Franck Lopvet est un auteur inattendu, à l’inspiration décalée et vivifiante. Dans cet extrait choisi de son nouvel ouvrage, Ton autre vie, il disserte sur la quête permanente du bien, du mieux-être. Quitte à sacrifier sa propre liberté de choix et d’existence. Quelle est la place de la morale, de la culpabilité dans nos choix ? Comment avancer dans la vie avec la bonne énergie, le bon moteur ?
Art de vivre
Jeremy Bishop
Ce fonctionnement manichéen qui consiste à tout classer en noir ou en blanc, en bien ou en mal, peut avoir des conséquences désastreuses.
Nous avons, suite à notre éducation, nos conditionnements et notre hérédité, adopté un fonctionnement qui nous est propre. Une façon très personnelle d’être la vie. Une façon d’appréhender le réel, un angle de vue que l’on pose sur la vie. Ceci fait de nous des êtres singuliers. De toujours tenter de nous ranger du côté de ce que nous appelons le « bien » nous demande d’abdiquer cette singularité.
Nous allons ainsi souvent, inconsciemment, choisir l’action qui fera de nous une « bonne personne » plutôt que celle nous permettant de jouir d’être nous.
Au bout d’un moment, nous devenons incapables de différencier notre fonctionnement naturel de ce que la morale attend de nous. Nous finissons par penser que ce sont nos choix. Que nous sommes tout simplement le bien. Nous ne pouvons plus savoir ce qui est de notre ressort, ce qui découle de nos décisions profondes.
Incarner le bien, être « bien vu », ne pas faire le mal, voilà ce qui nous guide.
Nous pourrons ainsi obtenir l’approbation, et une fois de plus, être dans le « bon camp ». Nous pourrons justifier nos actes et nos manquements, au nom du bien. Ceci est une sclérose du personnage qui n’a plus d’autre option que de s’autovalider dans ses propres postures. Même si elles le font souffrir. Surtout si elles le font souffrir. Être du côté des pauvres, des déshérités, des « laissés-pour-compte », de ceux qui tiennent le coup malgré tout, des opprimés, est une valeur sûre. Une valeur refuge.
Cette sclérose est le fruit du rejet de notre liberté. Nous ne pouvons plus être nous. Il ne reste plus qu’un choix. Le bon. Le bien.
Je pense que nous préférons avoir la possibilité d’avoir raison que d’accepter la responsabilité de nos existences.
Nous n’avons plus besoin de nous guider à l’intérieur par le choix sans cesse renouvelé de répondre à nos besoins, nos pulsions ou nos désirs. La morale se charge de dicter nos choix. Le bien nous rappelle ce que nous devons être ou ne pas être. Pour encore beaucoup d’entre nous, nous pensons encore être des « pécheurs » de naissance. Que le mal nous habite. Que nous devons nous purifier, nous élever, nous nettoyer. Bien sûr, nous n’aurions peut-être pas choisi ce mot de « pécheur », trop connoté catholique, mais je parle de l’énergie qu’il contient. Cette énergie peut prendre plusieurs formes.
Lorsque j’étais petit, je croyais qu’il fallait que je sois plus rapide, que je saute plus haut, que je sois plus fort, plus intelligent, plus malin, pour être aimé. Je croyais devoir faire un effort, me dépasser, pour avoir droit à l’amour de mon père. C’était cette croyance qui était active. Je pensais que j’étais un problème à cacher. Je devais sûrement déjà penser qu’on devait « mériter son ciel ». Je ne pouvais pas mettre de mot là-dessus, bien sûr, mais je me souviens parfaitement de la tension constante. La peur d’être démasqué comme étant une mauvaise graine.
Persévérant dans cette idée que j’étais à perfectionner, jeune adulte, je me suis tourné vers les religions. Dans nos églises, j’ai appris que j’étais un pauvre « pécheur ». Que Dieu était amour, mais n’aimait pas tout le monde. Que je devais me méfier de mes besoins et de leur agressivité. De mes pulsions et de leur perversité. De mes désirs et de leur égoïsme.
Plus tard sur le chemin, j’ai cherché en Orient et j’y ai trouvé de belles choses. Mais là encore, je devais me méfier de moi. Je devais transcender l’ego et dépasser le mental.
Et pour moi, tous ces préceptes se sont empilés. Je n’en pouvais plus de cette quête interminable. De ce constant besoin de m’améliorer. Devenir mieux ou devenir plus.
Aujourd’hui, je suis encore indigné lorsqu’un marchand de bonheur nous explique une fois de plus comment nous développer, comment nous purifier, comment devenir bien. Être bien. Être mieux. Le bien-être. Le mieux-être.
