Lorsque l’on explore ses différentes facettes – historiques, traditionnelles, psychologiques et spirituelles –, l’acte de prier s’avère, aujourd’hui encore, une pratique essentielle.
La prière est un acte universel, pratiqué à travers le monde, quelles que soient la culture, la religion ou les croyances, certainement depuis des temps immémoriaux. Elle revêt cependant mille visages, de la plus classique, issue des religions du Livre, s’adressant à un Dieu dont on espère qu’il écoute, voire qu’il attend qu’on le prie, à la plus laïque, sous la forme de souhaits ou de messages adressés à quelque chose de plus vaste que soi.
Mais qu’est-ce qui se cache réellement derrière cet élan si simple en apparence, et pourtant si puissant ? La prière est-elle simplement un geste de foi, un outil psychologique pour apaiser l’esprit, ou s’agit-il d’une véritable connexion à une réalité transcendante ? Quel est l’impact de la prière dans la vie spirituelle, structure de la vie des croyants offrant un moment de recueillement et de connexion avec le sacré ? Elle est souvent décrite comme une source de force intérieure et de réconfort permettant de faire face aux défis de la vie avec une foi renouvelée. De nombreux témoignages spirituels relatent la manière dont la prière a aidé des individus à traverser des périodes de crise, de doute ou de souffrance. La prière est également un acte de gratitude, où le croyant reconnaît les bénédictions reçues et exprime sa reconnaissance envers le divin, un rappel à la foi au milieu des tâches matérielles, soulignant que l’humain est soumis à plus grand que lui. Et comme le souligne Marc Halévy, spécialiste de la Kabbale, la prière doit s’élever au-dessus de l’acte de la simple récitation. «
Il y a une autre manière d’aborder le mot “prière”. C’est par sa racine latine qui est prior
: “être plus près de”, et à ce moment-là, elle devient quelque chose de tout à fait intériorisé et de non récitatif, qui est de se rapprocher de quelque chose, ce qu’on appelle le divin, ou quel que soit le nom qu’on lui donne. »
Les premières traces
Mircea Eliade, historien des religions et philosophe, a appréhendé la prière comme un acte fondamental dans la spiritualité humaine. Il note que les premières traces de prières remontent aux civilisations anciennes, où elles étaient associées aux rites et aux cérémonies. En Mésopotamie, les Sumériens offraient des prières à leurs dieux pour demander protection et prospérité, tandis qu’en Égypte, les pharaons priaient les dieux pour maintenir leurs dynasties et garantir la fertilité du pays. En Inde, l’hindouisme a développé des formes de prière très anciennes, telles que les mantras et les hymnes védiques, qui sont récités pour invoquer les divinités et obtenir des bénédictions. Dans les traditions autochtones, la prière est étroitement liée à la nature. Les chamanes et les guérisseurs prient pour entrer en communion avec les esprits de la nature, leurs alliés puissants. Eliade parle du sacré comme d’un moyen de sanctifier le temps et l’espace, et donc le rapport au monde. Selon lui, les rituels, qui sont souvent agrémentés de prières, structurent l’expérience spirituelle et aident à établir un cadre pour se connecter à ces dimensions sacrées. Cependant, la prière peut aussi être associée à un rapport de soumission. «
En cas de détresse extrême, lorsqu’on a vainement tout essayé, et surtout en cas de désastre venant du ciel, sécheresse, orage, épidémie, on se retourne vers l’être suprême et on l’implore. Cette attitude n’est pas exclusive aux populations primitives », rappelle Mircea Eliade. En effet, dans les temps anciens, la prière pouvait survenir après des périodes difficiles, associées au mécontentement des dieux.
La prière relève du registre relationnel. En effet, elle mobilise des zones corticales responsables des relations interpersonnelles.
Une relation au divin
Dans les grandes religions monothéistes, la prière est un moyen essentiel de communication avec le divin. Dans le christianisme, elle est vue comme une conversation intime avec Dieu, et s’ouvrent alors plusieurs voies. La prière peut parfois être perçue comme un acte de négociation, où le croyant cherche à établir un accord avec le divin. Un exemple célèbre est celui de la prière de Jacob dans la Bible, où il promet de donner un dixième de tout ce qu’il possède en échange de la protection divine. Cette prière représente la posture du croyant qui supplie avec humilité et vulnérabilité. Autre exemple, dans Marc 11:24 : «
C’est pourquoi je vous le dis : tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu et cela vous sera accordé. » Le psalmiste implore ainsi Dieu de lui accorder miséricorde après avoir commis des actes répréhensibles. Dans certaines traditions, la prière est liée à l’idée de rétribution, selon laquelle les fidèles prient pour recevoir des récompenses spirituelles ou matérielles. Cette notion est particulièrement présente dans des religions comme l’islam, où les prières (
salat) sont souvent accompagnées de la promesse de récompenses dans l’au-delà pour ceux qui suivent les préceptes divins. La prière peut également être un acte d’éloge et de gratitude, permettant au croyant de rendre hommage à la grandeur et à la bonté de Dieu.
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