Génération devenue numérique, nous vivons à mille à l’heure, dans un monde où tous les possibles et les horizons se démultiplient. Nous marchons le casque rivé sur les oreilles pour rester au fait des dernières tendances et des informations qui circulent à une vitesse vertigineuse. Nous courons après les derniers films, livres ou sons pour nous évader. Happés par mille nouveautés, nous ne savons plus où donner de la tête, au point de la perdre. Rester vigilant et concentré est un défi de chaque instant. Quoi que nous fassions, où que nous soyons : on nous vole notre attention ! Impossible d’échapper à ce système, croit-on ? À tort... Nous avons tous en nous la capacité de saisir au vol les nouveaux essentiels et déjouer les tours d’une société qui tire les ficelles de nos inconscients et détourne notre attention de ce qui compte vraiment. « Aujourd’hui, plus que jamais, les humains ont besoin de leur capacité de concentration – le super-pouvoir de notre espèce », déplore le journaliste britannique Johann Hari. Alors, comment faire ? Nos experts nous livrent les clés pour recouvrer notre pleine attention.

Reprogrammer nos cerveaux

Tout est orchestré pour nous mettre au diapason de la consommation sous toutes ses formes. Tout, pourvu que nous suivions le « la » d’une société où l’herbe est toujours plus verte ailleurs. « Nous savons que les notifications entraînent une détérioration de la capacité des gens à se concentrer et à penser clairement. Alors pourquoi intensifions-nous les interruptions ? » s’exclame Johann Hari. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : nous accordons huit secondes d’attention en moyenne à un sujet, nous vérifions 96 fois notre téléphone tous les jours, nous passons 47 % de notre temps éveillé sur nos écrans et 89 % des adultes utilisent leur smartphone pendant des interactions sociales. Serions-nous des êtres faibles, prêts à succomber à la moindre tentation, ou les victimes d’un détournement de notre attention ?

Auteur d’On vous vole votre attention (éd. Eyrolles, 2024), Johann Hari révèle que ce phénomène se produit à notre insu, et démontre comment les géants de l’industrie technologique sont devenus des chasseurs traquant et traçant le moindre de nos comportements, anticipant nos désirs pour mieux les assouvir. Ainsi, ils créent un monde où tout est fait pour capter et fragmenter notre concentration. Les algorithmes des réseaux sociaux, les notifications push et les interfaces ultrastimulantes sont pensés comme des pièges cognitifs, nous maintenant dans un état permanent de semi-disponibilité. Si nous avons succombé à la tentation, c’est bien malgré nous, par méconnaissance de ce qui se joue en et autour de nous. Les neurosciences révèlent notamment trois processus clés de la perte attentionnelle de nos cerveaux : la surcharge cognitive, la reconfiguration des circuits neuronaux, impliquant une réduction des capacités de concentration et une addiction aux stimuli rapides, et enfin l’impact dopaminergique, c’est-à-dire la recherche de récompenses immédiates, la diminution du seuil de satisfaction et le besoin constant de nouveaux stimuli.

Comment s’y mettre : neurologue spécialisée dans les troubles du déficit de l’attention et auteure de Mon cerveau a besoin de focus (éd. de l’Homme, 2024), la D^re Annick Vincent nous révèle les mécanismes de défense naturels de notre cerveau. Neuroplastique, il s’adapte en toutes circonstances. Grâce à des pratiques conscientes et répétées, il peut être « reprogrammé » afin de retrouver sa capacité naturelle de concentration. « L’attention s’entraîne comme un muscle », assure notre experte.

Johann Hari préconise alors d’identifier les « voleurs » de votre attention au quotidien. Vous repérez une application qui joue avec votre mental, qui favorise le contenu négatif ou qui se joue de votre vulnérabilité ? Limitez son accès d’une manière ou d’une autre afin de ne pas succomber aux « pickpockets cognitifs ».

S’émerveiller avec ses essentiels

Une fois les « voleurs d’attention » identifiés et les sub (...)