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Colonne
vertébrale
:
être
soi
parmi
le
monde

Comment se fait-il que nous soyons de plus en plus nombreux à souffrir de mal de dos ? Pouvons-nous y voir une difficulté à déployer nos potentialités d’êtres humains, dignement debout entre terre et ciel ? Mettant au défi nos structures, extérieures comme intérieures, le contexte actuel semble nous rappeler à l’urgence de revenir « dans notre axe », avec souplesse, tendresse et souveraineté.
Colonne vertébrale : être soi parmi le monde
Santé corps-esprit
Le mal de dos est l’un des grands fléaux de notre siècle ! Neuf Français sur dix ont été ou sont toujours concernés, et chez 70 % des personnes sujettes, c’est une pathologie au long cours. En outre, la crise de la Covid-19 et le confinement n’ont rien arrangé : 41 % des personnes atteintes de lombalgie ont déclaré que leurs douleurs s’étaient aggravées entre 2020 et 2021. Si un mode de vie trop sédentaire, fait de postures non physiologiques, de stress et de mauvaise alimentation peut y être pour quelque chose, nous pouvons aussi chercher un sens plus profond. Un appel de notre corps, et plus particulièrement de notre axe central, à refaire alliance avec lui pour pouvoir enfin offrir au monde le « secret sacré » de notre unicité ressentie, déployée et assumée ? Car il semble que ce soit bel et bien ce à quoi nous invite notre colonne vertébrale qui, en s’étant érigée vers le ciel, nous a distingués des autres mammifères. Étonnante bipédie qui sépara il y a près de quatre millions d’années les premiers hominidés du reste de la famille des grands singes, libérant pleinement leurs mains, élevant leur regard vers l’horizon et les étoiles, et changeant par la même occasion l’orientation du bassin et de la tête qui se tournent alors vers le firmament, telles des coupes réceptives !

Pour certains, les os seraient le siège de l’âme immortelle et la colonne l’axis mundi, le pilier céleste, l’échelle de Jacob ou encore l’Arbre de vie à partir duquel déployer notre verticalité « dans un sens autre que purement physique », nous rappelle Annick de Souzenelle. « Essence de l’homme, cette colonne l’érige au-dessus du reste du vivant, dans une aspiration sans fin vers et par le Père. Elle est aspiration au Divin », écrit-elle. Ainsi les maux de notre dos peuvent-ils être comparés à une poussée de sève qui nous rappelle au germe de l’essentiel placé en nous-mêmes et à la croissance de notre arbre intérieur vers sa plus belle floraison. Dans la douleur ou le plaisir, notre corps nous envoie sans cesse des messages, et si nous savons y être attentifs et collaborer avec lui, il est fort probable qu’il nous conduise vers notre plus belle destinée.


Une échine souple et solide à la fois


Voyons de plus près de quoi est constituée cette colonne censée soutenir le plus beau déploiement de notre être. « Peu de gens ont réellement conscience de sa réelle épaisseur et importance », nous partage Nicolas Bernard, fondateur avec son épouse Anne-Ena de l’Approche des 9 Souffles, « et cela va certainement de pair avec le fait que peu de gens vivent réellement dans “leur axe”. Véritable flûte articulée, souple et solide à la fois, c’est une zone étonnante qui, dans son ondulation, devrait nous conduire à offrir notre propre musique au monde sans l’imposer, à danser avec lui. » Constituée de 33 vertèbres empilées les unes sur les autres, elle forme un axe central d’où émergent des nerfs spinaux qui portent l’information de nos centres cérébraux vers toutes les zones de notre corps et tous nos organes, et, en sens inverse, de tous nos stimuli sensoriels vers les centres cérébraux. Autoroute à double sens, à travers la précieuse moelle épinière qu’elle protège, elle permet ainsi de faire circuler une énergie centrifuge, yang, motrice et une énergie centripète, yin, réceptive, ces deux polarités fondamentales qui animent l’ensemble du vivant. Les yogis y verront une corrélation avec le vaisseau énergétique ida situé à la gauche de notre colonne, porteur de l’énergie lunaire, féminine, perceptive, et celui de pingala situé à la droite, porteur d’une énergie solaire, masculine, rayonnante, tous deux prenant leur source au niveau de notre plancher pelvien. Au centre, le canal connu des Indiens sous le nom sushumna serait le lieu d’éveil de l’énergie spirituelle latente en chacun de nous, la fameuse kundalini, serpent de feu qui nous rappelle à l’ondulation primordiale de la Vie.

