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Vivre
la
nuit
de
Pâques
dans
le
mystère
de
la
résurrection

En 2021 comme en 2020, la crise de la Covid-19 empêche les célébrations pascales d’avoir lieu normalement. Cet article nous invite à découvrir le déroulement classique d’une vigile pascale, afin de vivre l’expérience telle qu’elle est habituellement. Narration d’une veillée hors du temps, avec pour fil directeur une liturgie de la lumière célébrant la résurrection du Christ.
Vivre la nuit de Pâques dans le mystère de la résurrection
Savoirs ancestraux
Extérieur soir. De grands feux sont allumés par milliers devant les églises ouvertes de France et du monde chrétien. Ils n’annoncent pas l’été au feu de la Saint-Jean, mais la force du printemps dans une renaissance particulière. La liturgie de la lumière est annoncée. La cérémonie de la vigile – ou veillée – pascale peut commencer, qui célèbre la nuit du Samedi saint au dimanche de Pâques. C’est un feu créateur, unificateur, qui brûle en cet instant.

L’amour proche-oriental advient au crépuscule. Nous voilà plongés dans la matrice universelle et la communion des saints. Celle-ci désigne, chez les catholiques, l’union sacrée des terriens vivants et des âmes ressuscitées en une sphère subtile. C’est une communion qui se réalise, par intercession christique, dans un mouvement fraternel traversant l’espace et le temps.


Hors du temps terrestre


Les frontières entre la vie et la mort en deviennent plus fines, se dissipant dans une lueur immaculée. Il s’agit maintenant de prier pour celles et ceux que nous aimons encore, pourtant décédés et de nous recommander, si nous le souhaitons, à leur intercession comme à celles de saints canonisés et néanmoins familiers. L’espérance de Pâques suppose au moins cela : plonger, sans trembler, hors du temps terrestre, dans une lumière sainte au-delà de la mort.

Les croyants sont rassemblés autour du feu. Le prêtre bénit les flammes. Il allume un grand cierge pascal orné d’une croix rouge, année 2021. Nous voilà au cœur de la foi chrétienne. Un deuil profond va se muer bientôt en hymne de résurrection. Nous sommes un samedi soir sur la terre que Francis Cabrel ne renierait pas. Ni d’ailleurs Gaston Bachelard qui écrivait dans La psychanalyse du feu : « Avant d’être le fils du bois, le feu est le fils de l’homme. »

Les chrétiens entrent dans l’église en procession derrière le grand cierge pascal, placé près de l’autel en premier rôle de la cérémonie. Les fidèles y allumeront bientôt leurs cierges fins. Juste au-dessus de la croix rouge dessinée sur le grand cierge, la première lettre de l’alphabet grec ancien : alpha. Sous la croix, la dernière lettre : Omega. Le temps selon Dieu. Le Christ, alpha et oméga de l’Univers. Le verbe s’est fait chair, l’Esprit s’est incarné. Le même hier, aujourd’hui et demain. Déjà dans la soirée pascale, le temps s’écoule autrement. Retour vers nos futurs, il y a 2000 ans de ça.


La liturgie de la lumière et de l’amour


Comme le phœnix renaît de ses cendres, l’oiseau-tonnerre des Amérindiens – que l’on retrouve aussi dans la mythologie persane, chinoise et aborigène – le Christ, après sa mort, se manifeste en l’Esprit Saint. Le mot « Esprit », qui revient souvent dans le Nouveau Testament, est issu du grec ancien pneuma qui signifie « souffle ». L’Esprit Saint, c’est d’abord cela, un souffle d’amour qui ne s’essouffle jamais.

