Alors qu’un changement de paradigme semble plus qu’essentiel, s’ouvrir aux champs subtils pourrait être une piste afin d’entrevoir un monde nouveau. C’était la thèse de Jean Jaurès, dont l’action était animée par une vraie foi, dans une ouverture des consciences, et qui reste tellement d’actualité.
Depuis une quinzaine d’années, comme en écho
au New Age des années 1960 et à l’essor du spiritisme
du XIX
e siècle, l’ésotérisme ainsi que la métapsychique
font leur grand retour. Les temps sont à
l’exploration, de nombreuses personnes font l’observation
de la nécessité de l’émergence d’un nouveau
monde et de l’ouverture des esprits à de nouvelles
grilles de lecture. De même que Victor Hugo ou
Edgar Poe ont en leur temps embrassé la curiosité
pour les mondes subtils et exploré l’essence du
surnaturel, nous voyons aujourd’hui de nombreux
auteurs et observateurs être témoins de phénomènes
surnaturels et en nourrir leur aspiration à une société
nouvelle.
Les spiritualités ancestrales ont de
tout temps été ouvertes à ces sujets, les livres ou les
enseignements regorgent de miracles ou de capacités
extraordinaires manifestées par les sages. Aujourd’hui,
le besoin de se reconnecter à l’essentiel,
tout en réenchantant un monde qui se délite, amène
à entrevoir les possibilités d’autres réalités que celle
que nous percevons de prime abord. Une figure tutélaire
de la politique française comme Jean Jaurès
faisait partie de ceux qui, justement, étaient capables
d’associer leur recherche métaphysique à la pratique
quotidienne et concrète de leur pensée. Une vision
encore très actuelle d’une exploration du subtil pour
une meilleure application au vivant.
Jaurès, un précurseur
«
C’est peut-être dans un sens plus ouvertement spiritualiste
que l’on peut interpréter l’œuvre de Jaurès, sans craindre
de se heurter à une fin de non-recevoir, au moment même
où le renouveau de l’intérêt pour le spiritualisme français
se fait sentir. Dans une société fragmentée, à l’excès – où
l’essence différencialiste tient lieu de projet politique – la
lecture à frais nouveaux de la thèse de Jaurès peut se justifier », explique Jean-François Petit dans son essai,
Jean Jaurès, métaphysicien spiritualiste ?(1) Car on connaît
bien l’homme politique, député socialiste et collaborateur
au journal
l’Humanité, et ses prises de position
auprès des plus faibles, pour essayer de faire évoluer la
société. Mais on sait moins de lui qu’il était normalien,
agrégé de philosophie et porteur d’une pensée non seulement
progressiste, mais fondamentalement métaphysique.
En effet, dans sa thèse de doctorat intitulée
De la
réalité du monde sensible, à une époque dominée par le
néokantisme qui considère déjà que « la chose en soi »
est inatteignable pour l’homme, Jaurès milite pour une appréhension
de l’existence du monde pas uniquement
matérielle, mais ayant une existence « en Dieu ». En
cela, l’esprit humain rejoint celui de Dieu, la nature
étant le corps du divin. Jaurès s’éloigne de la conception
dualiste occidentale de son temps (et du nôtre ?),
et propose une vision plus élargie, révolutionnaire, aussi
applicable à sa philosophie qu’à ses actions politiques.
Le surnaturel
comme force motrice
Pour Jaurès, la recherche de l’unité est essentielle à la compréhension du monde. «
Le monde sensible que nous voyons, que nous touchons, où nous vivons est-il réel ? » est la question posée en préambule de sa thèse. Questionner la perception du réel pour ce plus jeune député de France passe aussi par l’observation des phénomènes « paranormaux ». Grâce à ses observations et au témoignage de vécus extraordinaires, Jaurès propose une perception plus vaste de la conscience, débordant de l’individu pour s’unir à la conscience absolue. Il réfute l’idée réductrice d’un moi fermé et unique, en faveur d’une exploration de notre nature profonde. «
Dans les dix dernières pages de son livre, Jaurès s’efforce d’intégrer à son christianisme teinté de néoplatonisme les faits et les réflexions mis en circulation par le magnétisme et les sciences psychiques, et cela pour attaquer l’idée dominante d’un moi clôt [sic]
et monadique. La pensée occidentale dominante enferme le moi comme dans une prison, mais en réalité il déborde infiniment l’organisme individuel qui constitue son “pied à terre”, jusqu’à presque se confondre avec la conscience absolue. Bien qu’enfermé dans une enveloppe dure, le cerveau va jusqu’aux étoiles. Et parmi les phénomènes qui nourrissent ces conceptions, il y a ceux du magnétisme et de la métapsychique », explique Bertrand Méheust dans son essai
100 mots pour comprendre la voyance (éd. Empêcheurs de penser en rond, 2005).
À l’époque, cette pensée accompagnait le désir de changement d’une société aspirant à la paix et à l’empathie. De nos jours, le besoin est le même, et peut-être qu’une ouverture vers les nombreux messages que peuvent nous délivrer des champs subtils en connexion avec nos consciences serait bénéfique pour nous permettre une meilleure transition, plus responsable et emplie de compassion. Gageons que si nos responsables politiques y étaient plus ouverts, nous avancerions peut-être davantage. Jean Jaurès est mort assassiné par un nationaliste – qui sera acquitté de son geste – à la veille de la Première Guerre mondiale, qu’il avait tout fait pour empêcher.
Jean Jaurès écrit dans sa thèse
« Il y a dans l’homme des puissances extraordinaires et inconnues, qui sont nulles ou à peu près dans son état normal, mais qui se manifestent dans certains états que nous appelons anormaux. Il y a en nous un moi inconnu qui peut exercer une action directe sur la matière […], percer du regard l’opacité d’un obstacle et recueillir à distance à travers l’espace la pensée inexprimée d’un autre moi. »