Le plus grand domaine d’application des perceptions extrasensorielles reste celui du soin et du développement personnel. En effet, tout accompagnement médical, thérapeutique ou spirituel peut considérablement s’enrichir d’éventuelles informations intuitives et bon nombre de professionnels ne cachent pas qu’ils écoutent souvent leur sixième sens. Plus encore, certains choisissent sciemment de développer leurs capacités perceptives en se formant aux approches psycho corporelles, transpersonnelles ou autres pratiques favorisant l’émergence de l’extrasensorialité. Et bien sûr, il faut compter la frange de praticiens qui travaillent spécifiquement avec ces ressources : les voyants, les guérisseurs, les chamanes. Quoi qu’il en soit, tous doivent inévitablement faire face à une difficulté : comment savoir que ce qui est capté est juste ?
« Il faut s’ancrer dans la présence », répond Thierry Janssen.
Pourquoi est-il si essentiel pour vous de revenir à la présence, particulièrement lorsqu’il s’agit d’aborder les perceptions extrasensorielles ?
Dans mon expérience, les perceptions que nous qualifions d’extrasensorielles sont souvent le fait d’une hypersensibilité associée à une capacité accrue d’intégrer les informations perçues. Je parlerais donc plus volontiers d’hypersensorialité que d’extrasensorialité. Plus nous sommes présents à ce qui est, plus nous développons notre attention et notre sensibilité. Notre cerveau reçoit alors un nombre plus important d’informations venant de nos cinq sens qu’il analyse sans que nous en soyons conscients. Cela va générer des émotions agréables ou désagréables associées à des sensations corporelles et, parfois, à des images mentales. C’est ce que l’on appelle l’intuition. L’intuition n’est rien d’autre que le traitement non conscient d’une grande quantité d’informations débouchant sur la genèse d’émotions. Or nos émotions se manifestent dans le corps. Ainsi, en plus de développer la sensibilité qui augmente nos capacités intuitives, le fait d’être très présent à ce qui est permet de mieux sentir ce qui se passe dans notre corps et donc de mieux écouter nos intuitions.
N’existe-t-il pas de perceptions qui ne passent pas par les cinq sens ?
En d’autres mots : existe-t-il des perceptions véritablement « extrasensorielles » ? Existe-t-il un sixième sens qui ne serait pas l’intuition mais plutôt la perception d’une autre dimension ? C’est une grande interrogation. Certaines personnes « captent » effectivement des informations très précises : des images, des odeurs, des sons, des paroles même, qui s’avèrent en lien avec une réalité à laquelle la simple sensibilité de leurs cinq sens et leurs capacités intuitives (au sens classique du mot) ne peuvent pas avoir accès. Cependant, même dans ces cas, la manière dont ces perceptions apparemment extrasensorielles sont conscientisées passe toujours par un des cinq sens que sont le goût, l’odorat, l’ouïe, la vue et la sensation kinesthésique (le toucher). Ici aussi, la qualité de présence semble déterminante. Il est possible que celle-ci ouvre d’autres canaux de perception qui permettent d’avoir accès à l’information sous d’autres formes, électromagnétique par exemple. Mais ceci est une hypothèse. Il faut être prudent lorsque l’on avance des explications.
Peu importe l’explication, ces phénomènes de perception semblent exister
Certes, ils existent. Cependant, plus la science progresse, plus les mécanismes impliqués dans notre hypersensorialité s’avèrent liés aux capacités de notre cerveau. Ainsi, par exemple, l’empathie – notre capacité à éprouver le vécu émotionnel d’autrui tout en faisant bien la différence avec le nôtre – semble reposer sur la présence de « neurones miroirs » qui reproduisent dans notre cerveau ce qui se joue dans le cerveau de la personne qui est en face de nous. Ici aussi, la présence est très importante et permet sans doute d’activer ces mécanismes neuronaux. Cela n’exclut pas que d’autres processus soient en jeu également et simultanément. Il existe une véritable résonance physique et énergétique entre les êtres et nous sommes loin d’avoir compris comment elle se met en place. Une chose est certaine : plus nous sommes présents à nous-mêmes et à autrui, plus cette résonance se produit.
