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Quand
les
animaux
nous
enseignent

Peggy Reboul travaille d’égal à égal avec les consciences animales. Dans son ouvrage, dont vous pouvez découvrir ici un chapitre, elle témoigne de son chemin de vie, révélé suite à un AVC. Se connecter à la nature, au monde vivant et renouer avec sa médiumnité pour aider les animaux, vivants et décédés, ici-bas. Belle découverte de sa rencontre avec Rhéa, une jument au caractère bien trempé, qui l’enseigna dans son chemin thérapeutique.
Quand les animaux nous enseignent
Inspirations
Une magnifique jument baie avec un poitrail large, des crins noirs et une tache blanche au niveau du troisième œil.
Avec mes gros sabots et ma cape de sauveuse, j’allai me présenter à Rhéa dans son paddock pour l’informer que je prendrais soin d’elle le temps de mon séjour dans cet élevage. Elle me regarda fixement, comme pour me scanner de la tête aux pieds. Elle riait intérieurement :

« C’est moi qui vais m’occuper de toi ! » dit-elle.

J’étais tétanisée par son aplomb, mise à nu et totalement découverte dans ma fragilité. Je ressentis une connexion si profonde que je dus m’asseoir au pied du chêne sous lequel elle se trouvait. Stupéfaite, je cessai de respirer et crus reconnaître une vieille amie. Les larmes inondaient mon visage. Une pression forte dans le cœur me clouait dans le silence et l’immobilité. Avec elle, pas de faux-semblant. L’authenticité était de rigueur.

Qui est-elle ?
Dans la mythologie grecque, Rhéa est fille de Gaïa, Terre-mère nourricière, et d’Ouranos, le Ciel. Elle est la personnification des forces naturelles, la déesse de la terre et des animaux. On pouvait l’apercevoir au fond des bois ou au sommet des montagnes, escortée de lions et autres animaux féroces. Ce nom lui va si bien !

Cette jument me fascinait, m’attirait – et en même temps m’impressionnait. Je me laissais guider, expérimentant la rencontre avec plus ou moins de facilité. Je caressais l’espoir de devenir une bonne cavalière de dressage et je nous voyais tel un centaure. En fait, elle bouillonnait, transpirait, piétinait avant même que je pose la selle sur son dos. Montée, elle s’acculait, marchait vite ou s’arrêtait. Caractère indomptable, Rhéa était une jument de guerre dévorée par une force agressive qu’elle ne pouvait pas canaliser. Son rapport à l’humain n’était pas simple ; pourtant elle n’avait jamais été maltraitée. Sa colère était ancienne et profonde.

« Je mène un combat pour les chevaux ! me dit-elle. Celui de montrer aux hommes que nous ne sommes pas à leurs bottes. C’est mon chemin de vie.
– Voilà donc un objectif que nous avons en commun, dis-je. Moi aussi, je veux changer le regard de l’humain sur l’animal. Nous pourrions faire équipe, toi et moi ?
– Il est hors de question de m’enfermer dans un cadre institutionnel. Je ne ferai pas de dressage, car je n’aime pas ça. On ne me contrôle pas comme ça. Et je suis bien plus qu’un cheval. Tu verras. C’est autre chose que je te propose. Prends le temps de réfléchir. »

Je décidai alors de mettre pied à terre plus souvent, et ne la montai qu’en extérieur, où elle s’apaisait. Elle détestait les espaces fermés, le manège et son pare-bottes. Sur les chemins, dans les vignes, sous les arbres, lancée en plein galop, un sentiment de liberté profonde la submergeait et je me délectais de la sentir si libre, si fière. Complicité savoureuse. Je la considérais comme ma nouvelle formatrice, car qui mieux que cette jument pouvait m’apprendre la finesse de la relation humain/cheval ? Qui d’autre pouvait m’indiquer ce dont l’Être-cheval a le plus besoin ?

Je jouais avec elle. Je découvrais le travail au sol et en liberté. C’était simple pour cet être si intelligent, et tellement amusant de me voir déployer toute ma créativité à chercher ce qui pourrait lui plaire. Mais son objectif premier était le déconditionnement. Le sien comme le mien.

Je payais cher la moindre erreur de posture, la moindre incohérence, le moindre doute. Je devais me plier à ses exigences et incarner la verticalité, l’ancrage, la sincérité, l’humilité, la patience. Être sans attente aucune. Ne rien vouloir. Quand j’étais sur son dos, j’oscillais entre la grâce et le désarroi. Chaque fois que je pensais l’avoir amadouée, mon ego me revenait dans la figure comme un boomerang. Ce n’était pas moi qui jouais avec elle, mais elle qui jouait avec moi.

