Le concept de paradis existe dans quasiment toutes les croyances. Il désigne une sorte de terre promise post mortem qui accueillera les personnes ayant eu une vie vertueuse. Cet espace appelé « Terres pures » en Asie est surtout l’occasion d’évoluer
spirituellement entre les vies.
Chez les catholiques, l’espace d’attente du jugement dernier après la mort se fait soit aux enfers soit au paradis. Il apparaît au V
e siècle un nouvel espace, grâce à l’évêque Augustin d’Hippone, inspiré de l’épître de Paul aux Corinthiens (épître II-11-15), un lieu où les fidèles « à peu près » éthiques pourront racheter leurs péchés «
per ignem quendam purgatorium », en allant au purgatoire. Rejoindre Dieu le Père sera ensuite possible au moment du jugement dernier. À noter que les protestants ne reconnaissent pas cet état transitoire. Il n’existe pas d’autres « lieux » d’existence possible, excepté celui du « rien » dont on parle peu et dont il n’existe aucune trace, mais qui serait une forme d’errance, peut-être un bas astral. Chez les musulmans, il y a aussi un paradis et un enfer, tout comme chez les juifs.
Les religions du livre tendent à n’accorder que peu d’espaces possibles à l’existence, qu’elle soit
ante ou
post mortem, ils sont cependant associés à la « bonne » conduite. En Asie, inspirée par les traditions de l’Inde, au contraire, d’innombrables lieux et mondes peuplent l’Univers. Ils sont même habités par des dieux parfois, ou peuvent nous aider à évoluer dans notre quête, ou encore sont le reflet de nos émotions perturbatrices pas encore purifiées. Les mondes
post mortem des religions du livre sont associés à une récompense pour une vie vertueuse, ou bien une sanction dans le cas contraire. Les espaces où l’esprit se rend après la mort, dans les croyances venues d’Asie, ressemblent plus à des « états de l’esprit » reliés à nos vies passées, à des ponts avec nos vies futures, mais surtout à des opportunités pour nous faire évoluer. Alors, cosmogonies réelles ou bien existant par l’esprit ?
Il est possible d’atteindre les Terres pures quand on prend soin de son karma...
Les Terres pures bouddhistes
Lorsque l’on étudie le bouddhisme, on rencontre assez rapidement le concept des Terres pures. Elles sont nombreuses, la plus connue étant
Dewatchen, créée par le bouddha Amitabha (voir lexique), selon son vœu de donner un espace à ceux qui souhaitent progresser après la mort. Pour les bodhisattvas, «
il y aurait dix terres pures dont chacune correspond à la perfection d’une qualité de l’esprit en particulier. Il n’y a pas de hiérarchie, c’est seulement le reflet de l’évolution spirituelle. Celle-ci dépend de la pureté de l’éthique, d’une motivation claire dans l’amour et la compassion, et de la pratique méditative. En d’autres termes, il est possible d’atteindre les Terres pures quand on prend soin de son karma... Un bodhisattva de la première terre, c’est quelqu’un qui n’a pas complètement éradiqué toutes les émotions, mais qui a déjà fait une belle progression. Il est déjà libéré mais ce n’est pas encore un bouddha », explique Sandy Hinzelin, spécialiste du bouddhisme Vajrayana. Autrement dit, après la mort, un pratiquant qui a mis en place durant sa vie les conditions pour rejoindre
Dewatchen, aura sans doute déjà purifié les émotions grossières et pourra continuer sa progression.
Pourquoi
Dewatchen serait-elle prisée des pratiquants en particulier ? Peut-être pour sa beauté, elle serait recouverte de petites piscines agréables et de sols en mousse verte des plus délicates, on y renaît dans un lotus, avec un corps de chair, mais dont la matière différerait légèrement de ce que nous connaissons. «
Dans les Abhidharma,
ils décrivent différents types de formes : des formes grossières (comme la matière), et des formes subtiles, c’est-à-dire imperceptibles par les sens ordinaires. Une Terre pure est probablement une manifestation formelle subtile. Dès l’instant qu’il y a manifestation, il y a une forme », précise Sandy Hinzelin. Difficile de trancher sur l’existence exacte de ces terres, sous forme matérielle ou vibratoire, dans une autre dimension ou pleinement au loin, dans l’espace...
Les bardos : un cheminement
Commencent à être également connus, y compris du grand public non bouddhiste, les bardos, états intermédiaires où cheminent les défunts au moment de la mort, avant l’incarnation suivante. «
Comme tout est esprit, c’est forcément un état de l’esprit. Votre état d’esprit dans les derniers instants de votre vie va conditionner votre prochaine renaissance. Il y a différents mondes, où allons-nous ? Ailleurs ? Sur Terre ? Ou dans un autre monde, mais sur Terre ? Le bardo nous indique qu’on est en transit, et nous dit juste que l’on va passer dans un autre monde. Il y a plus de possibilités de changer de monde au moment du bardo qu’à d’autres moments. Il y a d’ailleurs des pratiques spécifiques, comme phowa
, pour aller directement en Terre pure au moment de la mort », commente Sandy Hinzelin. Ce qui est caractéristique du cheminement bouddhiste, c’est que les différents mondes évoqués, quels qu’ils soient, ne sont que le reflet du karma, c’est-à-dire des causes et conditions que nous avons accumulées au cours des existences. Mais s’agit-il de différentes terres comme notre planète ? Cela reste ambigu. Par exemple, il y aurait six mondes de renaissance, selon l’émotion dominante qui nous aurait habités toute notre vie. Ces six mondes peuvent cependant se retrouver sur Terre : la haine et la colère mènent à l’enfer, l’avarice au monde des esprits avides, l’ignorance au monde animal, le désir à celui des humains, la jalousie à une renaissance de demi-dieu et l’orgueil à un état de dieu. L’enfer peut exister sur Terre, une existence de « demi-dieu » aussi, avec son lot de difficultés malgré tout. «
La cosmologie bouddhiste reflète avant tout le parcours de la conscience. La base, ce sont ces six émotions, et tant que ces émotions perturbatrices ne sont pas purifiées au moins dans leurs aspects les plus grossiers, vous ne pouvez pas espérer aller dans les Terres pures. C’est impossible », détaille Sandy Hinzelin.