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L’Atlantide
:
mythe
ou
réalité
historique ?

Qui n’a jamais rêvé de retrouver le continent perdu de l’Atlantide ? S’agit-il d’une légende sortie tout droit de l’imagination du grand philosophe Platon ? Si la thèse du mythe philosophique est l’opinion la plus répandue de nos jours, se pourrait-il que celui-ci recèle en réalité d’éléments historiques tangibles ? C’est à ces questions que tente de répondre l’ouvrage de Géraldine Pilleul L’Atlantide, redécouverte d’une civilisation oubliée, publié aux éditions Dervy.
L’Atlantide : mythe ou réalité historique ?
Lieux mystérieux

Les mystères du temps


Il est nécessaire, avant de commencer notre étude, de rappeler le contexte dans lequel fut transmis, puis mis par écrit, le récit concernant l’Atlantide.

L’Atlantide est une île-continent évoquée par Platon dans deux de ses dialogues : le Timée et le Critias. Platon est un célèbre philosophe de la Grèce classique, ayant vécu de 428 à 348 av. J.-C., contemporain de la démocratique athénienne, connu pour avoir été l’élève de Socrate et l’adversaire des sophistes, qu’il critiqua abondamment. Il écrivit quantité d’ouvrages qui eurent une influence majeure sur la pensée occidentale : La République, Allégorie de la caverne, Apologie de Socrate, Le Banquet, etc.

Le Timée est l’un des derniers dialogues de Platon, et il y est question de cosmogonie, de l’origine de l’univers, de la nature du monde physique, de l’existence d’un démiurge et de la connaissance scientifique et mathématique dans l’explication du monde. Socrate y tient ces discussions avec quatre de ses élèves : Platon, Timée, Critias et Hermocrate. Dans la conversation tournant autour de l’organisation de la cité, Critias évoque un souvenir qui lui a été transmis par son grand-père au sujet de grands exploits accomplis autrefois par la cité d’Athènes, dont le récit lui en avait été fait par Solon en personne. Il raconte de tête comment Athènes avait repoussé l’attaque d’une coalition venue de l’océan Atlantique et qui projetait d’envahir le bassin méditerranéen. Cette puissance aurait eu pour nom « Atlantide ».

Le lendemain, Critias revient avec les notes de Solon qui ont été conservées par sa famille. Cette suite plus détaillée de l’histoire est racontée dans le dialogue du même nom, Critias.

C’est donc Solon qui était à l’origine de ce récit, qu’il avait rapporté d’Égypte. Qui est Solon ? Il s’agit d’un des plus grands hommes d’État de l’Athènes antique, l’un des Sept Sages de la Grèce, né vers 640 et mort vers 558 av. J.-C. Son rôle fut des plus importants, car il fut le législateur qui institua la démocratie à Athènes. Avant cela, Athènes était dirigée par un archontat, sorte de ploutocratie où les élites se partageaient les anciennes prérogatives de la royauté, et auquel un archonte donnait son nom à l’année.

Les réformes de Solon, qui fut élu archonte de 594 à 593 av. J.-C., accrurent considérablement le rôle des classes populaires dans la politique athénienne, et l’esclavage pour dettes fut aboli. Il mit également en place le tribunal du peuple, l’Héliée, ce qui permettait à tous les citoyens d’avoir accès aux jurys, et donc d’avoir le droit d’accuser et de se défendre. Quant aux quatre classes sociales athéniennes, elles étaient désormais définies par un critère de richesse, et non plus de naissance, ce qui permit une plus grande mixité sociale.

Voilà pour les principales réformes, mais il y en eut d’autres ; Solon passa plusieurs années à réformer Athènes. Une fois sa mission accomplie, il entama une série de voyages à travers le monde méditerranéen, notamment à la cour du roi de Chypre, en Égypte, et en Lydie chez le fameux roi Crésus.

C’est lors de son voyage en Égypte, à Saïs, qu’il aurait rapporté le récit de l’Atlantide. Saïs se situait dans le delta du Nil et son culte était dédié à la déesse Neith. Elle est la déesse guerrière des Égyptiens et assimilée à l’Athéna des Grecs. C’est la raison pour laquelle l’Athénien Solon fut si bien reçu à Saïs, avec les plus grands égards, car les Athéniens et les gens de Saïs avaient la même déesse tutélaire.