Comment être présent ?
En laissant la conscience s’éveiller. Cela suppose d’apaiser le mental. Car le mental pense : il analyse, il interprète, il commente, il juge, il se souvient du passé, il imagine le futur. La conscience ne pense pas, elle constate tout simplement, elle est présente à l’instant. Nous sommes conditionnés à penser. Nous projetons nos pensées sur la réalité, cela nous empêche de simplement percevoir ce qui est présent. Dès que la conscience s’éveille, les perceptions s’affinent au point de devenir « extraordinaires ». Extraordinaires en ce sens qu’elles sont plus subtiles et plus intégrées que celles que nous avons dans notre vie ordinaire. C’est ce que découvrent les nombreux soignants, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, psychothérapeutes, ostéopathes et autres praticiens de médecines non conventionnelles qui fréquentent l’École de la présence thérapeutique (EDLPT). Au début, ils sont surpris, ils ont vraiment l’impression de se réveiller. Outre l’empathie et l’intuition, certains développent de véritables capacités « extrasensorielles » ou « hypersensorielles » – ce que la physicienne et guérisseuse Barbara Ann Brennan appelle un « Haut Sens de Perception ».
Il existe entre les êtres une véritable résonance physique et énergétique.
Certains de vos élèves expliquent que vous leur apprenez à écouter le silence en eux-mêmes.
Le silence est l’essence même de la présence. Écouter le silence de la pure conscience et même devenir ce silence. Cela s’apprend par la méditation. Il ne s’agit pas simplement de méditer « en pleine conscience » (
mindfulness ) car être attentif à ce qui est fait encore partie des activités du mental (
mind ). Il faut pouvoir aller au-delà du mental dans la simple constatation. Cela nous projette dans l’espace paisible et silencieux de la conscience.
Comment définissez-vous cet espace ?
C’est un espace vide et rempli de tous les possibles. Les bouddhistes, qui sont des experts de la conscience, l’appellent « la vacuité », la nature ultime de la réalité. L’espace source où tout naît et où tout disparaît. Intuitivement, je l’assimile au vide quantique dont nous parlent les physiciens. Je crois que l’on peut formuler l’hypothèse que le fait d’être silencieux et de ne pas laisser le mental projeter toutes sortes d’images et de pensées dans l’espace de la conscience permet d’accéder aux informations passées, présentes et futures qui sont présentes dans ce champ de potentialités.
Avez-vous déjà eu vous-même accès à ce genre d’informations ?
Il y a quelques années, je percevais beaucoup d’images dont le contenu s’avérait lié à des informations dont je n’avais pas eu connaissance auparavant. Je « voyais » des personnes décédées, les membres d’une famille, des grossesses débutantes ou des maladies encore non diagnostiquées. J’entendais des voix aussi, ma propre voix qui me « révélait » des informations inattendues. Je ne pouvais pas douter de l’information perçue car celle-ci était accompagnée d’un ressenti corporel tout à fait particulier. Du même ordre que si vous devez vider votre vessie, vous pouvez prétendre le contraire mais votre corps « sait » que la vessie est pleine et que cette information ne peut pas être niée. Avec le temps, les perceptions visuelles ou auditives se sont espacées et, aujourd’hui, l’information me vient sous la forme de certitudes immédiates (
direct knowing, disent les Anglo-Saxons) qui, après vérification, s’avèrent très souvent pertinentes et utiles.
Et que faites-vous de ces informations ?
J’évite d’en parler aux personnes concernées. Car je ne veux pas induire des croyances chez autrui. Je ne veux pas non plus être perçu comme un être doué de capacités particulières qui me donneraient une sorte de pouvoir sur les autres. Cela serait contre-productif et, j’en suis persuadé, je perdrais l’accès à ces précieuses informations. Tout cela ne peut servir l’ego. Au contraire, il faut que l’ego soit totalement absent pour être vraiment présent et percevoir au-delà de l’ordinaire. C’est la raison pour laquelle, depuis la nuit des temps, les guérisseurs et les chamanes s’en remettent à des « forces » qui sont en-dehors d’eux et ne revendiquent jamais à titre personnel les guérisons qu’ils ont aidées à se produire.