L’histoire toute particulière de la colonne vertébrale de Magalie Gouttenoire aura marqué l’entièreté de son chemin de vie. Alors qu’à l’âge de 12 ans, elle souffre d’une double scoliose cyphose, plaçant tout son buste en torsion et atrophiant la cage thoracique et le poumon, les spécialistes lui proposent une arthrodèse, lourde opération consistant à visser deux tiges de fer le long de ses vertèbres. « À cette proposition, j’ai eu un malaise vagal, se souvient-elle. Je me suis alors vue entourée de présences bienveillantes qui m’ont dit : “Fais-le, c’est cela ton chemin.” J’ai compris bien plus tard que c’était mes guides qui m’avaient envoyé un message clair. » Devenue professeur de biointegrity yoga, Magalie, dont le dos est toujours « soudé », a pourtant retrouvé ce qui épate médecins et ostéopathes : la mobilité de ses vertèbres, infime mais bel et bien vivante ! Elle offre aujourd’hui le fruit de son expérience aux autres, nous rappelant que, bien souvent, nos épreuves sont des moteurs qui nous poussent à nous surpasser et à nous révéler.

C’est ainsi qu’au terme de « colonne » faisant penser à une structure rigide, Magalie Gouttenoire, inspirée par sa mentore Célina Hwang, lui préfère celui d’« échine » qui sous-entend une mobilité et un réajustement permanents, une fluidité dans la circulation de l’information et une adaptabilité dans la capacité de notre corps à composer avec toutes les contraintes pour sans cesse rechercher un état d’équilibre. « L’échine donne au corps l’axe pour s’élever et permet à tous les plateaux horizontaux, tous les niveaux de notre être mais aussi les différents plans d’existence dans lesquels nous nous déployons, d’être maintenus les uns par rapport aux autres. Que ce soit le plateau horizontal de nos pieds, celui de nos hanches, de nos épaules et de notre regard, ils sont systématiquement en adaptation et ajustés pour soutenir notre évolution. »

S’appuyant sur le concept de « biotenségrité » développé par le chirurgien Levin dans les années 1970, Magalie Gouttenoire ne considère pas tant notre échine vertébrale comme un axe nous élevant du bassin vers le ciel, mais davantage comme un volume qui se déplace dans le temps et l’espace. « Ce volume est organisé autour de cavités : celle de l’abdomen nous relie à notre capacité de digestion de la nourriture et des événements que nous vivons, axée par les lombaires, celle de la cavité thoracique, soutenue par nos dorsales, le siège de notre cœur et de nos émotions et celle de la boîte crânienne posée sur les cervicales. » Tout ce qui nous percute et nous chahute dans la vie peut ainsi se retrouver dans les distorsions et contractures de notre dos de manière bien souvent inconsciente, celui-ci se référant dans sa symbolique à tout ce qui est caché, comme le montrent les expressions populaires « faire dans le dos », « tourner le dos ». Nicolas Bernard rejoint sa consœur en complétant : « Du fait qu'il est la seule créature à s’être pleinement verticalisée, on voit bien que l’humain est là pour relier les trois mondes : le monde d’en bas qui est matière, le monde du milieu qui est relation, le monde d’en haut qui est information/connaissance. Ce redressement nous rappelle que notre présence souveraine compte sur ces trois plans : je compte sur terre, dans le monde et dans le ciel. Gurdjieff disait clairement que l’activité de l’homme permet aux étoiles de tourner, à la Lune de rester en place. Nous participons. Nous avons une influence. Combien d’entre nous en sont réellement conscients ? »

Ramener la Vie dans notre dos, quelques conseils pratiques
- Au quotidien, faire des mouvements libres et spontanés, en conscience, à l’écoute du corps. Par exemple : lever les bras vers le ciel, se baisser pour toucher la terre.
- Respirer dans le dos en déployant tout le volume de la cage thoracique pour un massage interne des tissus (la majeure partie des poumons se trouve à l’arrière du corps).
- Régulièrement, se faire masser ou penser à l'automassage avec la technique des balles molles.
- Prendre une douche ou un bain chaud (le tissu facial se détend avec la chaleur).
- S’allonger sur le dos, jambes pliées, et se bercer, sur le côté et d’avant en arrière. Cela amène une cohérence sur l’ensemble de l’axe, du sacrum à la boîte crânienne.


