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Positives
ou
toxiques
:
l’influence
des
pensées

Nombreux sont les ouvrages et les coaches qui nous l’affirment : la « pensée positive » répétée agirait sur le corps comme un remède, et la pensée négative comme un poison. Si nos pensées ne sont pas sans effets, et pas toujours positives, il ne suffit pas de le décréter pour qu’elles le deviennent...
Positives ou toxiques : l’influence des pensées
Santé corps-esprit
Il nous est recommandé de « chasser les pensées toxiques » et de « cultiver les pensées positives » comme on fait le ménage dans un jardin, en arrachant les mauvaises herbes pour en planter de bonnes. Mais gare au revers de la médaille, la culpabilité ! Les recherches en psychologie positive ont démontré une corrélation enthousiasmante : les personnes optimistes, enjouées, sont en meilleure santé et guérissent plus vite que les autres.

Si la relation de cause à effet n’est pas scientifiquement établie, le courant de développement personnel de la « pensée positive » ose en faire l’hypothèse : nos pensées influeraient directement sur les neurotransmetteurs et l’état hormonal, par conséquent sur la perception de notre environnement, l’efficacité de nos actions et notre santé. Les pensées positives seraient le carburant de la forme et de la réussite, les pensées négatives un polluant, minant l’estime de soi et détériorant l’organisme. À nous de choisir !


Méthode Coué


L’idée de changer ses pensées pour changer sa vie n’est pas neuve. À la fin du XIXe siècle, Émile Coué, pharmacien converti à l’hypnose, a mis au jour la possibilité d’autosuggestion. L’expression « méthode Coué » est aujourd’hui devenue moqueuse et désigne une pensée magique inefficace... et pourtant ! Un siècle et demi plus tard, le pouvoir de l’autosuggestion par l’affirmation positive est bien établi : à l’université de Sheffield(1) on a prouvé que l’autosuggestion peut modifier les performances intellectuelles et l’altruisme, à l’université de Tel Aviv(2) on l’a appliquée avec succès au mal de mer, et à l’université Nihon(3) au Japon, on a mesuré des effets directs sur la température corporelle.

L’idée que nos pensées peuvent agir sur la matière fait également partie de conceptions spirituelles. Dans les chamanismes traditionnels, les « formes-pensées » ont une réalité : dans l’invisible, elles peuvent bénir, soigner, ou blesser. Les pensées sont aussi au cœur de la « loi de l’attraction », concept ésotérique qui postule que si tout est énergie dans l’Univers, où rien ne se perd, où les semblables s’attirent, une simple pensée est invariablement suivie d’effets : nos pensées sont la graine qui forme en grandissant notre réalité matérielle.

La clé c’est grâce au temps que le “moi” devient lui-même. Être soi ne va pas de soi !


Mauvais sort


Gare alors aux pensées négatives ! Qui ne s’est jamais effrayé d’avoir soudain une pensée atroce, comme si elle allait se réaliser juste en ayant pris forme ? Taire une pensée pour éviter de « porter la poisse », toucher du bois quand on imagine un événement fâcheux, cracher par terre pour éviter le mauvais sort... Et si les concepts modernes de pensée créatrice, au lieu de nous libérer, nous ramenaient vers la peur et les vieilles superstitions ? Certains déçus du développement personnel clament même que la pratique de la « pensée positive » leur a pourri la vie : se sentant coupables d’avoir des pensées négatives, ils entraient dans une spirale de jugements négatifs impossible à enrayer... La chercheuse Joanne Wood a mis en évidence à quel point les effets de l’autosuggestion sont variables(4) : si une affirmation positive peut améliorer légèrement l’humeur d’une personne ayant une haute estime de soi, elle rappelle à ceux qui ont une mauvaise estime d’eux-mêmes combien ils ne correspondent pas à l’affirmation, et leur mine le moral.