Un jour, alors qu’il a 7 ans, mon fils rentre de l’école. Il me regarde droit dans les yeux et me dit, d’une petite voix assurée : « Papa, je suis nul ! » Cela m’a fait l’effet d’un coup au cœur. Que mon fils ait déjà accepté cette vision de lui me rendait malade. Sa mère et moi avons été tellement choqués que nous avons immédiatement pris la décision de le retirer de l’école.
Cette mésaventure m’a emmené à me demander quel genre de contrat il pouvait y avoir entre mon fils et moi. Pourquoi était-il mon fils et pourquoi étais-je son père ?
Plongeant ainsi dans la relation, mon ressenti était très clair. J’étais son père pour ma capacité à me tenir devant lui afin qu’il puisse grandir à sa façon, à l’abri, derrière moi. Je me suis aperçu que, pris par mes propres besoins de devenir plus, j’en avais oublié un de mes devoirs les plus fondamentaux : protéger mon fils.
À compter de cette aventure, j’ai pu me placer devant lui et tenir à distance quiconque voulait le rendre « normal ». Si je souhaitais un autre monde, il fallait bien que mes enfants puissent pousser autrement.
Si je vous raconte tout ça aujourd’hui, c’est tout simplement parce que ça m’a fait prendre conscience que je pouvais également me tenir devant moi, le petit moi à l’abri derrière. Et qu’il était hors de question qu’on lui fasse encore croire qu’il devait s’améliorer ou devenir autre chose que ce qu’il est.
J’ai pris la décision d’être ce genre de parent pour moi-même : je ne laisserai quiconque laisser croire au petit Franck qu’il est un problème à résoudre.
L’idée n’est pas de ne jamais se remettre en cause. L’idée n’est pas de devenir un bloc de certitudes. Je reste ouvert à la découverte des multiples facettes dont je suis encore ignorant. Mais en aucun cas dans une démarche visant à tordre, corriger ou améliorer qui je suis, afin d’en faire une « bonne personne ».
Je ne suis pas une bonne personne, je suis un être humain.
L’humain n’est pas un problème à résoudre. Nous avons une drôle de conception de l’humain. Nous en faisons parfois un être dominé par ses bas instincts que l’on doit civiliser. Et, parfois, nous nous croyons tellement civilisés que nous en devenons présomptueux. Arrogants au point de nous croire au-dessus de la nature.
Nous n’avons pas fini de nous extasier devant l’incroyable intelligence de la nature. Que ce soit par la conception prodigieuse de l’œil d’une libellule ou par la reproduction du pissenlit, nous sommes constamment en contact avec cette perfection. Cette planète et tout ce qui y vit sont soumis à une ahurissante et parfaite danse des particules au point que nos meilleurs chercheurs n’en sont qu’au balbutiement des trouvailles à venir. Bref, tout est parfait sur cette planète, sauf l’être humain.
Pour l’humain, il faut des temples, des églises et des normes pour en corriger l’imperfection.
Imaginons un instant qu’un arbre se prête à ce jeu de dupes. Il est là, planté dans sa clairière, par un matin d’avril. Et il dit à un arbre à côté de lui : « Je ne sais pas ce que j’ai en ce moment, mais je trouve que je n’ai pas assez de bourgeons. Je crois que je m’autosabote. Je crois que j’ai un blocage. Mais je connais quelqu’un qui va m’aider à être plus beau. » Je vous laisse apprécier l’incongru de la situation.
Mais le revoilà quelques mois plus tard, au cœur de l’été : « Je me sens vraiment bien, j’ai beaucoup travaillé sur moi. Je sens que j’avance bien ces derniers temps. » Et de se rouler dans son autosatisfaction.
Vient l’automne, les feuilles commencent à tomber. Et le voilà qui recommence : « Je ne sais pas ce que j’ai, j’ai impression que tout ce que je construis finit toujours par s’écrouler. Peut-être que je ne suis pas autorisé au bonheur. Je me sens pris dans une boucle. C’est toujours la même chose à cette période. »
Puis vient l’hiver… La litanie reprend : « Je crois que quelque chose est mort en moi, je suis fatigué. Je suis dans une forme de non-vie. Je voudrais juste exister. Je crois que je traverse la nuit noire de l’arbre. Je suis perdu. »
Enfin revient le printemps. Et notre arbre est de retour : « Je suis passé par une drôle de phase cet hiver. J’ai pris conscience de beaucoup de choses. J’ai pas mal de projets. J’espère que cette fois je ne vais pas me tromper. »
Etc.
Si je raconte cette histoire, qui j’espère vous aura au moins fait sourire, c’est parce que je crois que si nous changeons, ça n’est pas grâce ou à cause de nous. C’est tout simplement parce que nous sommes la vie. Que nous sommes soumis aux saisons, à l’évolution naturelle, comme toute la création.
Il pourrait être judicieux de résister au besoin de s’attribuer les bons et les mauvais points d’un phénomène qui nous dépasse et nous englobe. Nous sommes soumis à la perfection de ce monde. Même si nous avons du mal à nous prendre tel que nous sommes. Cessons de nous améliorer, de chercher à devenir plus.