« On lui témoigna beaucoup de considération. » (Timée, 22a)

À cette époque, le royaume égyptien se remet difficilement d’une période très compliquée de décadence dynastique et d’attaques multiples de la part des Assyriens, qui voulaient absorber l’Égypte dans leur vaste empire. Saïs est la seule cité qui n’est pas livrée au pillage et qui va garder son statut. Elle va devenir, de 664 à 525 av. J.-C., un foyer de civilisation brillant que l’on va appeler la « renaissance saïte ».

Les prêtres de Saïs vont alors s’atteler à rassembler, recopier et classer toutes les inscriptions et rouleaux [sic] qui avaient pu être retrouvés dans le pays. C’est ainsi qu’ils disposaient de connaissances historiques bien plus étendues que la plupart des peuples méditerranéens de l’époque. Voilà le contexte dans lequel Solon va visiter l’Égypte et rapporter une partie du savoir des prêtres.


L’énigme du Sphinx


Si le récit de l’Atlantide n’a en lui-même rien de bien extraordinaire – il décrit une série d’attaques contre les peuples méditerranéens par un peuple « mystérieux » venu de l’océan Atlantique –, il y a un détail de l’histoire qui a toujours fait pencher la balance pour le placer, sans doute possible, dans la catégorie des mythes. Ce détail, c’est que l’histoire est supposée se passer il y a environ dix mille ans…

Le prêtre égyptien disait en effet à Solon : « De nos deux cités, la vôtre est apparue mille ans avant la nôtre […]. Notre cité a été organisée il y a huit mille ans, suivant le chiffre porté sur nos écrits sacrés. C’est donc les lois de vos concitoyens d’il y a neuf mille ans que je vais vous exposer brièvement, et, parmi les exploits qu’ils ont accomplis, je vous dirai le plus beau. » (Timée, 23d-e)

Rapporté à l’époque où vécut Solon, cela signifierait qu’Athènes aurait été fondée vers 9500 av. J.-C., et la cité de Saïs vers 8500 ! Ce qui est tout bonnement impossible. Nous avons vu qu’à cette époque, les hommes étaient encore des chasseurs-cueilleurs qui commençaient tout juste à inventer l’arc et les flèches, et ils ne fondaient donc pas de cités. Mais c’est cette datation fabuleuse qui va parcourir tout le récit.

« Il s’est écoulé neuf mille ans, depuis le moment où, raconte-t-on, une guerre éclata entre les gens qui habitaient au-delà des Colonnes d’Héraclès et ceux qui habitaient en deçà. » (Critias, 108e)

Ou : « La chose s’explique par le fait que de nombreux et grands déluges ont eu lieu au cours de ces neuf mille ans – tel est en effet le nombre d’années qui s’est écoulé depuis cette époque jusqu’à maintenant […].» (Critias, 111a)

On y voit déjà une incohérence et une grande approximation. Le récit des prêtres égyptiens est supposé se passer dans une fourchette comprise entre huit mille et neuf mille ans avant Solon. S’il s’est écoulé neuf mille ans depuis le moment où la guerre éclata entre l’empire d’Atlantide et les Athéniens, alors Saïs n’était pas encore fondée, puisque, selon la datation du Timée, elle est supposée être fondée mille ans après Athènes. Mais surtout, si l’on se fie à la datation du récit, cela signifierait qu’Athènes fut attaquée très peu de temps après sa fondation ! Or, il s’est forcément écoulé un certain temps entre la « fondation » d’Athènes et son attaque par ce mystérieux peuple…

Du reste, nous connaissons la date réelle de fondation de ces deux cités, et rien ne correspond à ce que Platon a écrit, Saïs étant bien plus ancienne qu’Athènes, puisqu’elle est connue dès le début de l’histoire égyptienne ! Ces dates ne doivent pas être prises trop au sérieux. C’est à cause de cette datation trop farfelue pour être vraie que l’Atlantide a toujours été considérée comme un mythe, car qui pouvait croire que des cités aussi bien organisées existaient déjà à une époque qui se situait encore dans la préhistoire ? Personne sans doute, sauf les amateurs de science-fiction.

