Le thème de l’Atlantide a largement été décliné et décrit par les adeptes de l’ésotérisme depuis plusieurs décennies. Mais ces récits diffèrent en de nombreux points de la cité historique dépeinte par Platon… L’Atlantide des médiums serait le berceau de la tradition primordiale (
voir encadré), et les Atlantes, détenteurs de capacités extrasensorielles extraordinaires, auraient par ailleurs développé des technologies remarquablement avancées… Pour Ludovic Richer, auteur et conférencier, il y a bien deux civilisations : «
Il s’agit de dissocier l’Atlantide au sens historico-archéologique, et celle plus mystique, plus insaisissable, qui est dans un domaine à cheval entre le mythe et le réel. On lui place une existence dans des temps mythiques, avant le déluge : on dit 10 000 ans, on pourrait tout aussi bien dire 26 000 ans. » Le terme « Atlantide » est devenu, au fil des siècles, un terme générique associé à une sorte d’idéal.
«
Quand les ésotéristes contactent des Atlantes disparus, cela ne fait pas conflit, selon moi, avec l’Atlantide de Platon. En allant plus loin, on pourrait dire que les esprits se présentent comme des Atlantes parce que cela donne un référent culturel pour le récepteur, l’Atlantide étant connotée “âge d’or” », analyse le spécialiste. Quelle est donc cette Atlantide des ésotéristes, et pourquoi est-elle étonnamment d’actualité ?
À la recherche
de la tradition primordiale
C’est principalement au XIX
e siècle que l’ésotérisme s’empare de l’Atlantide pour en faire le réceptacle de la tradition primordiale. En 1882, l’homme politique américain Ignatius Donnelly (1831-1901) publie un ouvrage dans lequel il explique que l’île dont
parle Platon serait en réalité un continent préhistorique, qui aurait abrité la première civilisation humaine. Cette théorie est rapidement choisie par les adeptes de la théosophie, doctrine fondée sur l’omniprésence de la sagesse divine. Sa fondatrice, Helena Blavatsky (1831-1891), développe l’idée que l’Atlantide, récipiendaire de la sagesse antique, aurait engendré l’une des cinq « races mères » qui se seraient succédé pour dominer la Terre.
Le théosophe et archéologue amateur William Scott-Elliot (1849-1919) avance que les Occidentaux auraient hérité des facultés psychiques des Atlantes et que les nouveautés technologiques de son époque seraient une résurgence des aptitudes des habitants de l’île mythique chez leurs descendants :
«
Si dans “la ville aux Portes d’Or”
le système d’irrigation était merveilleux, le mode de locomotion adopté par les Atlantéens était plus prodigieux encore ; car le bateau aérien ou machine volante […] était alors en fonctionnement. »
En 1904, dans son livre
Chronique de l’Akasha, l’occultiste Rudolf Steiner (1861-1925) insiste sur l’évolution intérieure de l’humanité atlante, qui a préparé les facultés de notre humanité actuelle. Puis, dès 1924, le médium Edgar Cayce (1877-1945) entre en scène ; il mentionnera le «
continent perdu » dans plus de 2 500 lectures données à 1 600 personnes différentes. Riches de ses nombreuses descriptions, que savons-nous de l’Atlantide ?
Une cité idéale ?
Au cours de ses canalisations, Cayce décrit l’Atlantide de manière relativement précise. Ainsi, «
aussi grande que l’Europe », elle se situerait entre le golfe du Mexique et la Méditerranée, même si «
les océans étaient disposés différemment ». Le médium ira jusqu’à donner des dates : les vestiges de l’Atlantide devraient selon lui être retrouvés en 1968 ou en 1969 au large des côtes des îles Bimini, aux Bahamas… S’il s’est trompé sur ce point, la localisation est aussi un élément qui ne fait pas l’unanimité parmi les médiums.