Car si Dieu est tout-puissant dans les trois monothéismes, il n’exerce son pouvoir que dans le mouvement de l’amour. La descendance du père des croyants, Abraham, devient alors « aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel » avec les trois grandes familles que constituent, chronologiquement, juifs, chrétiens et musulmans. Dans le vent d’Abraham, la résurrection du Christ transforme un lieu commun en réalité concrète : l’amour est réellement plus fort que la mort. Pour renaître, il s’agit alors d’aimer « son prochain comme soi-même ». Aimer par des actes de foi puisque « tout est possible à celui qui croit » (Marc 9:3), par des gestes d’amour au quotidien et des paroles chaleureuses au-delà des murs éphémères. « L’amour sans éternité s’appelle angoisse : l’éternité sans amour s’appelle enfer », résume le philosophe et écrivain Gustave Thibon. La cérémonie de la vigile pascale avance en intensité. Après la liturgie de la lumière vient celle de la parole. Le grand cierge pascal est posé sur l’autel. L’église est illuminée de toutes parts. Commence alors le récit de la création selon la Genèse (1:2) : « La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. » Mais de quelles eaux s’agit-il ?

« Ce sont les eaux de la matrice, l’encre avec laquelle il (Dieu) va écrire le monde », répond un expert de la kabbale dans un livre intitulé Le kabbaliste de Patrick Levy. « La terre était dans les ténèbres d’un vacarme informe, poursuit-il, sans consistance, comme l’encre qui est encore dans l’encrier n’est que matière brute avant de former des lettres. » C’est un peu l’encre des étoiles dont il est question ici. Depuis le Big Bang, plusieurs centaines de milliards d’étoiles ont, en effet, été créées dans notre seule galaxie, dont la lumière évolue encore. Mieux, des centaines de milliards de galaxies – contenant chacune des centaines de milliards d’étoiles – constituent aujourd’hui notre Univers, qui s’écrit en lignes de lumières dans le clair-obscur. Au fond, l’étoile est le cœur même de la résurrection pascale.

L’Esprit Saint, c’est d’abord cela, un souffle d’amour qui ne s’essouffle jamais.


Les catéchumènes, baptisés du feu divin


Les premiers constituants de la matière – protons et neutrons – sont encore aujourd’hui présents dans le noyau de nos atomes. L’alchimie nucléaire des premières étoiles massives a généré ensuite des éléments plus élaborés comme le carbone, l’oxygène ou l’azote, qui avec l’hydrogène forment aujourd’hui plus de 90 % de notre corps. Jusque dans nos atomes, nous sommes les enfants du ciel. En ce sens, la renaissance d’une âme humaine dans un corps de lumière, un corps glorieux – comme celui du Christ au dimanche de Pâques –, est un phénomène cohérent pour qui navigue en foi chrétienne. « Le Christ transfigurera notre corps pour le rendre semblable à son corps de gloire », annonce l’apôtre Paul (Ph 3,21).

La lumière de Pâques nous fait voyager au large. Nous sommes tous de passage sur la terre, inconscients ou conscients de ce temps éphémère. Et tous nous dormons sous les tentes de la Genèse : « La tente indique que le croyant est pèlerin et étranger dans ce monde, n’ayant pas de cité permanente mais recherchant celle qui est à venir », indique le site bibleenligne.com. Quant au souffle originel de Dieu, Patrick Levy, par la voix de son kabbaliste, le restitue ainsi : un souffle qui « incarne l’âme associée à la voix, la parole ou mieux, l’âme de la parole encore silencieuse qui va aller dans l’étendue ». Dans la cérémonie de la veillée pascale, sont lus sept textes de l’Ancien Testament consacrant nos origines. Ils ont pour thème le sacrifice d’Abraham, le passage de la mer Rouge, la Jérusalem nouvelle, le Salut offert à tous, la source de la Sagesse, le cœur et l’esprit nouveaux selon le prophète Ézéchiel.

