Une nouvelle approche pour traiter blocages et traumatismes séduit de plus en plus médecins, psychiatres, thérapeutes et surtout particuliers. Il s’agit d’une capacité naturelle que nous avons tous en nous, mise au jour par Luc Nicon, chercheur en bien-être.
En 1998, Luc Nicon connaît un certain succès en tant que conseiller pédagogique auprès des fédérations sportives, de l’Éducation nationale et des entreprises. Parmi les situations qu’il doit gérer, il doit composer avec des stress, phobies, peurs et blocages émotionnels. Pour aider ces personnes, il cherche une méthode qui permette d’agir rapidement mais ne trouve rien qui réponde à ses attentes. Il constate qu’en général, face à un problème, on utilise l’intellect :
« Ce n’est pas grave, ça va passer… » On recherche la blessure initiale, on entame des thérapies brèves ou longues…
La machine à trouver les solutions est en marche pour essayer de se calmer et de s’apaiser. Est-ce que ça va mieux pour autant ? Pas forcément.
« J’ai réalisé qu’en premier lieu, ce sont nos sensations qui nous renseignent sur le fait que quelque chose ne va pas. Palpitations, coups dans le plexus, mâchoires serrées, ces ressentis étaient peut-être la clé. En se laissant traverser par le sensoriel qui se produit en nous à cet instant, automatiquement le mental se déconnecte », nous confie-t-il. Alors, comment faire dès qu’une difficulté émotionnelle apparaît pour éviter de s’énerver et de se crisper sur les raisons de cette émotion ?
Dans le protocole de Luc Nicon, aussitôt que l’émotion survient, il faut avoir le réflexe de ressentir ce qu’il se passe en nous, sur le plan physique. Un muscle qui se crispe, une douleur quelque part, une tension dans le dos, le ventre serré ? Il faut se poser la question : qu’est-ce que ça fait dans mon corps ? Puis observer la manière dont ces sensations évoluent et finissent par s’éteindre. En agissant ainsi, Luc Nicon se rend compte que l’émotion négative disparaît. Convaincu par les résultats, il applique cette découverte autour de lui. Pendant cinq ans, il s’en sert en soutien de sa pédagogie. Les retours sont spectaculaires. Cerise sur le gâteau, il constate que le trouble ne revient plus. Luc Nicon propose alors à cinq personnalités du monde médical de promouvoir cette capacité naturelle de régulation des émotions. Toutes rejettent l’initiative sans même l’essayer.
« Dans mon métier, j’avais l’habitude de mettre en place des protocoles de recherche, alors j’ai entrepris une étude auprès de 300 personnes. Je l’ai publiée et là, des thérapeutes sont venus me voir : “C’est génial, il faut nous former à ce que vous faites.” »
Un processus basé sur nos sensations
Prenons un exemple. Je suis en ville, au volant de ma voiture, une personne vient de me faire une queue de poisson et la colère en moi est à son paroxysme. Je me gare sur le côté, en sécurité. Je ferme les yeux et je me demande :
« Qu’est-ce que ça fait dans mon corps ? » Je constate que mon cœur bat très vite, que mes mâchoires sont serrées, que j’ai une boule au ventre, que mes épaules sont totalement crispées, etc. J’observe toutes ces sensations et je les regarde évoluer. Mes épaules se relâchent, la sensation dans le ventre s’estompe, mon cœur se calme, mes mâchoires se détendent. Je me sens bien. Soulagée. Voilà, je viens de réguler définitivement mon émotion. Migraine, colère, timidité, dépression, peur, addiction, boulimie, réaction cutanée… Peu importe, il est nécessaire d’appliquer une règle incontournable : on ne s’intéresse jamais au traumatisme ni à ce qui a déclenché le trouble en question. Luc recommande de fermer les yeux pour entamer le processus. Une réunion houleuse nous met en difficulté ? On ferme les yeux, « qu’est-ce que ça fait dans mon corps ? », on laisse évoluer [voir encadré]. On entend un bruit et on a peur ? On se connecte à nos sensations. Il est important de ne pas se concentrer dessus ni se focaliser, encore moins d’essayer de se raisonner. Bien entendu, il faut être en capacité de fermer les yeux. Si vous êtes agressé par un chien qui vous terrifie, attendez d’être en sécurité pour entamer cette démarche d’introspection sensorielle.
