Dans ses ouvrages, la théologienne Annick de Souzenelle met l’accent sur la vocation divine de l’homme, inscrit dans une voie spirituelle exigeante et joyeuse. Rencontre avec cette grande dame de 93 ans qui retrace ici son parcours et son œuvre, nourris des traditions juive et chrétienne.
Quand avez-vous eu l’intuition de votre vocation d’écrivaine et d’enseignante spirituelle ?
J’ai eu un besoin impérieux d’écrire, qui m’est venu de l’intérieur, mais je ne peux pas dire que j’ai eu une vocation d’écrivaine. Quand j’ai écrit
Le symbolisme du corps humain, je n’ai pas soupçonné que d’autres livres viendraient. J’ai cru que c’était le premier et le dernier. Pour ma vocation spirituelle, c’est tout à fait différent. Elle date de ma petite enfance, après la guerre de 1914-1918, où j’ai eu une sensation très aiguë de l’absurdité du monde. Pour moi, ça a été quelque chose de vraiment insupportable.
Après ça, ma famille s’est effondrée. Je suis allée en pension à l’âge de quatre ans et demi chez les bonnes sœurs, qui n’ont pas compris ma détresse.
Là, j’ai vécu une descente aux enfers, dans le sens terrifiant du terme, et en même temps j’ai vu une partie du monde divin. Je me suis investie dans l’Église romaine où j’ai beaucoup reçu, mais à quinze ans ça ne faisait plus le poids. C’était une Église terriblement moraliste, encore plus qu’aujourd’hui, très dure. Et surtout, pour laquelle la dimension symbolique était diabolique… ! J’ai quitté l’Église romaine et n’ai pas cessé de chercher. Jusqu’au jour où j’ai rencontré le père Eugraph Kovalevsky, un Russe orthodoxe. Je dois tout à cet homme. C’est lui qui m’a éveillée à la vraie spiritualité chrétienne, à une vraie mystique. Il disait toujours :
« Dieu n’est pas ceci, ni cela, il est au-delà. » Ce qui m’a permis de respirer.
Vous avez été infirmière anesthésiste, puis psychothérapeute. Que vous ont appris ces expériences ?
J’ai d’abord étudié les mathématiques, qui m’ont donné une très grande rigueur. Mais quand j’ai vu revenir tous ces êtres des camps de concentration à la fin de la Seconde Guerre mondiale, je me suis dit :
« Il faut les soigner. » Et je suis devenue infirmière anesthésiste. Je dis toujours :
« J’ai d’abord endormi les gens, maintenant j’essaye de les réveiller. » Je me suis mariée et j’ai eu deux enfants. Je suivais des cours de théologie orthodoxe avec le père Eugraph Kovalevsky. Puis j’ai rencontré un kabbaliste, Emmanuel Lévyne. Je me suis aussi beaucoup intéressée aux sciences humaines, à la psychologie, Jung plutôt que Freud. J’ai été psychothérapeute pendant très peu de temps parce qu’au même moment je découvrais l’hébreu et je commençais à donner des cours, ce qui me prenait tout mon temps. L’approche de la souffrance chez mes patients a été une expérience humaine importante. Ce qui me frappait, c’est que les malades se remettaient complètement aux mains des médecins, mais ne s’interrogeaient pas du tout sur les causes de leur maladie. Ils ne se prenaient pas en charge, ne se responsabilisaient pas non plus. Le médecin était le dieu. Il y avait là un transport des responsabilités et je sentais que c’était faux. Ça a beaucoup joué dans le travail qui s’est fait en moi autour du corps de l’homme, et qui a fait l’objet de mon premier livre.
Vous vous êtes convertie à l’orthodoxie en 1958. Un événement, une rencontre, sont-ils à l’origine de cette décision ?
Ma rencontre avec le père Eugraph Kovalevsky a été déterminante pour moi. Il désirait nous réenraciner dans le christianisme occidental du premier millénaire où l’Église était alors indivise. C’est alors toute la puissance de l’Esprit Saint qui nous pénètre que je retrouvais avec lui. Cela résonnait avec l’expérience que j’avais faite enfant. Cette rencontre se fit grâce à une femme clairaudiente qui, en me voyant, me dit :
« On vous attend à Paris, boulevard Blanqui. » Là se trouvait l’église où officiait le père Eugraph Kovalevsky. Pour moi, c’est le monde des anges qui a parlé par cette femme. Les anges tiennent une grande place dans ma vie. Et cette femme en était un !
Bio express
Ancienne infirmière et psychothérapeute, Annick de Souzenelle est l’auteure d’une œuvre inspirée qui repose sur sa foi chrétienne orthodoxe et sur la lecture de la Bible à partir de la symbolique des lettres hébraïques et de la psychologie jungienne. Elle a également fondé, avec Agnès Desanges, l’Institut d’anthropologie spirituelle, à Angers, où elle transmet son enseignement.
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