Dans le vaste monde de la spiritualité et de la science, les rêves occupent une place centrale depuis des millénaires. Ces expériences nocturnes, souvent énigmatiques, seraient bien plus que de simples manifestations de notre inconscient. Des études récentes montrent que les rêves sont essentiels pour la consolidation de la mémoire, la régulation émotionnelle, et même la résolution de certains problèmes. Les neuroscientifiques ont découvert que les phases de sommeil paradoxal, où se produit la majorité de nos rêves, sont cruciales pour notre santé mentale et physique. Ces moments permettent de traiter les émotions et les expériences vécues, assurant ainsi un équilibre psychique. De plus, des recherches montrent que le rêve joue un rôle vital dans la neuroplasticité du cerveau, ce qui contribue à l’apprentissage et à l’adaptation, mais aussi au déploiement de l’empathie. Le neurochirurgien Rahul Jandial explique nombre des secrets concernant les rêves et contribue également dans son ouvrage⁽¹⁾ à tordre le cou à quelques idées reçues. « Si la création des rêves peut sembler mystérieuse, leur origine est tout le contraire. Le cerveau est parcouru d’électricité, des ondes de courant le traversent à chaque instant de notre vie. Les rêves sont le résultat des phénomènes électriques et électrochimiques normaux qui s’y produisent, ils sont l’extraordinaire transformation survenant chaque nuit dans le cerveau lorsque nous dormons, selon le rythme circadien (le cycle jour-nuit) qui régit biologiquement toute vie », explique-t-il dans son introduction. Il semble que les rêves puissent être de bons alliés pour nous maintenir en bonne santé, voire nous prévenir de certaines maladies. « Nous nous sommes aperçus que le rêve n’était ni du sommeil ni de l’éveil. Et que c’était donc obligatoirement un troisième état du cerveau aussi différent du sommeil que celui-ci l’est de l’éveil », explique le chercheur Michel Jouvet, l’un des précurseurs de la recherche sur les rêves en France. Alors, comment fonctionne ce troisième état du cerveau ?

De l’universalité et l’intemporalité des rêves

Les rêves sont une expérience universelle, transcendant les frontières culturelles et les époques historiques, mais aussi les espèces, puisque les mammifères sont également de grands rêveurs. Des tablettes sumériennes aux textes sacrés hindous, en passant par les écrits d’Homère et les sagesses des chamanes, les rêves ont toujours occupé une place centrale dans l’imaginaire collectif. Ils peuvent être perçus comme des messages divins, des visions prophétiques ou des voyages de l’âme, reflétant ainsi leur importance et leur mystère. Les dernières recherches scientifiques confirment cette universalité et démontrent que tous les humains rêvent, même si beaucoup ne s’en souviennent pas. « Malgré les changements considérables qui se sont opérés dans nos modes de vie, le contenu des rêves n’a que très peu changé à travers les âges, d’un millénaire à l’autre et d’une génération à la suivante », précise le docteur Rahul Jandial, qui ajoute que « compte tenu de cette continuité des rêves, par-delà le temps et l’espace, on peut raisonnablement conclure que leurs caractéristiques et leurs contenus sont inscrits dans notre ADN, telle une fonction neurobiologique et évolutive, et qu’ils sont largement à l’abri des différences de culture, de géographie et de langue ». Les études montrent également que les thèmes des rêves, tels que la poursuite, la chute ou le fait de voler, sont remarquablement similaires à travers les cultures, suggérant ainsi des mécanismes psychologiques partagés.

« C’est une fonction qui a été conservée par l’évolution, sans que l’on en devine encore la nécessité », soulignait Michel Jouvet, chercheur au CNRS, dans son ouvrage de référence⁽²⁾. Le docteur Rahul Jandial explique quant à lui que le rêve est justement associé à l’évolution. En partant du principe que nous avons tous rêvé de situations où nous étions en danger, pourchassés, menacés, le neurochirurgien avance qu’il s’agirait d’une répétition, d’un entraînement « à reconnaître et à répondre aux dangers en toute sécurité. Selon cette théorie, les rêves sont comme une simulation virtuelle qui nous permet de tester différentes réactions et d’imaginer les conséquences. » Pourrions-nous être mieux préparés à affronter les menaces du monde réel grâce aux expériences vécues au cours de nos rêves ? Ainsi, nous aurions mieux traversé les âges, modelé notre évolution et survécu en partie grâce à ces anticipations oniriques.