« Le silence est l’essence même de la présence. Les bouddhistes, qui sont des experts de la conscience, l’appellent “ la vacuité”, la nature ultime de la réalité. »
Cela veut-il dire que vous ne parlez pas de ce que vous percevez ?
Exactement. Je considère l’information perçue comme une aide, une sorte de guide pour mieux danser avec la personne qui est en face de moi. Je me contente donc de poser des questions en essayant de ne pas orienter les réponses. Cela demande de rester très présent, simplement conscient, silencieux, sans a priori et sans attente. Alors certaines choses se révèlent de façon quasi magique chez autrui et cela enclenche des processus de guérison psychique et même physique parfois très spectaculaires. J’insiste beaucoup sur le fait que ces perceptions ne sont absolument pas réservées à des êtres particuliers. Bien sûr, certaines personnes sont plus ou moins prédisposées à vivre ce genre d’expériences. Et dans certaines cultures traditionnelles et chamaniques, il est plus facile de les vivre car elles sont considérées comme normales. Mais chacun de nous peut, s’il est vraiment présent et totalement silencieux à l’intérieur, accéder à beaucoup d’informations. Cela ne se commande pas mais on peut créer les circonstances favorables pour que cela puisse se produire plus facilement et plus fréquemment.
Comment avez-vous développé votre hypersensorialité ?
Lorsque j’étais enfant, je passais beaucoup de temps à simplement contempler le monde. J’étais relié au silence intérieur et j’avais une sensibilité extrême. Lorsque j’ai commencé mes études de médecine, cette sensibilité a beaucoup diminué. Mon mental prenait beaucoup de place alors. Puis, en 1998, j’ai vécu une fulgurance de conscience qui m’a reconnecté au silence intérieur et j’ai « entendu » une voix – ma propre voix – qui m’a dit que si je n’arrêtais pas mon métier de chirurgien sur-le-champ, j’allais mourir. C’était tellement clair et puissant. J’ai arrêté directement. À partir de ce moment-là, ma sensibilité s’est réactivée, je me suis mis à écouter mes intuitions et j’ai été propulsé dans une série de
« heureux hasards » et de synchronicités qui m’ont conduit jusqu’à la
Barbara Brennan School of Healing, à Miami.
Qu’avez-vous trouvé là-bas ?
Un espace pour explorer la conscience. Cette école est une école initiatique dans le sens où elle n’enseigne pas de théorie mais propose de faire des expériences. J’y ai effectué un important travail personnel et spirituel. L’environnement y était un peu trop New Age pour moi, mais j’éprouve une grande gratitude pour avoir pu fréquenter un tel endroit.
C’est ce que vous avez voulu reproduire dans l’École de la présence thérapeutique ?
Oui, mais sans les références de la culture New Age. Le chemin que j’ai parcouru depuis m’a amené à considérer deux voies expérientielles (et donc initiatiques) complémentaires qui me paraissent indissociables. La première : un travail psychocorporel et énergétique pour observer, comprendre et déjouer les processus qui construisent le moi – ce moi qui dit « je » (
ego en latin). La seconde : un travail spirituel basé sur la méditation de pleine attention, l’ouverture du cœur et la plongée dans le silence intérieur afin de permettre l’effacement de l’ego et découvrir ce que l’on appelle le Soi, non pas « notre Soi » mais « le Soi » – la pure conscience, la dimension non personnelle et universelle de l’être, la source paisible, silencieuse et aimante d’où émergent toutes les guérisons.
Bio express
Médecin, chirurgien et auteur de nombreuses publications scientifiques, Thierry Janssen change de vie en 1998 pour se tourner vers une approche plus globale de la santé. Il se forme à la Barbara Brennan School of Healing, devient psychothérapeute, écrit sept ouvrages
dont La Solution intérieure et, en 2015, fonde L’École de la présence thérapeutique à Bruxelles.