Comment s’ouvrir au monde invisible tout en restant rationnel ?
Ce long apprentissage des mondes subtils et de l’intuition, Stéphane Allix le doit à celle qui partage sa vie depuis quinze ans, Natacha Calestrémé.
La mort est présente dans
ma vie depuis près de
quinze ans. Depuis que
mon frère Thomas a été tué
devant mes yeux dans un
accident de voiture en Afghanistan.
Ce matin d’avril 2001, nous filions
vers le sud alors que l’aube se levait.
Celle qui allait devenir ma femme,
Natacha Calestrémé, se trouvait avec
moi dans le véhicule de tête. Nous
rigolions tous ensemble quelques instants
auparavant, et puis soudain la
poussière imprègne les vêtements de
mon frère et se mêle à son sang. Il
est allongé, mort, sur le sol. Je suis à
genoux devant lui, lucide mais secoué
par la stupeur lorsqu’une intuition
me commande de lui expliquer ce qui
vient de se produire. Je ne m’explique
pas cette réaction. Je ressens juste une
confusion énorme. Je lève la tête au-dessus
du corps, je balaye du regard le
vide du ciel et je lui parle : «
Thomas,
tu es mort... tu es mort, je vais m’occuper
de toi... »
Bio Express
Natacha Calestrémé et Stéphane Allix partagent leur vie et travaillent ensemble depuis
15 ans. Ecrivaine et realisatrice,
Natacha a notamment realise
les Enquêtes extraordinaires
sur M6 et vient de sortir son
deuxieme polar melant surnaturel
et questions de sante. Ils sont les
parents de deux grands enfants.
Je veux savoir
Dans les années qui suivent, je n’ai
qu’un objectif : comprendre. Pourquoi
meurt-on ? Pourquoi vit-on ? Et surtout,
l’existence se poursuit-elle après
la mort ? Pour tenter de répondre à ces
questions vertigineuses, j’ai deux options
: la religion et la science. Mais la
religion ne m’intéresse pas : je ne veux
pas croire, je veux savoir. Je veux être
objectif. Alors je me jette dans une enquête
journalistique sans concession.
Je lis d’innombrables livres et articles
scientifiques sur la conscience, je rencontre
des témoins, je débroussaille,
je décrypte, j’avance, pour finalement
arriver au constat que la vie après la
mort est une hypothèse rationnelle.
Mais improuvable. En effet, je discute
avec des médecins pour qui la preuve
de la survie de la conscience est faite,
tant les témoignages et les recherches
sur les expériences de mort imminente,
les expériences au seuil de la
mort, la médiumnité… apportent des
éléments à leur yeux indiscutables que
la mort n’est pas la fin de la vie. Mais
je rencontre aussi d’autres médecins,
d’autres chercheurs tout autant compétents
et qui émettent à ce sujet des
objections pertinentes et recevables.
Je découvre que la science n’est pas
la gardienne d’une seule et unique
vérité, mais au contraire une méthode
d’exploration sans cesse en évolution.
Aussi, dans ma recherche de certitude,
je suis dans l’impasse. Comment
en sortir ? Car il n’est pas question
d’abandonner pour autant ma démarche rationnelle. Mais comment
avancer dans mon enquête quand
l’outil scientifique devient insuffisant ?
Face à cet insondable dilemme, devant
cette impasse, c’est ma femme qui me
permet de découvrir une autre voie.
Le bon sens est féminin. Les hommes
semblent préférer les batailles intellectuelles
et scientifiques qui d’expérience
ne désignent aucun vainqueur mais
laissent au contraire tout le monde sur
le carreau, triste et frustré. Ma femme,
elle, m’a appris par l’exemple de sa vie
que nous possédons toutes et tous un
autre outil d’écoute et d’exploration
du réel. Ce moyen, c’est l’intuition,
ce que l’on devine parfois au fond de
soi lorsque l’on parvient à l’entendre
et à le décrypter.
