Entre les trains de satellites, les drones, les ballons-sondes et le reste, le ciel est « farci » d’objets qui peuvent sembler étranges au profane qui aura tôt fait de les classer comme « ovnis ». Il est plus que jamais important de savoir discerner ce que tout un chacun est susceptible d’observer, afin d’en sortir ce qui relève réellement de la catégorie « non identifié » et qui devrait donner lieu, dans un monde idéal, à des recherches scientifiques poussées. Malheureusement, la confusion règne et la science est quasiment absente du débat.

Quant aux politiques, ils n’en parlent que sous la pression du public et les fuites de certains lanceurs d’alerte, comme c’est le cas aux États-Unis depuis quelques années, avec une nette intensification ces derniers mois. En France, c’est le silence absolu, malgré des initiatives comme celles du Cipo (Collectif d’intervenants sur le phénomène ovni) qui a adressé des courriers à de hauts responsables, jusqu’au président de la République, et encourage chacun à solliciter son député.

Un peu de transparence

La Nasa, organisme civil, a été récemment poussée à prendre position et a publié un rapport accompagné d’une conférence de presse de laquelle il n’est pas ressorti grand-chose, sauf une reconnaissance du fait que certaines observations échappent pour l’heure à toute explication. « Malgré de nombreux récits et images, l’absence d’observations cohérentes, détaillées et encadrées signifie que nous ne disposons actuellement pas de l’ensemble des données nécessaires pour tirer des conclusions scientifiques », a ainsi admis Bill Nelson, directeur de la Nasa, qui a ajouté qu’il fallait passer « du sensationnalisme à la science », en réaction notamment à l’essor de lectures très « conspirationnistes » du sujet. Dans la foulée, la Nasa a annoncé la création d’un bureau dédié, au budget non identifié, mais avec un responsable : Mark McInerney. Pour la journaliste américaine Leslie Kean, qui a contribué à révéler des informations majeures en 2017 avec une série d’articles dans le New York Times, cette prise de position de l’agence est tout de même une avancée significative : « Il faut les encourager, et non les critiquer. Je suis heureuse qu’ils s’impliquent sur la question et ils veulent que ce soit transparent, en travaillant à partir d’informations qui ne sont pas classifiées. »

Cette initiative de la Nasa vient compléter la création en 2022 d’un autre bureau dédié au sein du Pentagone, nommé AARO pour All-domain Anomaly Resolution Office (bureau de résolution des anomalies tout domaine) et qui va pour sa part s’intéresser plus particulièrement aux données sensibles en termes de défense. Car c’est bien ce qui inquiète en haut lieu, notamment depuis la reconnaissance de l’authenticité de vidéos captées par des avions de chasse de la Navy. L’une de ces vidéos (cas baptisé « Go Fast » datant de 2015) a d’ailleurs servi d’exemple de cas non identifié dans le rapport de la Nasa. Le spécialiste français Michael Vaillant y voit cependant un manque de « méthode de travail » de la part de l’agence. « J’ai trouvé que leur communication révélait une approche très préliminaire, presque embryonnaire. Ils évoquent le cas “Go Fast” sans tenir compte du vent ni d’un mode de propulsion alternatif aux moteurs thermiques. La structure qu’ils créent est proche de celle du Geipan [Groupe d’étude et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés, NDLR] à la différence qu’ils vont s’appuyer sur des données techniques, satellites et autres, alors que le Geipan se contente de témoignages qui lui sont adressés. L’idée de recourir à l’intelligence artificielle est intéressante à un premier niveau, pour repérer des formes dans une image, mais ce n’est qu’un support et l’IA présente le problème d’être une boîte noire : on ne sait pas exactement comment elle fonctionne. »

Méthodologie

Ex-consultant auprès du Geipan pendant quinze ans, et toujours membre du comité d’experts, spécialisé en systèmes d’information et en data science, Michael Vaillant a conçu un outil de travail dont il poursuit le développement au sein de l’association qu’il a créée : UAP Check. « Le point important pour toutes les organisations qui travaillent sur ce sujet est l’aspect méthodologique, continue-t-il. Quels sont les critères d’analyse mis en place pour que tout le monde soit d’accord et qu’on évite les débats stériles ? Il faut systématiser l’approche et confronter tous les éléments à une hypothèse. » Parmi celles-ci, l’hypothèse extraterrestre n’est pas à exclure, mais elle n’est pas nécessairement à privilégier non plus. L’outil de base, développé pour le Geipan, est un tableau dans lequel on entre tous les éléments descriptifs d’une observation : vitesse apparente, couleur, forme, trajectoire, etc. Chaque élément fait ensuite l’objet d’arguments à charge et à décharge relativement à une explication possible.

(...)