Car il y a loin entre l’observation d’un phénomène et la capacité à l’engendrer ! Des pensées positives vont de pair avec une bonne santé, certes... Mais comment créer des pensées positives ? Qui peut se vanter de maîtriser l’influx nerveux, qui fuse à la vitesse de 34 mètres par seconde ? La plupart du temps, nous suivons nos pensées comme un singe sautant de branche en branche... La méditation, qui invite à les observer et les laisser passer, permet de retrouver un espace de choix, la liberté d’y donner suite ou non. Avoir un moral optimiste est un état général de bien-être, dans lequel les pensées ont même tendance à se raréfier... « La vérité naît lorsqu’il y a cessation complète de la pensée ; et la pensée ne disparaît que lorsque le moi est absent », disait Jiddhu Krishnamurti.

La positivité n’est peut-être pas nourrie par la pensée, mais par l’imaginaire, les émotions, les ressentis corporels... Les études établissent que l’autosuggestion ne fonctionne que si l’on ressent une affirmation comme vraie, et plus encore quand on la prononce à haute voix, quand le corps entre en jeu. Le docteur Coué utilisait l’hypnose, car c’est dans un état de détente profond, voire de transe, que l’on peut « leurrer » son cerveau et lui donner la mémoire d’une nouvelle expérience, d’émotions positives, d’images optimistes qui nourrissent l’inconscient : poussant sur un terreau plus riche, les pensées deviennent plus belles.

Dans Développement (im)personnel, Julia de Funès écrit : « C’est grâce au temps que l’organisme s’organise, c’est grâce au temps qu’une conscience de soi peut se préciser, c’est grâce au temps que le “moi” devient lui-même. Être soi ne va pas de soi ! » Les techniques d’autosuggestion qui font du bien n’ont rien du martèlement de phrases préfabriquées. Elles vous donnent du temps, à votre rythme, pour vous observer, vous connaître, vous accepter, formuler ce dont vous avez besoin. Quand les pensées négatives naissent et passent, elles deviennent simplement le signe qu’il est l’heure de se faire du bien... et de penser moins.


(1) Scott Cole, Debbie M Smith, Kathryn Ragan, Christopher J. Armitage : « Synthèse des effets de la stimulation mentale sur les changements de comportement : revue de synthèse et méta-analyse. » Psychonomic Bulletin & Review, 2022.
(2) Eden, Dov & Zuk, Yaakov : « Le mal de mer en tant que prophétie auto-réalisatrice : l’autosuggestion pour augmenter les performances en mer. » Journal of Applied Psychology, 1995.
(3) Joyo Sasaki, Kunimune Fukui, Atsushi Suzuki, Kenta Yonemaru, Mayu Okuno, Yasuhisa Tachiya : « Étude qualitative des processus psychologiques à l’œuvre dans les performances positives des athlètes japonais. » Journal of High Performance Sport, 2019.
(4) Joanne Wood, Elaine Perunovic, John W. Lee : « L’affirmation positive : pouvoir pour certains, péril pour d’autres. » Psychological Science, 2009.
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dans

Inexploré n°55

Médecines de l'âme

dernière parution

Un esprit sain dans un corps sain ? Autrefois, médecine et spiritualité étaient intimement liées. Philosophies grecques, orientales et chamaniques en témoignent.

Comment repenser le parcours de soin dans un dialogue entre visible et invisible ? Peut-on ouvrir la voie à une médecine holistique et préventive ? Sur ce chemin, les guérisons surnaturelles peuvent-elles nous inviter à de nouvelles connaissances ?

Sans se priver de la technicité de la médecine occidentale, une alliance en bonne intelligence avec les thérapies dites « complémentaires » serait plutôt à rechercher. Mieux encore : transformer notre rapport à la santé serait bénéfique tant à l’individu qu’au collectif, et finalement, à la planète.

Conscience de soi, santé du monde ? Ce numéro estival d’Inexploré explore cette question en détails. Une nécessité afin de se responsabiliser au quotidien et retrouver une forme de souveraineté dans notre rapport au corps et à la guérison. Très belle découverte !

flower

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