S’il est un aliment emblématique de la civilisation humaine, c’est bien le pain. Mais à partir de quand la céréale est-elle cultivée et transformée en notre « pain quotidien » ? Si sa fabrication est intimement liée à l’essor de l’agriculture, au Néolithique, il est probable que des pains « primitifs » aient été confectionnés plus tôt encore, à partir de céréales sauvages… Le vin a quant à lui une histoire plus récente. Il y a huit mille ans, les premières vignes apparaissent dans le Caucase et la Mésopotamie. Trois mille ans plus tard, le raisin est cultivé en Égypte et en Phénicie, avant que les Grecs ne l’implantent en plusieurs points du bassin méditerranéen. Les progrès dans l’élaboration du pain et du vin ont accompagné le développement des grandes civilisations, si bien qu’une histoire commune s’est tissée, et qu’ils sont devenus indissociables dans de nombreux esprits et cultures.

Le pain du renouveau, dans l’Égypte ancienne

Dans l’Antiquité, la religion applique des codes à l’alimentation, qui est à la base des imaginaires religieux. Le pain est alors considéré comme une nourriture à la fois terrestre – pilier de la subsistance humaine – et céleste – symbole de vie. Dans l’Égypte ancienne, par exemple, il était honoré non seulement comme aliment de base, mais aussi comme offrande digne des plus grandes divinités. « Les Égyptiens de l’Antiquité ne connaissaient pas de ségrégation entre espaces ou activités économiques d’une part et lieux et gestes sacrés d’autre part », peut-on lire dans l’ouvrage de Marie-Lys Arnette, Religion et alimentation en Égypte et Orient anciens. Ainsi sacré et profane s’entremêlent-ils souvent : les réserves alimentaires sont notamment placées sous la protection de la déesse Renenout à laquelle on sacrifie gerbes de blé et cailles lors des moissons. Mais le pain ne saurait être dissocié du dieu Osiris : « C’est grâce à lui que le blé est arrivé sur Terre », nous dit Jacques Antonin, paysan-boulanger qui enseigne son amour du pain. Dans le Livre des morts, il est fait référence à la transformation symbolique du corps d’Osiris en grain, utilisé pour faire du pain, ce qui symbolise la résurrection et le renouvellement de la vie, des thèmes chers aux Égyptiens de l’époque. Aussi, le pain divin osirien, utilisé lors des cultes, était fabriqué à partir de blé, de levain et d’eau du Nil, et pouvait contenir de l’encens, de la myrrhe et des épices aux propriétés magiques. Le paysan-boulanger nous rappelle que les nombres – que lui-même intègre à la confection de son pain – ont leur importance, évoquant souvent les rythmes naturels. Le pain osirien était divisé en quatorze morceaux, évoquant la façon dont le corps d’Osiris a été démembré par son frère Seth. Isis, son épouse, rassembla les morceaux, ce qui permit à Osiris de retrouver la vie… Selon certaines interprétations, le chiffre 14 serait lié aux rythmes lunaires, pourrait représenter la dualité – l’addition de 7+7, le 7 étant associé à la perfection – ou symboliserait le cycle de mort-renaissance…

La vigne a quant à elle été cultivée en Égypte trois mille ans avant notre ère ! Elle est aussi associée à Osiris, qualifié de « seigneur du vin » pendant Ouag, la fête des Morts. Il y est également question de Chesmou, le dieu du pressoir… Dans les Textes des pyramides de l’Ancien Empire, le vin est décrit comme un élément majeur de la cérémonie d’inhumation, et la boisson des dieux. Il est souvent comparé au sang… cela vous rappelle peut-être quelque chose ?

La boisson des dieux, le pain de l’humanité

Les Grecs tenaient eux aussi le pain et le vin en haute estime. (...)