Cette planète est massacrée par l’être humain... Pourquoi ?
Cette question abyssale est devenue vitale. Au chevet de notre Terre mère qui vit un enfer, il est urgent de dépasser les constats, de traverser l’éco-anxiété, de transmuter la colère en carburant pour réagir et réenchanter notre relation au vivant.
«
C’est l’incendie, le grand incendie », chantait Noir Désir... Prophétique, leur album
Des visages des figures est sorti le 11 septembre 2001, tandis que s’écroulaient, en flammes, les tours jumelles du World Trade Center. Cet attentat a marqué le coup d’envoi de l’ère apocalyptique que nous traversons. En ce moment clé de l’histoire de l’humanité, l’impensable est devenu vraisemblable. Inéluctable, même. Notre planète est en feu, au propre comme au figuré. Elle brûle, se noie et souffre dans sa chair des guerres qu’on lui livre. «
Nous sommes les contemporains de processus de destruction de l’environnement d’une rare violence », constate le philosophe Alexandre Lacroix dans son récent ouvrage,
Au cœur de la nature blessée(1).
Mortel constat
Cette année, sécheresse et températures record ont « cramé » la Terre jusqu’aux latitudes tempérées. Rien qu’en France, depuis le début de l’année, près de 62 000 hectares de forêt ont été réduits en cendres, contre une moyenne habituelle de 8 500 hectares
(2), avec des feux géants en Gironde. Sur un plan symbolique, même la forêt de Brocéliande a vu disparaître en fumée, mi-août, plus de 400 hectares de landes et de bois enchantés. Quant à l’Amazonie, poumon vert de l’humanité, elle s’embrase à un rythme effarant. Ce phénomène, accentué par la sécheresse, va de pair avec une déforestation galopante, poussée par un commerce mondial de produits agricoles avide et sans scrupules.
Depuis l’arrivée de Bolsonaro à la tête du Brésil, en 2019, la déforestation annuelle a augmenté de 75 % par rapport à la décennie précédente
(3). Le Pakistan, lui, a connu récemment des inondations historiques, qui ont succédé à une sécheresse sans précédent. Les épisodes climatiques extrêmes se multiplient et s’intensifient partout sur la planète. Même les experts du GIEC, au fait de l’évolution du climat, reconnaissent être estomaqués par la rapidité et la brutalité de ces phénomènes qu’ils pensaient, tout comme nous, voir déferler plus progressivement...
Notre planète est en feu,
au propre comme au figuré. Elle brûle, se noie et souffre dans sa chair des guerres qu’on lui livre.
La nature blessée
Ces phénomènes impactent toute la toile complexe du vivant. Par ailleurs, selon un rapport conjoint de l’ONU, de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, édité en prévision de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (clôturée à l’heure où vous lisez ces lignes), le « tueur silencieux » des chaleurs extrêmes va engendrer des taux de mortalité «
comparables en magnitude, d’ici la fin de siècle, à tous les cancers ». Comment en sommes-nous arrivés là ? L’anthropologue Philippe Descola dans
Par-delà nature et culture (éd. Folio) pointe le rôle ambigu de la notion de « nature », étrange création des Occidentaux. Pour Baptiste Morizot, auteur de
Manières d’être vivant (éd. Actes Sud), ce mot « nature » n’est pas innocent : «
Il est le marqueur d’une civilisation vouée à exploiter massivement les territoires vivants comme de la matière inerte et à sanctuariser des petits espaces voués à la récréation, à la performance sportive ou au ressourcement spirituel. » La
baseline de ce programme de destruction massive remonte à Descartes dans son
Discours de la méthode (1637) : «
Nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature », clamait-il.
Sur un plan plus inconscient, nous « savons » que notre humanité est en péril, pourtant nous fonçons dans le mur ? La faute à notre cerveau, «
merveilleux par sa puissance et primitif par ses aspirations profondes », qui nous pousse à détruire la planète, nous révélait le docteur en neurosciences Sébastien Bohler, dans son best-seller
Le bug humain (éd. Pocket). «
Les neurones en charge d’assurer notre survie ne sont jamais rassasiés et réclament toujours plus – de pouvoir, de nourriture... Nous sommes emportés dans une fuite en avant de surconsommation, de surproduction, de surexploitation, de suralimentation, de surendettement, parce qu’une partie de notre cerveau nous y pousse de manière automatique – reflet de l’évolution antédiluvienne de notre système nerveux. »
(...)