Si vous n’êtes plus le même qu’il y a un an, d’une manière que vous jugez positive, ou négative, c’est parce que vous êtes la vie. Nous ne sommes pas en vie. Nous sommes la vie.
Ne perdons pas de vue un point essentiel : chaque mouvement, dans notre vie, nécessite un moteur. Derrière nos tentatives d’accélérer artificiellement notre croissance se cache la mésestime de nous-mêmes.
C’est en ayant pour moteur « Ce que je suis maintenant ne convient pas » que nous espérons améliorer la situation. Vous avez compris que si je souhaite me transformer, c’est que ce que je suis maintenant ne me convient pas.
Nous verrons plus loin comment cet état vibratoire est loin d’être la prédisposition idéale à jouir de la vie. Vouloir s’aimer plus en ayant comme moteur « Je ne peux pas m’aimer ainsi » est une hérésie.
Lorsque nous faisons exister un futur imaginaire, dans lequel tout ira mieux, nous créons ce que j’appellerai l’« état désiré ». L’endroit où nous nous tenons maintenant s’appellera l’« état présent ».
Évidemment, plus il y a d’écart entre l’état présent et l’état désiré, plus il y a de frustration ressentie. Augmentant ainsi notre désir d’évoluer. Alimentant ainsi un cercle vicieux de pseudo-évolution. Exactement comme un enfant de 2 ans qui, cherchant à se saisir de son ballon, shoote dedans alors qu’il se penche pour l’attraper.
Lorsque je me suis vu pris dans ce cycle sans fin, je me suis dit qu’il devait y avoir une solution naturelle. Une fois de plus, c’est un arbre qui avait la clef.
Les choses sont parfois tellement simples qu’elles nous échappent. Un arbre pousse toujours à l’endroit où « ça pousse pour lui ». Cela peut vous paraître évident, mais on oublie parfois que là où nous voyons un arbre, il y a d’abord eu une graine. Si cette graine a pu devenir un arbre, c’est parce qu’elle se trouve à l’endroit parfait où elle va trouver, dans son sol, et dans son ciel, l’énergie nécessaire à son développement. À un autre endroit, sur un autre sol et sous un autre ciel, la graine n’aurait pas poussé.
Un arbre se tient toujours à l’endroit où se trouve l’énergie qui lui est destinée. Pour chacun d’entre eux existe l’endroit parfait où toutes les conditions sont réunies pour son développement naturel.
Il n’y a pas d’arbre mieux qu’un autre. Un arbre tordu, malingre ou resplendissant est toujours l’arbre qu’il est. Si une graine n’est pas à l’endroit où « ça pousse pour elle », il n’y aura tout simplement pas d’arbre.
On pourrait donc dire que, d’une manière générale, pour chaque arbre qui existe, il y a eu une rencontre entre une graine et des coordonnées géographiques extrêmement précises. Pour chacun de ces êtres vivants, il est un endroit, son endroit, où « ça pousse pour lui ».
À cet endroit, et tout au long du cycle que l’on peut appeler sa « vie », cet arbre trouvera dans ses racines et dans sa ramure l’énergie que la planète lui destine. Les nutriments, la lumière, l’eau, la chaleur nécessaires à son existence lui parviendront naturellement jusqu’à la fin du cycle. Cet arbre n’a pas besoin de se déplacer, de gagner sa nourriture, d’être un bon arbre pour mériter l’amour de la mère-terre. Il se tient simplement à l’endroit où « ça pousse pour lui ». Simplement. Naturellement.
Pour nous, humains, une fois de plus, le modèle peut s’appliquer. Il est un endroit où « ça pousse pour nous ».
Il ne s’agit pas, heureusement, de coordonnées géographiques. Nous sommes des êtres humains. Nous ne sommes pas des « faire humains ». Nous ne sommes pas des « avoir humains ». Mais des « êtres humains ».
L’endroit précis où « ça pousse pour nous » est donc un état d’être. Un état d’être très précis, particulier.
Je pourrais décrire cet état d’être comme étant la conjugaison de l’état présent et de l’état désiré.
C’est-à-dire que l’endroit où « ça pousse pour moi » est l’état d’être que je ressens lorsque mon état désiré devient mon état présent. Et ça marche dans l’autre sens : lorsque mon état présent devient mon état désiré.
Clarifions. Lorsque je reconnais être maintenant la personne que je désire le plus être au monde, je rejoins cet état.
Ce que je suis maintenant, l’être blessé, malmené, avec ses vides et ses pleins, ses forces et ses faiblesses, est celui que je désire le plus être. C’est l’humain que j’aime.
Franck Lopvet, Ton autre vie, éditions Eyrolles, 2021, p. 65-74
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