La cérémonie suit son cours. Entrons maintenant dans la liturgie – ou séquence – baptismale. C’est pendant la vigile pascale que les jeunes et les adultes ayant demandé à l’Église catholique le baptême chrétien sont baptisés. Ils sont appelés catéchumènes. Après une initiation basée sur l’accompagnement humain et l’étude de textes sacrés, qui peut durer un an ou davantage, la ou le catéchumène est un jour en mesure d’être baptisé dans l’église du Christ. Impériale beauté de la personne plongée trois fois dans l’eau baptismale au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Instant de feu aussi, qui transmute une femme, un homme, en missionnaire ardent.

La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure.


La transsubstantiation au temps de la vigile pascale


Dans ce jeu céleste de l’amour sans hasard, plus on aime, plus on donne et plus on aime. Stéphane Loiseau, prêtre du diocèse de Versailles, docteur en philosophie et en théologie, résume ainsi la puissance baptismale : « Le baptême est le signe d’un dialogue amoureux entre Dieu et l’humanité. Dieu donne, nous répondons. Dieu redonne, nous répondons encore. Dieu continue de donner ainsi son Esprit, infiniment, et nous lui répondons encore et encore. » Par cette adoration divine, le réel prend la dimension de l’éternité : « Le réel ne cesse jamais d’être », souligne la Bhagavad-Gita, un des textes fondamentaux de l’hindouisme. De quoi exulter pour de bon.

Même au Sénégal, à l’extrême pointe ouest de l’Afrique, aux lisières du Sahara, alors que plus de 90 % de la population est musulmane, une petite minorité de chrétiens, essentiellement catholiques, célèbre le dimanche de Pâques en offrant à leurs voisins, chrétiens et musulmans, du ngalakh, ce plat à base de semoule de mil - parfumée au miel foncé de forêt ou de montagne et sans gluten -, de pâte d’arachide et de jus de baobab. D’autres esprits gourmands, saveurs de l’Occident, exulteront dans les tons du chocolat praliné.

Mais avant la résurrection, l’homme qui aime l’amour doit accepter la totalité de son destin, émaillé de souffrances parfois très difficiles à vivre et de joies simples comme un plongeon de juillet dans la Méditerranée. Dès lors il s’agit déjà, comme le souffle un haïku, de tomber sept fois, se relever huit. Après un deuil, une maladie, une agression, et donc une épreuve, il s’agit bien de renaître. « Suite à une crise individuelle majeure, la résilience se constitue en trois étapes : revenir, comprendre et avancer », souligne Stéphane Mouchabac, psychiatre à l’hôpital parisien Saint-Antoine. C’est avant tout cela l’espérance de Pâques : revenir d’une saison en enfer, comprendre pourquoi et comment elle est advenue, puis reprendre confiance et avancer en paix, joie chevillée au cœur.

Dernier temps de la vigile pascale : la liturgie eucharistique. Par un phénomène de transsubstantiation - la transformation d’une substance en une autre -, bien connu des catholiques et des orthodoxes, le prêtre insuffle le corps du Christ en présence réelle dans le pain, et dans le vin son sang. Les fidèles reçoivent l’hostie, petit morceau de pain azyme souvent rond comme la lune. Ce sacrement célèbre la mémoire de la Cène au Jeudi saint, à la veille de la crucifixion. Il annonce la folie de la croix et la joie de la résurrection. Voilà, c’est fini. La messe est dite. « Messe » vient du latin missa qui signifie « mission ». Déjà l’éclat du soleil pascal advient dans la nuit. L’amour sacrificiel abonde et surabonde, donnant raison à saint Augustin : « La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure. »

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propos

auteur

  • Benoit Helme

    Journaliste
    Ancien reporter social à Libération, je suis devenu un journaliste indépendant passionné par la presse écrite. Un rêve d'enfant au compteur numérique puisque j'ai voulu très jeune exercer ce métier. Une jolie profession en pleine effervescence qui permet de voyager aussi bien dans la géographie du monde que dans ses sphères sociales et spirituelles. Je suis aussi chanteur, guitariste et karatéka, pour rester à l'équilibre de ma performance spirituelle et physiologique. Je suis ravi de collaborer ...
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