Internet a pris les commandes de nos vies, notre mobile est devenu le prolongement de notre main, les réseaux sociaux accaparent une part sans cesse croissante de notre attention et de notre temps. Sommes-nous assez lucides sur nos faiblesses psychologiques pour nous sentir libres de notre consommation ?
Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, Snapchat et les autres comptabilisent plus de 4,2 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde selon les dernières statistiques de 2021 (We Are Social et Hootsuite – Digital Report 2021 France). Soit près de 54 % de la population mondiale, autrement dit plus d’une personne sur deux. Incontestablement, c’est l’activité la plus populaire sur la toile. Et cette adhésion vertigineuse ne cesse de progresser partout. En France, on atteint aujourd’hui 49,6 millions d’adeptes, soit près de 76 % de la population avec, en tête des réseaux sociaux les plus utilisés, Facebook qui aspire près de trois personnes sur quatre, puis YouTube, suivis par WhatsApp, Facebook Messenger, et Instagram.
Le documentaire réquisitoire
Derrière nos écrans de fumée sorti sur Netflix le 9 septembre 2020 explore cette montée en puissance et met en garde contre les dérives de ces algorithmes. Porté par d’anciens dirigeants, fondateurs et ingénieurs de ces géants du web, ce cri d’alarme écrit et réalisé par Jeff Orlowski décrypte un modèle économique pervers, dont les outils sont fondés sur la capture de l’attention et alerte sur les effets de la dépendance aux réseaux sociaux ainsi qu’aux smartphones, comparés à des « tétines numériques ».
«
On est passé d’un environnement où les inventions étaient de simples outils à un environnement où elles favorisent l’addiction et la manipulation. Les réseaux sociaux ne sont pas des outils qui attendent d’être utilisés comme le vélo, ils ont leurs propres objectifs et pour les atteindre, ils utilisent des techniques de psychologie contre nous », explique le réalisateur.
En chiffres
4,2 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde
en 2021 soit 54 % de la population mondiale utilisent les réseaux tels que Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, Snapchat et les autres.
49,6 millions d’adeptes en France, soit 76 % de la population.
1h41 par jour en France, le temps de connexion aux réseaux sociaux enregistré en 2020.
4h par jour aux Philippines et au Brésil, plus de 2 heures aux États-Unis.
7,5 millions de Facebook dans le monde avaient moins de 13 ans en 2011 et plus de
5 millions avaient moins de 10 ans.
Capturer l’attention
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Combien de votre vie êtes-vous prêts à nous donner ? », interroge le documentaire. Autour de 4 heures par jour aux Philippines et au Brésil, plus de 2 heures aux États-Unis et très exactement 1 h 41 en France, le temps de connexion aux réseaux sociaux enregistré en 2020 est impressionnant. Pour information, deux heures quotidiennes passées à dérouler les fils d’actualité mises bout à bout, cela revient à un mois complet. Nous n’en avons pas toujours conscience, mais la réalité est là : petit à petit les écrans consument notre temps, et le temps c’est de l’argent pour Facebook, YouTube et les autres. Le film révèle ce que nous savons déjà, en partie tout du moins, mais que notre conscience réprime : les réseaux sociaux exploitent les faiblesses et vulnérabilités psychologiques humaines en usant de procédés fins de psychologie dans le but de capturer et de se nourrir de l’attention de chacun. «
Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie », l’un des repentis de la Silicon Valley cite la troisième loi de Clarke. «
Le principe est d’utiliser ce que l’on sait de l’esprit humain et des techniques de persuasion pour le retranscrire dans les nouvelles technologies. » Renouvellement constant du flux d’information, défilement infini appelé dans le langage numérique
scrolling, notifications à répétition, trois petits points qui clignotent lorsqu’un interlocuteur rédige un message... tout est étudié pour nous garder le plus longtemps possible sur l’écran de nos smartphones. La finalité est d’induire un changement comportemental, de créer une habitude inconsciente, un conditionnement, et ainsi de maîtriser cette attention en vue d’en extraire de la valeur : données personnelles, audience...
«
Si vous ne payez pas pour le produit, c’est que vous êtes le produit. » Chaque seconde passée sur ces applications faussement gratuites augmente non seulement leurs profits grâce à la publicité vendue mais, plus pernicieux encore, est un moyen d’influencer nos actions et même notre façon de voir le monde. «
Ils exploitent notre vulnérabilité [...]. Ils rentrent au plus profond de notre cerveau et de notre inconscient pour changer notre façon d’agir et de penser, un changement graduel et imperceptible de notre comportement et de notre perception du monde qui se fait par étapes », affirme l’un des interviewés. (...)