« Des forces magnifiques et sauvages existent en nous ! »Une phrase de St François d’Assise évoquant ce que les anciens nommaient la plus grande force de l’univers, soit le pouvoir de la prière qui nous unit au cosmos. Une définition qui semble avoir traversé les époques, et nous inspire toujours aujourd’hui au-delà du voile de la matérialité.
Attentats en août 2017 sur La Rambla à Barcelone, ouragan Irma à St Martin, à chaque nouveau sinistre, fleurissent sur le net, des cercles de prières en soutien aux victimes, et des bougies s’allument aux fenêtres. À Standing Rocks, Dakota du Nord, avec des températures oscillant entre 0 et -5°, les indiens Navajo, Sioux, Lakota opposent à la violence des forces armées américaines, leurs prières et des rituels, pour faire valoir leur droits.
Notre époque, profondément secouée de bouleversements, voit apparaître un nouveau courant autour de la prière : elle se démocratise, témoin de notre désir d’intercéder auprès de l’invisible, pour un retour à la paix, ou l’exaucement d’un vœu. Quel sens revêt la prière aujourd’hui ? À quel besoin correspond l’acte de prier ? Prier réalise-t-il les souhaits ?
Prier en marchant, en chantant, en silence
Quelles que soient les époques, les cultures, la prière est universelle : selon les traditions, elle prend des formes singulières pour chacun. Cela peut être une méditation, un hymne chanté avec ferveur, un vœu secret…
Partout dans le monde, les personnes prient assises, d’autres se prosternent ou s’agenouillent, restent debout, ou même marchent… Pierres angulaires de l’activisme pacifique de Thich Nhat Hanh, les
« marches pour la paix » sont de véritables prières actives, invitant chacun à prendre la responsabilité de construire un monde plus harmonieux.
« Chaque pas sur la terre, imprégné de l’intention et multiplié par le groupe, peut nous faire ressentir la puissante énergie de la prière et de l’unité » témoigne Catherine, après une retraite au Village des Pruniers. Dans le bouddhisme, la prière se chante, ou se récite autour de mantras, ou de soutras,
« nous libérant des turbulences du mental, pour enfin accéder à notre ciel intérieur », commente Davina Delor. Cette pratique peut se faire seul, ou avec une communauté appelée la Sangha. Chez les Navajos, la prière vibre au son des tambours, pour leur procurer la force intérieure nécessaire pour endurer les épreuves quand elles se présentent, ainsi que l’assurance des jours meilleurs.
Si les formes diffèrent, les intentions aussi ! Pour quoi, pour qui prie-t-on ? Les plus usuelles pour Laurence Baranski sont les prières de gratitude, qui s’apparentent à des bénédictions, et les prières pour les défunts :
« qui opèrent une sorte de purification vibratoire, leur permettant de s’élever vers des plans célestes. J’ai en effet la conviction personnelle que l’esprit survit au corps physique ». À chacun son moment pour prier, également.
Quel sens revêt la prière aujourd’hui ?
La prière du matin est la plus importante pour la nonne bouddhiste Davina Delor :
« Elle va inspirer toute votre journée en continuant de diffuser les messages dont vous l’aurez chargée. À chaque nouveau souffle, tout peut commencer, se poursuivre dans les meilleures conditions ou changer. »
Les vertus de la prière
« Il y a plusieurs années, j’ai fait face aux décès inattendus de mon frère et de mon père, à seulement six semaines d’intervalle, et au naufrage de mon mariage. Perdue, pleine de douleur et de colère, je me suis agenouillée, et j’ai prié> rapporte la médium Sonia Choquette, auteure de
« Prières inspirantes pour éclairer votre chemin de vie ». Ainsi, la prière nous donnerait la force nécessaire pour affronter les défis de la vie. Elle pourrait alors nous aider à renoncer au contrôle et à abandonner nos soucis et nos préoccupations pour les remettre à une puissance supérieure.
« Il n’est rien de plus apaisant que se sentir relié à l’absolu, à l’univers, aux autres » ajoute la nonne Davina Delor, pour qui
« la prière permet de sortir du petit cercle égocentrique qui se referme sur nous même, pour nous projeter dans un autre cercle plus vaste. » En priant nous sommes plus calmes, également.
« Prier nous rend plus fort et nous donne le courage dont nous avons besoin pour apaiser nos craintes » ajoute Sonia Chouquette.
Des vertus qui s’expliquent également par les neurosciences : des chercheurs ont mis en évidence dans le cerveau la région qui s’active en lien avec la prière. Une étude scientifique du Religious Brain Project (publiée en 2016) dirigée par le docteur Jeff Anderson, neuroradiologue, a plongé des participants dans des activités spirituelles, dont la prière. La plupart ont rapporté un sentiment de paix, et une sensation de chaleur. Ils ont pu constater en observant les circuits de l’IRM, que la prière renforçait le circuit de la récompense.
Si la prière
« restaure » notre âme, elle agit également sur le corps. Des études ont pu mettre en évidence les vertus sur la santé des prières dîtes d’intercession, c’est à dire pour aider une autre personne que soi. Celle réalisée en 1999 à Kansas City au Mid America Heart Institute, sur des patients admis aux unités de soins intensifs de cardiologie, a montré que les patients ayant bénéficiés de prières par intercession ont eu un meilleur rétablissement que les autres.
Il n’est rien de plus apaisant que se sentir relié à l’absolu.
La prière, une énergie agissante
« C’est la force et la pureté de l’intention de celle ou celui qui prie qui permettent à l’énergie de s’élever et d’agir » pose d’emblée Laurence Baranski. Quel processus est à l’œuvre ? Comment cela fonctionne-t-il ? Dans les premières traductions de l’évangile selon Saint Jean, nous sommes invités à donner du pouvoir à nos prières en nous entourant (sensations) de nos désirs réalisés. Ce que suggère également l’abbé du monastère des hauts plateaux tibétains que rencontre Gregg Braden :
« Demandez sans motifs cachés et soyez entourés par votre réponse », lui conseille-t-il. En clair, il s’agit de se sentir comme si notre prière était exaucée. Une vision que partage également le maître zen Thich Nhat Hanh, bien qu’exprimée dans d’autres termes :
« Par la prière, nous ne déléguons pas notre aspiration au bouddha, nous rassemblons notre force intérieure, et nous nous ouvrons à une puissance qui est en dehors de nous ! Mais nous savons que si nous n’avons pas développé notre force intérieure, l’énergie extérieure ne nous sera pas disponible. »
La physique quantique également apporte des éléments de réponse, en mettant en évidence la relation entre la conscience et la structure de la matière. Comme l’explique Gregg Braden,
« lorsqu’on prie c’est la qualité du sentiment qui parle au champ qui nous unit au monde ». Prier, en envoyant des pensées d’amour, ou de guérison, pourrait avoir une réelle influence sur le monde matériel. En d’autres termes, la prière nous permet d’élever notre niveau de conscience, et d’ouvrir la porte à de plus grandes possibilités, que ce soit la paix, dans le monde ou nos relations, ou des guérisons.
Alors prier nous garantit-t-il de voir exaucer nos prières ?
« Infuser dans notre prière l’énergie de la foi, de la compassion, et de l’amour, est une condition nécessaire, mais en aucun cas ne garantit le résultat escompté » répond Thich Nhat Hanh. En revanche, l’acte de prier en tant que pratique d’amour accessible à tous, va nourrir notre vie de sérénité, de joie et de bonheur. Le maître zen est formel :
« La prière ouvre immédiatement nos cœurs ».