En vérité, quand on lit le récit de l’assaut des Atlantes sur les peuples du pourtour méditerranéen, on ne peut s’empêcher de penser aux fameux peuples de la mer, ceux-là mêmes dont les spécialistes ont encore du mal à situer l’origine, et que les Égyptiens disaient être venus par la mer les attaquer, sans succès d’ailleurs, à la fin de l’âge du bronze, plus précisément sous les règnes des pharaons Mérenptah et Ramsès III.

Problème, les peuples de la mer sont apparus à la fin du XIIIe siècle av. J.-C., et non au Xe millénaire avant notre ère! Pourtant, de nombreux indices laissent à penser que le récit de Platon décrit bien l’âge du bronze, et particulièrement la fin tragique de cet âge.

Mais alors, si le récit rapporté d’Égypte par Solon décrit bien les attaques des peuples de la mer, pourquoi les prêtres égyptiens ont-ils parlé d’événements qui se seraient produits neuf mille ans auparavant ? Était-ce une erreur de traduction, une coquille dans le texte original ? Ce n’est pas impossible, mais nous pensons que ces dates furent transmises volontairement ainsi.

N’oublions pas que nous sommes en Égypte. L’Égypte antique fut l’une des plus grandes civilisations de tous les temps, et l’une des plus anciennes. Elle a offert à l’humanité les constructions, les tombeaux et les temples les plus extraordinaires qui soient. Tout est gigantesque en Égypte, tout est démesuré. Tout est précieux, tout est sacré. Et la connaissance est la chose la plus sacrée de toutes. Si elle est sacrée, elle doit se mériter. N’oublions pas que l’Égypte est le royaume du Sphinx et que le Sphinx est le maître des énigmes.

Nous avons de plus expliqué que Saïs et Athènes avaient la même déesse en commun, Neith/Athéna, déesse guerrière qui est aussi la déesse de la Sagesse, celle qui résout les énigmes. Le récit de l’Atlantide doit être compris ainsi : ce n’est pas un mythe, c’est une énigme.

Les prêtres de Saïs savaient que leur civilisation prenait fin. Ils avaient conscience que le temps de l’Égypte était révolu et que celui de la Grèce était arrivé. Forts de leurs deux mille cinq cents ans d’histoire, ils voyaient les Grecs comme « des enfants » à qui ils devaient transmettre une partie de la connaissance du passé, même incomplète, même partielle. Un siècle plus tard, c’est au célèbre historien grec Hérodote qu’ils transmettront des connaissances lui permettant d’écrire la première histoire officielle de l’Égypte.

Puis Manéthon de Sebennytos, prêtre égyptien du IIIe siècle avant notre ère, écrira lui aussi une Histoire de l’Égypte en trois volumes en grec. C’est à lui que l’on doit la division en trente dynasties des souverains d’Égypte, division toujours utilisée par les égyptologues d’aujourd’hui.

Or justement, ce qui peut être un indice de la véracité du récit de Platon (ou qu’en tout cas, il s’agit bien d’un récit rapporté d’Égypte), c’est qu’Hérodote et Manéthon mentionnaient, eux aussi, dans leurs ouvrages sur l’histoire de l’Égypte, des datations fabuleuses en plusieurs milliers d’années concernant une époque où les dieux auraient régné sur le pays. Ces datations étaient déjà considérées, par les Grecs, comme complètement farfelues et impossibles.

Seuls les Égyptiens s’exprimaient dans certains cas en milliers d’années. Un Grec n’aurait pas eu l’idée de procéder ainsi. Encore moins un philosophe comme Platon qui, s’il avait vraiment voulu écrire une histoire fictive d’Athènes, l’aurait placée au temps des rois mythiques de sa cité, au mieux mille ans auparavant.

Cette curieuse façon de compter le temps en milliers d’années est donc la signature des prêtres égyptiens. Pourquoi cela ? Comment les prêtres égyptiens mesuraient-ils le temps ? Quel calendrier utilisaient-ils ? Et s’il ne s’était pas agi d’années « solaires », comme on le croit généralement ? […]


L’Atlantide, redécouverte d’une civilisation oubliée, Géraldine Pilleul, éd. Dervy, 2023, p. 27 à 32.
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