Rhéa était là, en permanence, dans mon cœur et mes pensées. Elle me visitait durant mes nuits et les week-ends quand je rentrais chez moi. Elle m’habitait et je me perdais en elle. Au bout de quelques mois, ma présence dans l’élevage touchait à sa fin et je ne pouvais pas imaginer un seul instant repartir sans elle.
Finalement, Rhéa accepta de me suivre. C’était le début de longues observations, négociations et communications. Je prenais conscience de mes travers humains : vouloir, agir, imposer, soumettre, faire. Je me sentais honteuse d’avoir si longtemps posé mes fesses sur le dos d’un cheval sans jamais lui demander s’il en avait envie. Honteuse d’exprimer ma colère et mon impatience. Honteuse d’avoir appliqué avec naïveté les conseils de certains moniteurs, d’avoir accepté sans réfléchir d’utiliser des enrênements inutiles et contraignants, d’avoir minimisé la fatigue de ma monture…

Même si, à l’époque, je ne parlais pas aux animaux avec autant de fluidité qu’à ce jour, il me suffisait d’observer, de rentrer en moi et d’écouter mon corps en pensant au cheval. Me connecter à mes ressentis et à mon intuition. Qu’est-ce que je sentais dans mon cœur à l’idée de mettre un mors, une selle, une gourmette, à l’idée de sauter des barres ou d’enchaîner des figures ? Qu’est-ce qui sonne juste dans tout cela ? Que dit mon cœur ? Que dit mon corps ? Que dit le cheval ?

J’écoutais, moi aussi, mes propres besoins et revenais dans la matière avant chaque rencontre pour savoir ce que je lui imposais. J’accueillais mes émotions – tout du moins j’essayais. J’écoutais mes peurs, je jouais la carte de la sincérité, autant que j’en étais capable. C’était difficile, douloureux, laborieux. Je cessais d’être cavalière et remettais en question vingt-cinq ans d’équitation. J’avais l’impression de ne plus savoir monter à cheval. J’étais parfois là, figée et tellement consciente en même temps. Rhéa déconstruisait mon passé et m’aidait à me reconstruire.

De son côté, elle était parfois en proie à des crises de panique. Elle se cabrait ou se prostrait. Elle m’expliquait et me montrait son passé dans une vie antérieure. Des images de cuirasses, de chevaliers. Je la sentais transpercée par une lance. Ces images revenaient souvent. Rhéa n’aimait pas me mettre en danger. Comme nous humains, cette jument avait sa part d’ombre. Mais cela ne lui appartenait pas, il s’agissait de vieilles mémoires collectives. C’était une jument de guerre, et elle incarnait une souffrance que je percevais dans les communications. Je voyais des milliers de chevaux galoper vers la mort, transpercés dans leur chair, agoniser sur le flanc. Cela faisait écho en moi, à ce petit soldat que j’incarnais et qui s’évertuait à ne rien lâcher, gardant la tête haute et surmontant ses peurs. Parfois, je me perdais en elle et je ne savais plus qui était qui. Ses peurs étaient-elles les siennes ou les miennes ? Les deux, sans doute.

Ma famille et mes amis s’inquiétaient tandis que je restais confiante. Je voyais sa lumière. Je savais, au fond de moi, qui était Rhéa. Elle était ma force, ma toute-puissance, mon guide. Elle m’indiquait le chemin de la justesse et de la cohérence. Tel un miroir, elle me renvoyait l’image de mon enfant intérieur. Celui qui n’avait pas pu s’exprimer, écrasé par le poids de la responsabilité. Celui qui ne savait pas jouer. L’enfant en colère, en désaccord avec la norme d’une société mortifère.

Nous continuions à jouer en liberté, car au fond, moi non plus, je ne voulais pas entrer dans ce moule. Le dressage et la rigueur m’ennuient. J’aime la liberté, la douceur, l’amour et le respect. J’apprenais à Être au lieu de Faire. Quotidiennement, je me plongeais dans son cœur et l’écoutais.
Elle me disait « Respire, regarde, écoute et sens. N’attends rien. Tout est là. »
Nous restions immobiles parfois l’une à côté de l’autre dans son abri, à regarder tomber la pluie, sentir l’humidité, le vent frais. Une confiance mutuelle et un grand respect s’étaient installés entre nous. J’étais si heureuse. J’apprenais à respirer. Elle me faisait du bien, je lui faisais du bien. J’étais centrée dans cet espace sacré au milieu du rien et connectée à tout.