Une règle incontournable de la méthode: on ne s’intéresse jamais au traumatisme.
Des formations publiques, gratuites
« Depuis le départ, je n’ai rien voulu sinon transmettre », précise Luc Nicon. Pour lui, aller vers une commercialisation de ce savoir n’aurait pas de sens. Il privilégie les formations publiques gratuites de manière à ce que les personnes elles-mêmes s’approprient cette capacité naturelle de régulation des émotions.
« Rien ne me rend plus heureux que des salles avec 200 personnes qui vont devenir autonomes, ajoute-t-il.
Ce savoir-faire répond à une hygiène émotionnelle que nous pouvons utiliser nous-mêmes, dès que nécessaire. On ne s’attaque plus à une histoire longue et difficile à raconter mais à une émotion bloquée sans pour autant en connaître le contexte. L’important est de comprendre que cette capacité de régulation des émotions est naturelle, universelle, qu’elle concerne tout le monde, qu’elle a toujours été là, qu’elle était certainement présente dans la vie des gens autrefois et que l’on s’en est éloigné en étant dans le mental et l’intellect.
Il est temps aujourd’hui de revenir à quelque chose de simple qui est à l’intérieur de nous. »
S’arrêter sur ses sensations et les faire évoluer est si éloigné de nos habitudes que le risque est de rester dans le mental et de ne pas y penser lorsqu’une crise s’impose. Nous ne sommes pas habitués à réagir de cette manière. C’est le seul handicap de ce protocole. C’est pour ça que Luc Nicon recommande aux gens de suivre les deux sessions proposées lors des formations publiques gratuites, pour savoir comment procéder.
« L’important est qu’on l’utilise d’abord pour soi, pour en comprendre l’intérêt et les rouages. Ensuite, les professionnels du médical peuvent en faire usage en consultation, pour autrui et en différé. Dans ce cas, la formation est payante. Je favorise l’apprentissage des particuliers parce que c’est un principe de régulation des événements de la vie avant d’être une thérapie », ajoute-t-il. Ils sont près de 3 000 thérapeutes à consulter avec l’aide de la méthode
Tipi aujourd’hui, mais Luc Nicon éprouve plus de fierté que cette capacité soit utilisée par des dizaines de milliers de personnes à travers le monde. Plus de 250 formations publiques sont organisées chaque année par des bénévoles en France mais aussi en Espagne, en Allemagne, en Belgique, en Suisse, au Canada, aux États-Unis.
Tipi m’a vraiment servi à titre personnel lorsque j’ai perdu mon fils
« Perdre un enfant est un événement extrêmement particulier mais j’ai pu le vivre de manière très différente de la manière dont la plupart des gens le vivent habituellement, dans le sens où j’ai pu rester vraiment avec mon enfant et non pas être en repli, dans l’apitoiement sur moi-même ou dans la peur concernant ma propre vie et tout ce que la disparition d’un enfant implique de questionnements, de doutes ou de manque. En utilisant Tipi, j’ai pu dissiper toute cette partie-là de moi et j’ai vécu presque sereinement la relation avec mon fils dans sa disparition. Que représentait ma vie, désormais, sans ce garçon qui n’était plus là ? Si ça m’a apporté au moins une chose, c’est ce passage-là. Dans les moments où j’étais submergé par la tristesse, je régulais mes émotions. Et après ça, je m’apercevais que cette tristesse était quelque chose qui me concernait personnellement, qui me prenait à partie, mais qui n’existait pas dans ma relation avec mon fils. Sa mort réveillait quelque chose de terrible qui était en moi avant cet événement, mais cela n’avait rien à voir avec ce garçon. De nouvelles émotions se sont présentées et je les ai régulées, ainsi de suite… J’ai dû faire cinq à six introspections sensorielles, sur le moment, quand ça arrivait, et j’ai vécu très différemment les choses. Ma fille aînée avait 30 ans quand c’est arrivé. Elle partage cette hygiène émotionnelle, elle s’en est servie avec les mêmes résultats. »
Cette capacité sert à aller bien sans pour autant savoir pourquoi on allait mal. C’est une autre philosophie.
