« Au cap des 700 ans, le laurier reverdira ! » Cette prophétie formulée par Guilhem Belibaste, le dernier cathare officiellement brûlé sur un bûcher de l’Inquisition au château de Villerouge-Termenès, le 24 août 1321, aurait traversé les ans jusqu’à nous. Ainsi, l’été 2021, aux augures sombres de nouvelles contraintes sanitaires, aurait également annoncé les prémisses d’un renouveau : celui des cathares.

Derrière le terme sibyllin de laurier se cache un symbole d’éternité, d’amour, de victoire, un retour au christianisme originel. « Il s’agit d’un symbole végétal de renaissance », ajoute Christian Doumergue⁽¹⁾, écrivain et documentaliste. Les cathares fascinent, tant par leur spiritualité, leur héritage, les persécutions dont ils ont été victimes ; ils ont fait l’objet de recherches passionnées, qui ont été consignées dans de nombreux ouvrages historiques, romans, enquêtes. Si différents courants ont gardé « vivace » leur mémoire (voir encadré), la perspective d’un renouveau cathare tel un phare dans la nuit de notre actualité se profile avec assurance, porteur d’espoirs.

Catharisme et christianisme originel

Bien qu’ils se soient eux-mêmes désignés sous un autre nom, « les parfaits » en l’occurrence, les cathares, du grec katharos (« pur »), étaient une dissidence chrétienne dont on a surtout retrouvé trace dans le sud-ouest de la France. Comme ils ont été poursuivis par l’Église, il n’est pas simple de retrouver toutes leurs traces, qui se confondent avec celles des autres « hérétiques » de l’époque. « Le monde dans lequel on vit est en partie le résultat de la croisade contre les cathares et leur spiritualité de “l’intérieur” ; notre monde actuel est celui de l’épée, de la violence, d’une victoire écrasante du matérialisme sur l’esprit, qui impose sa vision par la force à ceux qui ne se rangent pas à son dogme », pose d’emblée Christian Doumergue. Le christianisme originel aurait pu briser cette roue « maléfique », tout comme le catharisme, qui en est la résurgence médiévale : tous deux ont été éradiqués. Revenons aux fondements du catharisme : « une doctrine selon laquelle l’âme est prisonnière d’un monde d’illusion, dont on peut se libérer par une spiritualité “intérieure” fondée sur une relation directe en soi avec le divin », résume notre spécialiste. Ainsi, les cathares pourraient être la dernière expression vivante de l’Antiquité préromaine, comme le revendiquait la philosophe humaniste Simone Weil (1909-1943). Selon elle, les mystères et les sectes initiatiques d’Égypte et de Thrace, de Grèce et de Perse recelaient une pensée dont les ouvrages de Platon constituaient sans doute l’expression la plus parfaite. Dans une correspondance avec Déodat Roché, anthroposophe et fervent chercheur autour de la question cathare, la philosophe partageait sa vision : « Cette pensée dont serait issu le christianisme originel ; seuls les gnostiques, les manichéens, les cathares semblent y être restés vraiment fidèles. » (...)