Le 3 décembre de cette année-là, le soleil nous invitait à nous promener à travers les vignes et la garrigue. Une belle journée et un grand moment de complicité, où nous savourions un ultime galop et notre dernière communion dans la matière… avant de glisser et de tomber à la sortie d’un virage enherbé. Projetée à terre et abasourdie, je regardai Rhéa se relever, affolée. Je priai Dieu qu’elle n’aille pas sur la route. Je la récupérai dans un champ et la ramenai à pied jusqu’à l’écurie. Nous étions sidérées, en état de choc toutes les deux.

Le lendemain, elle mourut.

Pourquoi avait-elle pris le galop à cet endroit ? Là où, d’habitude, nous trottions. Pourquoi l’avais-je laissée faire ? Le virage était à droite. Je savais qu’elle manquait d’équilibre à droite. Pourquoi étions-nous sorties ce jour-là ? Que s’était-il passé dans ses entrailles pour que, le lendemain, ses boyaux se tordent ? Autant de questions que je me posais, rongée par la culpabilité, la colère et le chagrin.

Je perdais une partie de mon âme. Mon corps s’était vidé. J’avais perdu ma force. Ma peine était immense, le goût de la vie amère. Cette connexion qui nous unissait était un cadeau inestimable, qui nous avait aidées l’une et l’autre à évoluer. Elle m’avait permis la concrétisation d’idées et l’émergence de mon association, puis un peu plus tard de mon entreprise : Rhéa-communication avec le vivant.

De ce terreau fertile émergeaient mille pousses qui témoignent aujourd’hui encore de la richesse féconde de cette rencontre. Je me jurai de rester le vecteur de ses choix, son porte-parole. Je me jurai de montrer aux hommes que les animaux ont une conscience.

Aujourd’hui, Rhéa m’enveloppe de sa bienveillance et me guide sur un plan subtil. Cette connexion si précieuse qui me charpente, me rend plus résiliente que jamais.
Elle m’avait dit un jour « Je suis plus qu’un cheval, tu verras ! »
Quelques mois après sa mort, dans les communications, Rhéa m’expliquait qu’elle me serait plus utile sur un plan subtil que dans la matière. Son départ était donc voulu. Elle savait depuis toujours que notre relation prendrait très vite une autre forme et qu’elle ne resterait pas en vie bien longtemps. Elle ne m’avait rien dit et je lui en voulais. Je me sentais seule et abandonnée. Je sentais le vide dans la matière. Ses crins, la chaleur de son corps, ses poils lisses, son énergie, son regard profond me manquaient. Mais elle me disait que j’avais besoin d’un autre cheval. Un cheval-lumière. Un cheval qui serait l’opposé de ce qu’elle incarnait. Un guérisseur qui viendrait panser mes blessures, celles qu’elle m’avait elle-même révélées. Un être tout en douceur et pas un cheval de guerre. Elle me demandait de passer à autre chose et de franchir un cap.

Regarder vers l’avenir, cesser de douter de mes compétences, de ma beauté, de ma lumière et de mes qualités. Cesser de toujours me former, de multiplier les lectures et les validations à travers un nombre incalculable de stages et de formations. Elle me poussait au changement profond.

Je devins alors interprète animalier. Je m’occupai de chevaux difficiles tout en enseignant encore les arts plastiques à mi-temps dans un collège. Je créai La Ferme de Rhéa, avec l’idée de relier l’humain à la nature et aux animaux pour que l’humain lui-même se relie à sa propre nature. Rhéa était devenue mon guide. Je la voyais et je la sentais tellement heureuse, libérée et lumineuse. J’acceptais peu à peu qu’elle soit passée de l’autre côté. Elle m’expliquait combien la souffrance et les douleurs physiques qui avaient précédé sa mort avaient été pour elle un exutoire lui permettant d’arriver pure et libérée sur l’autre rive. Les connexions étaient si douces. Je ne l’avais jamais ressentie et perçue si légère, si libre et si sereine.

C’est à elle que je m’adresse aujourd’hui si j’ai besoin de conseils ou de discernement… Je m’aperçois que sa présence dépasse l’être cheval que j’ai connu. On dirait une déesse. Je serais incapable de dire à quoi elle ressemble aujourd’hui. Je perçois une lumière blanche et lorsque je suis avec elle, je ressens une énergie forte, des vibrations d’amour qui me font chaque fois pleurer d’émotion et de gratitude. Les mêmes larmes qui coulaient sur mon visage à notre première rencontre. Je ne me sens plus seule aujourd’hui, mais guidée par une confrérie de guides, d’anges et d’archanges.


Peggy Reboul, Consciences animales : communiquer avec le vivant, Mama éditions, 2021, p. 56-63
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