Quand les médecins utilisent Tipi
Marik Cassard, médecin à Paris, propose à ses patients une approche globale comprenant un bilan physique, psychique et émotionnel. Elle pratique une médecine intégrative et l’un de ses outils thérapeutiques essentiels est cette régulation des émotions.
« Cela fait trente-cinq ans que je suis médecin et dix ans que j’utilise cette capacité naturelle pour une vingtaine de patients par semaine environ. On me consulte pour un problème de santé x ou y et je propose ce procédé lorsque je l’estime nécessaire. Les personnes vont mieux et elles en parlent autour d’elles. Le bouche-à-oreille fonctionne très bien. Récemment, j’ai donné une formation Tipi à quatre-vingts thérapeutes et l’un d’entre eux s’est trouvé mal. Il avait compris le rituel, il a régulé son émotion par lui-même et tout est rentré dans l’ordre. » Comme pour d’autres techniques psychocorporelles révolutionnaires, on ignore encore quels mécanismes sont à l’œuvre mais on constate les résultats durables. Le médecin Jacques Fumex, gastroentérologue, nous confie avoir très vite capté l’intérêt de la régulation émotionnelle.
« J’ai toujours été dans une démarche non médicamenteuse de prise en charge des troubles psycho somatiques parce qu’un très grand nombre de pathologies ont pour origine un événement émotionnel. Ça fait plus de trente ans que je privilégie l’ouverture de la médecine vers d’autres pratiques. J’ai commencé par la sophrologie, l’hypnose, la psychothérapie, l’EMDR, les thérapies brèves, tout en continuant à me former aux techniques très pointues en écho-endoscopie. Depuis ma formation à Tipi, je pratique encore un peu l’hypnose mais j’ai abandonné tout le reste. Cette ressource est plus simple, plus douce, plus rapide, moins pénible et moins douloureuse pour la personne et pour le praticien. Certains patients viennent me voir parce que mon travail sur l’hypnose est assez connu et je leur explique qu’en une seule pratique de Tipi, on peut faire mieux qu’en dix séances d’hypnose. Le gros avantage de ce protocole est qu’on peut le faire soi-même. C’est essentiel, le but est d’autonomiser les personnes. On fait une séance ciblée, je leur explique comment faire et ça marche très bien. Je demande aux gens de regarder le film explicatif qui est sur le site et de me rappeler s’ils n’y arrivent pas. En cinq ans, j’ai traité 2 000 personnes de cette manière. Aujourd’hui, je suis à la retraite mais je continue à travailler un jour par semaine pour répondre à la demande. Les problèmes fonctionnels représentent deux tiers des personnes qui consultent, soit 9 à 10 millions de personnes en France. Le plus souvent, la cause est émotionnelle. Ils ont mal au ventre depuis que la grand-mère est morte, ils ne dorment pas bien, ils sont énervés, ils sont stressés, ils sont un peu déprimés… On arrive toujours à trouver un stress avant l’émergence de la douleur. On ne va pas pour autant se focaliser sur l’origine, cela sert uniquement à se reconnecter avec l’émotion de manière à retrouver les sensations physiques que l’on va faire disparaître. Je n’ai que cinq ans de recul mais il est troublant que les pathologies ne récidivent pas. Je me souviens d’une personne qui avait mal au ventre, elle se plaignait de diarrhées et d’insomnies. Elle était tellement dans l’émotion en me racontant ses troubles que je lui ai posé la question directement : « Ça fait quoi dans votre corps ? » Ça a duré une minute trente et quatre jours après, elle est revenue me voir, tout avait changé dans sa vie. Une de mes patientes était constipée depuis quinze ans après une agression d’ordre sexuel, ses constipations ont disparu après une seule consultation. »
