Au cœur du Lot, dans le Haut Quercy, une cité médiévale accrochée à flanc de roc semble dresser un pont entre les vibrations préhistoriques des grottes des Causses, le mysticisme du Moyen Âge et l’enchantement de la nature. C’est aujourd’hui l’un des sites les plus visités en France.
En lisière du Périgord noir se dresse à flanc de falaise, sur 150 mètres de hauteur, dans le calcaire blanc, la petite cité occitane de Rocamadour. Elle apparaît soudainement, au détour de la route empruntée pour la rejoindre, comme une surprise inattendue, préparant déjà à l’émerveillement. Peuplée d’à peine 700 habitants, elle accueille pas moins d’un million et demi de touristes et pèlerins par an, venus déambuler dans ses petites ruelles étroites. Qu’est-ce qui peut attirer autant de monde, au point de faire de ce lieu le troisième site le plus visité de France ?
Entre l’attrait religieux, la curiosité des vieilles pierres et la magie des chapelles, dont deux sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco, il semblerait que ce soit aussi l’énergie toute particulière qui s’en dégage, à la croisée de chemins comme celui de Compostelle, mais aussi des alchimistes. Les pierres auraient-elles gardé en mémoire les vœux, les prières exaucées et les indulgences accordées ? Vibreraient-elles encore des vies sauvées par la foi, des actes de pénitence, sous le regard de saint Michel et de la Vierge noire ?
La force des roches préhistoriques
Avant cela, avant même d’être une cité empreinte de l’histoire chrétienne, la rivière Alzou coulait non loin de grottes habitées par les premiers hommes du Paléolithique. La commune de Rocamadour abrite en effet la grotte des Merveilles, qui est ornée de peintures, et la grotte de Linars, garnie de nombreux ossements. Les environs étaient donc déjà témoins des premiers gestes sacrés de l’art rupestre, prémices des rites de dévotion et des nécropoles. Pas étonnant alors que Rocamadour soit devenue un vestige de sainteté, si déjà en des temps si anciens, les énergies soulevées par la terre inspiraient les premiers hommes dans leurs ébauches de mysticisme. On retrouve également, dans les alentours du village, des dolmens issus d’anciennes civilisations, comme autant de portes ouvertes sur d’autres mondes. Le site semble donc avoir fait éclore à travers les siècles des traces de spiritualité.
Un bijou d’architecture
Lorsqu’on emprunte l’unique route qui serpente dans le village de Rocamadour, on est étourdi par l’architecture, les édifices et les fresques, tous consacrés à d’illustres saints chrétiens. Une porte permet l’accès au parvis qui dessert les sept chapelles : la chapelle miraculeuse de Notre-Dame de Rocamadour, qui abrite la Vierge noire ; la chapelle Saint-Michel, partiellement troglodytique, est la plus haut placée, elle veille sur le sanctuaire et renferme une fresque dont la peinture a profondément imprégné la pierre, empêchant sa dégradation ; la vaste chapelle Saint-Sauveur devenue basilique en 1913 ; la crypte Saint-Amadour et ses reliques ; et les chapelles des saints : Anne, Blaise, Jean-Baptiste et Louis. La rue monte ensuite jusqu’au château qui surplombe toute la vallée de l’Alzou, tel un phare dans la mer de forêts alentour.
D’un point de vue tellurique,
il semblerait que Rocamadour soit à la croisée de deux courants énergétiques.
Mystérieux saint Amadour
Construit selon les habitudes médiévales, le village se découpait au Moyen Âge en trois niveaux : les chevaliers en haut, le clergé au milieu et les paysans en bas, près de la rivière. C’est sans doute à cette époque que le nom Rocamadour est apparu. On l’attribue à saint Amadour, ou saint Amateur, nom christianisé vers 1166, mais qui serait un faux hagiotoponyme puisque l’on trouve précédemment des traces d’un
Rocamajor (« grand abri sous roche » en vieil occitan). Mais la légende demeure… qui était ce saint Amadour, dont on aurait retrouvé le corps intact, enterré sous la chapelle miraculeuse ?
Plusieurs hypothèses se disputent l’histoire : un ermite d’origine égyptienne aurait vécu dans les environs une vie spirituelle et ascétique, ou encore Zachée, époux de sainte Véronique qui apparaît dans la Bible comme un percepteur d’impôts converti à la parole de Jésus, serait venu dans la région après la mort de sa compagne. Quoi qu’il en soit, il semblerait qu’il s’agisse de reliques d’un homme de foi, venu de loin finir ses jours à Rocamadour, imprégnant singulièrement les lieux pour plusieurs siècles. Le corps fut exposé aux pèlerins, mais pendant les guerres de religion, il fut victime d’une tentative de destruction par le feu. La légende raconte que le corps ne brûlant pas, le capitaine protestant Bessonie le détruisit à coups de marteau. Il n’en reste que quelques fragments, visibles dans la crypte Saint-Amadour. Une autre version raconte qu’en le déplaçant, il serait tombé en poussière…
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