fléau.
Les gens n’ont plus le temps d’être ensemble,
amoureux. On a tellement
de choses à gérer, comment trouver
du temps pour “nous” ? Aujourd’hui,
on a un panel extrême de possibilités
de toutes sortes d’activités et d’obligations.
Et finalement, quand on arrive
à se retrouver en face de l’autre,
comme on n’a pas vécu les mêmes
choses, on ne sait plus comment trouver
un terrain d’entente commune.
On est juste épuisé, on n’a plus envie », expose-t-elle. Et justement,
c’est l’envie qui va être le moteur de
réajustement ou de fin de l’histoire.
L’envie, c’est interroger le désir,
d’être avec l’autre dans un premier
temps, mais aussi de la façon dont
on peut être soi dans la relation.
Pour peu que quelque chose s’immisce
dans l’équilibre précaire que
l’on a construit, un accident, un
licenciement, une maladie, et l’envie
s’en va.
Car un couple, c’est une
forme de contrat. Lorsqu’on se rencontre,
inconsciemment, on va se
correspondre par association : « je
suis fort(e) » et « tu as besoin d’être
rassuré(e) », par exemple. Mais si,
lors d’un événement de vie, les
rôles changent, alors le contrat ne
fonctionne plus. Gislaine Duboc,
chamane contemporaine et sexologue
qui accompagne des couples
depuis trente ans, explique : «
Si
celui qui est soudain vulnérable n’arrive
pas à retrouver sa puissance, il
va souffrir du regard de l’autre qui,
lui, est devenu le “fort” et qui ainsi
l’enterre encore plus. La base de
la rupture, c’est quand le contrat
du départ, qui va faire travailler
chacun, va être modifié par la vie,
avec ses épreuves ou ses joies. Ceux
qui arrivent à rester ensemble, ce
sont ceux qui évoluent et créent de
nouveaux contrats. » Si ce n’est pas
possible, alors il y a séparation.
Dans le couple, tout est amplifié :
l’image que j’ai de moi, ce que je
projette sur l’autre, comment je
voudrais qu’il soit et les blessures
que je porte, tout est encore plus
mis à l’épreuve au regard de celui
(celle) que j’aime. Il y a un
« emboîtement » qui sert aux deux
protagonistes à un moment donné,
mais qui doit évoluer parce
que la vie elle-même évolue.
(...)