Un apprentissage rapide
La plupart des thérapies requièrent plusieurs centaines d’heures de formation pour que le praticien soit certifié. Se familiariser à l’enseignement de
Tipi Direct implique de suivre deux fois trois heures trente et la formation à Tipi Pro est de trois jours. Dès lors, on est opérationnel. On arrive à réguler en quelques minutes des problèmes de stress qui existent parfois depuis plusieurs années. Alors, est-on face à une pratique miraculeuse ? Certaines personnes ont parfois du mal à entrer dans le processus, et n’y arrivent pas. Comment l’expliquer ? Souvent, cela indique qu’elles ne sont pas demandeuses, précisent les formateurs. Lorsqu’on est habitué à ses symptômes, ça peut faire peur d’aller mieux. Et si on galère depuis toujours, c’est parfois difficile de concevoir la vie autrement. Il y a des gens qui me disent :
« Là, je devrais m’énerver et je ne m’énerve pas, je ne me reconnais plus », ajoute le D
r Fumex. Luc Nicon recommande de ne pas faire plus d’une séance en différé par jour et par personne. Mais concernant ceux qui n’y arrivent pas, il relativise :
« On n’a pas besoin d’y croire pour que ça marche. » Depuis dix mois, le D
r Jacques Fumex a formé soixante-cinq personnes dont quarante médecins dans la région lyonnaise.
« Cette capacité de régulation émotionnelle sert à aller bien sans pour autant savoir pourquoi on allait mal, ajoute-t-il.
C’est une autre philosophie. J’avais des petits mouvements d’humeur, une fâcheuse tendance à remettre certaines choses au lendemain. Je m’en suis débarrassé et mon enthousiasme ne cesse de grimper. Je vois des gens dont la vie est transformée. Leur visage change en trois minutes. À titre personnel, ça m’a rendu ambitieux sur la manière dont je pouvais améliorer ma vie. »
De son côté, Luc Nicon continue d’explorer le processus et poursuit la recherche. Il souhaite donner plus de visibilité et d’utilisation de
Tipi Direct et de
Tipi pour les petits.
« C’est mon objectif prioritaire, dit-il.
Dans les six prochains mois, nous allons éditer un livre pour les enfants afin de les former. Ils ont moins d’expérience de la vie que nous et c’est une chance. Ils ne se réfèrent pas au mental dès qu’ils ont un problème. Ils comprennent comment ça fonctionne à partir de 2-3 ans et ça donne des résultats extraordinaires. »
Rituel Tipi pour une situation vécue à chaud
• Je ferme les yeux.
• Qu’est-ce que ça fait dans mon corps ? Je prête attention à mes sensations physiques : des muscles sont-ils tendus ? Des parties du corps sont-elles serrées, nouées, vrillées, durcies ? Mon cœur bat-il plus vite ? Etc.
• J’observe mes sensations, comment elles se transforment, et je les laisse évoluer : est-ce que ça se desserre ? Est-ce que ça va moins vite ? Etc.
• Quand je ne ressens plus rien, j’ouvre les yeux.
• Puis je repense à ce qui m’a mis dans cet état.
• Quelquefois, il se peut que j’aie à nouveau une émotion mais ce n’est pas la même et les sensations physiques sont différentes. Alors je refais exactement la même chose.
• Je ferme les yeux.
• Qu’est-ce que ça fait dans mon corps ?
• Je laisse évoluer et j’observe comment mes sensations se transforment.
• Quand je ne ressens plus rien, j’ouvre les yeux.
• C’est terminé.
Pour aller plus loin :
Les dates et lieux des formations publiques et gratuites sont indiqués sur
ce site