Ainsi, d’après les perceptions de la médium Claire Thomas, l’Atlantide se trouverait au niveau du triangle des Bermudes. Selon elle,
«
Platon explique qu’à l’endroit où se trouvait l’Atlantide, une certaine fréquence brouillait tout. Ce que je ressens, c’est qu’il s’y trouve encore une technologie qui est en quelque sorte “en mode avion”, et qui brouille les fréquences. » Pour Stéphanie Dordain, alias « Alessa », l’Atlantide se situe dans une «
sphère parallèle au centre de la Terre », entourée d’une énergie aquatique. Elle décrit ainsi cette «
huitième dimension qui régule les sept autres, en lien avec la création de la vie, les mémoires de l’eau. Les personnes connectées à cette dimension-là ont accès à beaucoup plus d’informations. Et le rôle d’Atlantide, c’est d’être gardienne d’une forme d’équilibre entre les dimensions. » Enfin, Vanessa Caron situe l’île mythique dans les Açores. La géolocalisation et la temporalisation données, sujettes à interprétation, semblent des points délicats pour les médiums.
Des entités mythologiques ?
Concernant la population atlante, Platon décrivait de simples êtres humains, là où les médiums parlent de créatures dignes de films de science-fiction. Selon Edgar Cayce, le continent aurait été peuplé par cinq races à la peau blanche, brune, noire, jaune et rouge. Certaines auraient compté des nains et des géants, et auraient eu à leur service des créatures mi-animales, mi-humaines. Vanessa Caron a
aussi perçu de grands personnages,
«
entre 1 mètre 80 et 2 mètres 50 », et précise qu’ils portaient des vêtements très luxueux, des tenues très soignées. Claire Thomas décrit des silhouettes longilignes, «
avec des yeux de couleur crème, verts, mauves, ou légèrement dorés. Il y a peu de différences en termes de formes entre hommes et femmes, ces dernières étant un peu androgynes. »
L’Atlantide des ésotéristes serait donc peuplée d’êtres aux aptitudes extraordinaires. À l’instar d’Edgar Cayce, les trois personnes interrogées captent des capacités psi telles la médiumnité ou la clairvoyance. Claire Thomas précise d’ailleurs qu’«
ils utilisaient la géométrie, la numérologie, la science des cristaux pour décupler leur force. Ils parvenaient à extraire le potentiel de chaque métal, parce qu’ils avaient une capacité à communiquer avec les éléments, et même à déplacer des objets rien qu’avec leur pensée », ou encore, « c’était des êtres très avancés en connaissances sur l’astronomie, la métaphysique, les mathématiques de pointe, et sur la constitution de notre Univers », selon Vanessa Caron.
Ce tableau futuriste, pour un peuple qui aurait vécu il y a environ 10 000 ans, semblerait invraisemblable pour l’archéologie conventionnelle ! Et pourtant, Cayce affirme que la société était capable de capter l’énergie solaire, d’utiliser le potentiel des cristaux, de créer des réseaux pour amplifier et diriger l’énergie… Avec des modes de transport tout autant terrestre que nautique et aérien, et même des
«
techniques permettant d’échapper à la pesanteur », indique-t-il. S’il n’existe à ce jour aucune preuve de l’existence de telles technologies, les personnes interrogées nous parlent toutes d’un lien particulier aux minéraux. Stéphanie Dordain a perçu
«
qu’on allait ramasser différentes pierres, dans une sorte de puits. Et ces cristaux permettaient de faire circuler l’énergie à travers l’eau, d’harmoniser,
de guérir, de créer le contact avec les sept dimensions », tandis que Claire Thomas décrit une ville de verre et d’or, matériaux dont les propriétés étaient améliorées, amplifiées. Vanessa Caron a quant à elle «
la mémoire d’un grand temple cristallin, avec des reflets d’un bleu très brillant, presque électrique, une espèce d’autel, avec une émeraude ». Edgar Cayce lui-même racontera que les Atlantes travaillaient à l’élaboration d’un énorme cristal doté de pouvoirs. Comment une civilisation, si avancée sur le plan cognitif et technologique, aurait-elle pu disparaître du jour au lendemain, sans laisser de traces ? Existerait-elle en réalité dans une autre dimension, comme le propose Stéphanie Dordain ?