Un axe pour nous sentir légitimes et soutenus


Au fil de leur expérience d’explorateurs du corps et du vivant, Nicolas et Anne-Ena Bernard ont pu associer des archétypes et des symboliques à chaque zone de notre colonne. Leur lecture nous aide à mieux comprendre les maux qui l’impactent tant de nos jours. Les douleurs et hernies touchant nos lombaires basses parleraient ainsi de notre difficulté à nous manifester dans notre singularité. « Nous les relions à l’archétype du Mage qui est capable de se dresser, de dire “je suis là”, mais aussi de poser ses limites en disant “tu ne passeras pas” ». Les douleurs au niveau des dorsales, souvent lourdes, chargées ou penchées, refléteraient quant à elles ce « poids dans le dos » que nous sommes si nombreux à porter. « Reliées à l’archétype de la Reine, elles parlent de notre légitimité à être souverains, à donner le meilleur de soi et à être soutenu pour cela. Nos 12 dorsales font ainsi penser aux douze apôtres qui ont entouré le Christ pour qu’il puisse offrir sa lumière au monde. »

Enfin, les douleurs aux cervicales, que les deux enseignants associent à l’archétype de la Stratège, soulignent notre difficulté à faire des choix dignes et singuliers, à nous orienter à partir de notre propre guidance interne et non pas celle qui nous est imposée de l’extérieur. « Peu de personnes se sentent légitimes dans le fait qu’elles ont quelque chose de valeur à apporter à l’humanité et qu’elles ont le droit d’être soutenues pour cela. Nous touchons là une blessure centrale de notre axe et de notre société qui a mis en avant les self-made-men, ce qui est une absurdité. Car en réalité, nous sommes reliés et soutenus, à commencer par la Terre, par nos ancêtres, par nos parents qui nous ont donné vie, par tous les autres humains qui ont participé à créer notre nourriture, nos vêtements, etc. » Comment notre dos a-t-il pu oublier qu’il avait ainsi de quoi s’adosser ? D’après Nicolas Bernard, nous vivons dans une société qui est loin d’être animée par le déploiement de la singularité de chaque être humain et nous en arrivons à l’aberration de sentir de la honte à porter au fond de nous quelque chose de beau à partager, ce qui se retrouverait inscrit dans les crispations et douleurs de notre colonne vertébrale. Déconnectés de nos soutiens, de notre valeur, de notre légitimité et de notre droit à exprimer nos choix propres, nous sommes ainsi plus enclins à être entraînés « hors de notre axe » par des décisions extérieures ou politiques contraires au plus beau déploiement de notre Arbre de vie.


Mouvement, tendresse et vérité


Alors, comment faire pour soulager notre dos, refaire circuler la sève et revenir dans notre centre, souverains en notre royaume ? Dans l’expérience de Magalie Gouttenoire, cela est passé indubitablement par le mouvement. Face à nos zones de rigidités et résistances, elle insiste sur la nécessité de ne pas passer en force, ce qui risquerait de créer déchirures, claquages ou brisures, mais d’« entrer en tendresse », les yeux fermés, dans la sensation du corps et le redéploiement de sa vibrance intérieure. « Enfin dans mon axe, le poids devient léger, conclut Nicolas. Ma présence trouve un équilibre entre un réel dépôt dans la matière et une érection vers le ciel. Une détente s’installe. Celle d’être soi parmi le monde. »


Pour aller plus loin :
- L’approche des 9 Souffles de Nicolas et Anne-Ena Bernard.
- Vidéo sur le parcours et l’approche de Magalie Gouttenoire : « Yoga – Apprivoiser le mouvement », Debowska Productions.

À
propos

auteur

  • Claire Eggermont

    Journaliste et auteure
    Collaboratrice de Pierre Rabhi pendant plus de dix ans, cofondatrice du Mouvement Colibris, Claire Eggermont est encore à ce jour rédactrice de ses chroniques pour le magazine Kaizen et l’épaule régulièrement dans les multiples sollicitations éditoriales qu’il reçoit. Elle est également journaliste indépendante sur les thématiques de l’écologie et des alternatives, du changement humain et développement personnel, des sagesses anciennes et des nouvelles sciences, quantiques notamment, ainsi que s ...
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