Un français sur quatre consulterait un voyant. Les amateurs recherchent-ils surtout un réconfort psychologique ? Peut-on vraiment obtenir des informations fiables sur son avenir ?
Vous êtes au milieu d’un repas entre amis et quelqu’un lance : «
Au fait, je ne vous ai pas raconté, je suis allé voir une voyante. » Il n’en faut généralement pas davantage pour que le volume sonore augmente et que les arguments deviennent passionnés, voire tranchés. Il est effectivement vertigineux d’imaginer qu’on puisse voir l’avenir.
Si nier ce genre de phénomène psi (perception extra-sensorielle) semble parfois plus facile, un grand nombre d’exemples troublants documentés et de recherches scientifiques montrent que la précognition est possible. Et c’est ce que pensent de nombreux concitoyens : la voyance est devenue un véritable phénomène de société. Selon l’Institut national des arts divinatoires, cette pratique, conduite par quelque 100 000 professionnels en France, représente un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros par an.
Si, depuis la nuit des temps, l’homme cherche à obtenir des informations en développant diverses techniques divinatoires ou en questionnant certains individus doués de capacités psi, nous n’avons peut-être jamais autant cherché à connaître l’avenir qu’en 2013. Alors, qu’en est-il du monde de la voyance aujourd’hui ? Comment les voyants voient-ils ? Qu’en est-il du futur dont ils ne cessent de parler ?
En France, la voyance, compte quelque 100 000 professionnels.
Quelle voyance pour quel public ?
Maud Kristen, une voyante devenue célèbre suite à des démonstrations télévisées plutôt surprenantes, plante le décor. «
Il y a d’un côté des voyants sincères qui s’appliquent à décrire les probabilités futures, accompagnés de chercheurs qui étudient les phénomènes psi de manière rigoureuse. Et de l’autre, il y a le business de la voyance, qui cherche à conforter les gens dans leurs désirs. Les deux sont totalement opposés. L’un cherche à éclaircir les choses, l’autre à maintenir une forme d’illusion. » D’après elle, il y aurait actuellement une sorte de confusion entre la vraie voyance, une activité psychique pratiquée dans la majorité des cultures depuis la préhistoire, et une nécessité contemporaine de créer un espace de réconfort affectif. Une dérive que Maud Kristen condamne fermement : «
Vous trouvez souvent dans les magazines une page avec, en haut, Sabrina et ses copines qui attendent monsieur pour lui prodiguer quelques sensations érotiques, et en bas de page, Mme Irma et ses copines qui attendent madame pour lui annoncer la venue du prince charmant. Ces audiotels sont souvent gérés par les mêmes entreprises. Ce n’est évidemment pas de la voyance. »
Soucieuse d’une reconnaissance par le milieu scientifique des capacités psi, elle s’est portée volontaire pour de nombreuses expériences scientifiques. Tout d’abord dans des structures privées en France – qui ne possède pas de chaire de parapsychologie à l’université – puis dans des universités à l’étranger. Travaillant depuis plus de 25 ans avec un large public dont des hommes politiques et de grandes entreprises, elle nous raconte : «
Un vrai voyant vous offre une cartographie des probabilités et des possibles, qui n’est pas forcément celle que vous voulez entendre. Il vous indique les autoroutes, les chemins et les impasses. Et paradoxalement, il vous aide à mieux utiliser votre libre arbitre. Vous pouvez choisir de ne pas prendre l’autoroute alors qu’elle se présente à vous. Par contre, j’ai pu vérifier au cours de ma pratique que vous pourrez difficilement poursuivre en choisissant une impasse. » Maud Kristen rapporte l’histoire suivante : une femme s’apprête à acheter un magasin de fleurs. Sans avoir d’autres indications que le numéro de la rue où ce commerce est situé, la voyante propose une description précise des lieux. La femme confirme. «
Ce n’est pas un bon emplacement, poursuit la voyante. Vous aurez trop de concurrence. Je perçois qu’une grande surface spécialisée ouvrira bientôt non loin de là. Quant à la personne qui vous a précédée, elle a certainement eu de graves problèmes avec sa clientèle et les commerçants du quartier. » Après enquête, il s’avère que la description de l’ancien occupant des lieux est juste et surtout, qu’une pépinière grossiste projette de s’installer dans la zone commerciale toute proche. «
Il existe un véritable public de gens avertis qui savent utiliser la voyance dans leur vie privée et dans leurs affaires », conclut Maud Kristen. Un public qui d’après de nombreux voyants serait composé à environ 60 % de femmes et 40 % d’hommes. Ces derniers iraient de plus en plus consulter des voyants.
Le temps est d’ailleurs le facteur le plus difficile à prédire.
La voyance, un métier
Destiné à une carrière d’ingénieur, Alexis Tournier fait le choix à 21 ans d’exploiter les capacités psychiques qu’il semble développer dès l’adolescence. Depuis, il a participé à une série d’expérimentations scientifiques dont certaines sur le
remote viewing*. «
Ce qui est complexe dans une consultation de voyance, c’est qu’il y a plein de paramètres qui entrent en jeu et interfèrent avec les informations intuitives avec lesquelles on s’applique à travailler », nous dit-il avec une sincérité simple et profonde. Les enjeux psychologiques que la personne amène, ses résistances, l’idée qu’elle se fait de ce que va lui apporter la séance... «
C’est en fait plus facile quand on ne sait rien de la personne, nous explique-t-il.
Sinon, il faut constamment faire le tri entre les informations véritablement intuitives et celles qui résultent d’une déduction logique. »
Alexis Tournier se souvient de ce jeune homme en jogging, mal coiffé, qui s’assied nonchalamment, sans rien dire, son téléphone portable à la main. Le voyant ferme les yeux et se branche sur lui. Il le voit donner des ordres et diriger une équipe dans un contexte professionnel sérieux et impeccable. Il voit des gens en costume qui parlent de droit, de patrimoine, d’argent. Le consultant bâille en se grattant la tête et regarde son téléphone. (...)