Une tragique destruction
Tout comme l’Atlantide de Platon, c’est l’
ubris – la démesure – qui aurait mené au cataclysme final… Si certains Atlantes étaient très avancés spirituellement, ce n’était pas le cas de tous, transcrit Edgar Cayce. Est-ce cela qui aurait causé la destruction du continent ? Vanessa Caron a trouvé leur contact très exigeant, et relate que les Atlantes étaient obsédés par l’objectif de progresser, de transcender, de s’élever. Claire Thomas détaille : «
Il y a aussi une histoire du pouvoir et de la jouissance du pouvoir. Il y était question d’être très performant, de tout maîtriser, d’être un Dieu à la place de Dieu. »
«
Dieu à la place de Dieu », une expression qu’emploieront Vanessa et Claire. Un écho si semblable à ce que l’humanité vit en ce moment qu’il interroge…
Il y aurait eu trois séries de destructions majeures, séparées de milliers d’années, qui auraient scindé la superficie du continent pour former des îles, avant un grand cataclysme final provoqué par la technologie atlante, développe Cayce. Claire Thomas décrit la même série d’événements : «
Il y a eu trois périodes, trois civilisations, trois phases de guerres, et la dernière qui a été fatale. » Pourrait-on imaginer que les caractéristiques captées, quelle que soit leur provenance, s’amalgament avec les enjeux de l’époque ? «
Il y a eu des mutations génétiques grâce à la technologie qu’ils se sont implantée dans le corps, et ça s’est retourné contre eux », explique ainsi Claire Thomas, tandis que Vanessa Caron ajoute : «
Je pense qu’ils ont voulu aller trop vite, j’ai le sentiment d’une montée en puissance. Et puis comme une explosion, comme un autel qui
s’écroule. J’ai le sentiment d’une expérience scientifique qui a mal tourné, qu’on a voulu percer la toile de ce qui maintenait notre monde. »
Que l’Atlantide des médiums ait réellement existé ou qu’elle soit un mélange d’inconscient collectif et d’une part de projection, est-ce finalement si important ? Les messages semblent porteurs d’un avertissement : l’humanité est à un tournant de son histoire. «
Est-ce qu’on va reproduire ou est-ce qu’on va utiliser cette mémoire atlante pour grandir et donc ouvrir une nouvelle ligne de temps ? » questionne Vanessa Caron. «
On en arrive vraiment à un moment crucial où la technologie peut aussi se retourner contre nous, nous prévient Claire Thomas.
Sous de bonnes intentions, l’humanité vit un grand basculement et doit choisir la voie qui sera la plus juste, qui est, selon moi, celle du milieu. » Cela remet en question, pour Vanessa Caron, toute notre relation au divin, au pouvoir : «
On veut transcender notre humanité grâce à l’IA, nous “augmenter” grâce à la technologie, et ce n’est pas ça qui est demandé. C’est plutôt la réconciliation entre notre part divine et notre part humaine… »
La tradition primordiale
La tradition primordiale ou tradition universelle est un concept issu de la pensée métaphysique et ésotérique, qui regroupe l’ensemble des connaissances et des pratiques spirituelles originelles qui ont été communiquées de manière ésotérique à travers les âges dans différentes civilisations.
Cette tradition est considérée comme la source commune de toutes les grandes traditions religieuses et philosophiques de l’humanité. Elle est fréquemment associée à l’idée d’une sagesse perdue, d’un savoir ésotérique qui aurait été transmis depuis
l’aube de l’humanité. Selon cette conception, les différentes traditions religieuses et philosophiques ne sont que des expressions diverses et souvent déformées de cette tradition originelle.