De la liberté d’agir selon sa croyance au sein d’une
minorité religieuse ou spirituelle à la dérive sectaire,
la nuance devient vite politique. Comment penser la
liberté de croyance ? Une secte est-elle forcément une
menace ou peut-elle être positive ?
Plus le monde est chaotique,
plus la quête de sens s’intensifie.
La recherche d’équilibre
et de cohérence, le besoin de se
fondre dans un système garant
d’un équilibre, mû par un idéal,
séduit et rassure. Les choix spirituels
et religieux, lorsqu’ils sont
le fruit d’une volonté commune,
tissent l’histoire du monde.
De
tout temps, des groupes se sont
agrégés autour d’hommes et de
femmes dotés d’une exceptionnelle
aura. Premiers chrétiens,
cathares, sectes soufies, sociétés
secrètes, réformistes anabaptistes,
ces communautés ont jalonné les
époques, initié des nations, amenant
un renouveau. Alors que la
montée du rationalisme depuis
plusieurs décennies avait mis en
veille le questionnement spirituel,
le phénomène des nouveaux
mouvements religieux dérange, car il interroge, en particulier le
rapport au dominant, surtout
lorsque les groupes spirituels sont
susceptibles de saper son autorité.
Une secte minoritaire peut en effet
monter en puissance, devenir
une église et muter en une organisation
structurée. Le rapport du
pouvoir à l’égard des nouveaux
mouvements religieux et spirituels
varie selon les époques et les pays.
En France, le terme « secte » revêt
actuellement une connotation
étrange et dangereuse qui réveille
les passions.
« Secte », un mot
largement connoté
Certains faits de société ont ébranlé
l’opinion publique, comme
l’affaire de la secte du Temple
solaire de 1994 à 1997. Face aux
perspectives millénaristes et apocalyptiques,
l’État a été poussé à agir. Au début des années 2000,
en France, c’était la Miviludes (la
Mission interministérielle de vigilance
et de lutte contre les sectes),
sous l’autorité du premier ministre
lui-même, qui était explicitement
en charge de la lutte contre « les
sectes ». Or, son acronyme était
explicitement à charge contre les
groupes spirituels minoritaires
qui étaient problématiques en
raison de leur seule existence. À
l’époque, le sociologue Raphaël
Liogier, spécialiste des nouveaux
mouvements religieux, avait critiqué
la diabolisation de ce terme.
Il explique ainsi : «
Le mot “secte”
renvoie au fait que ce sont des gens
qui veulent juste vivre différemment
des autres. Or, on a le droit de faire
de sa vie un laboratoire. Le philosophe
Pascal livre dans ses Pensées
qu’il appartient ainsi à la secte des
sceptiques. » Selon l’école philosophique grecque, les sceptiques
n’arrêtaient pas leur réflexion sur
les événements du monde ; ils
avaient choisi de n’accorder aucun
crédit ni aucune véritable certitude
à ce qu’ils voyaient.
Le terme « secte » est issu du latin
secta. Pour l’homme d’État romain
Cicéron par exemple, cela «
désigne
une voie dans laquelle on s’engage
[de sequi
, « suivre »], une manière
d’agir ou un système particulier de
conduite. La secte religieuse désigne
alors l’ensemble des disciples qui
suivent un maître dans ses doctrines
jugées hérétiques ou déviantes. »
(Larousse) Parfois, on invoque
une autre étymologie : « secte »
viendrait de
secare (couper) et désignerait
alors un petit groupe qui
se retranche d’un ensemble plus
vaste et qui y provoque une sorte
de déchirure. Or, en prétendant combattre les sectes, c’est la liberté
personnelle de conscience et de
croyance qui est mise en cause.
Ainsi, se vêtir différemment, des
choix alimentaires particuliers, l’introduction
de rituels dans son existence
sont des actions rapidement
suspectes. Raphaël Liogier note
ainsi que «
la liberté de conscience,
même sous Staline, existait. Rien ne
vous empêche d’être dans votre salle
de bain et de penser dans votre tête
sans que personne ne soit au courant.
Mais si une personne fait des choix,
on ne doit pas penser que c’est une
provocation que l’on doit empêcher.
L’espace public n’est pas neutre, car
dans ce cas, cela voudrait dire qu’il
est neutralisé. Nous avons le droit
d’exprimer notre mode d’être, ce qui
passe par l’esthétique, par un besoin
de donner un sens à l’existence, par
la liberté de conscience et de ce qu’on
veut être. Mais on a oublié “l’être”. »
Une manière d’agir ou
un système particulier
de conduite. La secte
religieuse désigne alors
l’ensemble des disciples
qui suivent un maître
dans ses doctrines jugées
hérétiques ou déviantes.
(Larousse)
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