Cela demande un
long apprentissage, mais écouter son
intuition, voilà la clé. Il ne s’agit pas
d’abandonner la démarche scientifique,
il ne s’agit pas d’abandonner sa
capacité de discernement pour se laisser
aller à n’importe quelle croyance,
mais d’apprendre à écouter sa petite
voix intérieure : celle qui par exemple
m’a soufflé qu’il fallait que j’explique
à mon frère ce qu’il venait de se passer
le jour de sa mort. Parce que je l’ai
compris aujourd’hui, cette confusion
qui m’obsédait le jour de l’accident, ce
n’était pas la mienne, mais la sienne.
Encore me fallait-il comprendre et
accepter ce que j’avais vécu ce jour-là,
comme tant d’autres fois d’ailleurs.
Mais dans notre société, personne ne
nous a éduqués en ce sens. Comment
discerner dans nos pensées ce qui est
de l’ordre de l’imaginaire de ce qui
vient d’ailleurs ? Pour y parvenir, il
faut s’observer avec honnêteté et exigence,
apprendre à se connaître, à
comprendre comment les émotions,
les pensées, les sentiments émergent
en nous. Ce long et patient apprentissage
permet un jour, par surprise
souvent, de réaliser que telle pensée
qui vient de résonner dans notre esprit
nous a peut-être été inspirée de l’extérieur
tant elle ne ressemble pas au fruit
de notre activité mentale habituelle.
Suivre son intuition ne signifie pas
abandonner son sens critique ou sa
rationalité, bien au contraire. C’est en
étant très rationnel et attentif que l’on
saisit avec puissance que parfois certains
ressentis ne viennent pas de nous.
Ma femme m’a
subtilement ouvert
les portes du monde
invisible.
La tête et le cœur
Je réalise aujourd’hui combien ma
femme m’a appris ce que je ne n’aurais
jamais trouvé dans aucun livre. La
voir frissonner subitement lorsqu’elle
sens une présence invisible, observer
son assurance paisible lorsqu’elle
laisse résonner en elle la force d’une
intuition, regarder ses yeux si calmes
et si sûrs d’eux lorsqu’elle « sait » parce
que quelque chose au fond d’elle vient
de lui donner cette assurance intuitive
évidente, sur un événement, une
personne croisée, etc. Durant toutes
ces années, jusqu’aux tournages des
Enquêtes extraordinaires que Natacha
a dirigés avec passion, ma femme
m’a subtilement ouvert les portes du
monde invisible. Avec très peu de mot,
mais beaucoup d’amour. Ce n’est que
récemment que j’ai pris la pleine mesure
de cela. C’est durant l’enquête
qui m’a conduit à écrire
Le Test qu’il
me semble être enfin parvenu à un
début d’équilibre entre ma tête et
mon cœur, entre mon cartésianisme
et mon intuition. Ecrire ce livre a
changé ma vie, parce qu’il est l’aboutissement
de près de quinze années
de questionnement, mais aussi parce
que depuis quinze ans je partage
mon existence avec une personne qui
me démontre jour après jour combien
avoir confiance en soi, confiance
en ses ressentis subtils, peut aussi être
une source intarissable de connaissance
et d’équilibre.
Seul, je n’aurais
sans doute jamais pu écrire ce livre et
faire tout ce chemin intérieur.
Réaliser
ce test ayant consisté à cacher
des objets dans le cercueil de mon
père puis à demander à des médiums
d’entrer en communication avec lui
pour savoir de quels objets il s’agissait,
a satisfait mon côté cartésien. La
voie du cœur offert par ma femme
m’a permis d’aller bien plus loin et
d’entrer dans l’intimité de la vie des
médiums, de leurs perceptions, mais
aussi de sentir en moi que l’accès au
monde invisible était possible. Cela
a été fracassant, et je n’en suis qu’au
début. Les morts nous entourent,
d’autres esprits aussi. Ils nous aident.
J’accepte de le reconnaître pour deux
raisons. La première est liée à cette accumulation
d’éléments indiscutables
que constituent ces innombrables
témoignages passés au crible de la
science et de la recherche. L’autre raison
est qu’aujourd’hui… je les sens.
Ma femme qui nourrit ses romans
de cette dimension invisible m’a appris
ce qui était inné en elle : sentir
le monde invisible est à la portée de
chaque être humain.