Dans la frénésie de Noël, on oublie que certaines pratiques anciennes ont été implantées pour donner du sens à cette fête historique. Comment se les réapproprier ? Dans son nouvel ouvrage, Yule, publié aux éditions Danaé, Ketty Orain-Ferella nous offre des clés pour réinsuffler un peu de magie dans cette période aussi aimée que critiquée aujourd’hui.
Savoirs ancestraux
Ketty Orain Ferella
Le 1er décembre a sonné et ouvre le bal de la saison de Noël et des fêtes. Mais dans certains foyers, ce sont les préparatifs d’une célébration plus ancienne, Yule, qu’on entame dans la joie. Ketty Orain-Ferella pose justement les premières décorations avec sa petite famille. Elle fête les deux, Noël et Yule ! Cette auteure et animatrice de sa chaîne YouTube a toujours eu un grand intérêt pour le merveilleux et la magie. Et forte d’un solide bagage universitaire en histoire de l’art et archéologie, elle met à profit son goût pour la recherche pour remonter à la source véritable des fêtes qui forment ce qu’on appelle de nos jours la Roue de l’année. Car, nous prévient-elle, beaucoup d’idées fausses et autres loufoqueries circulent maintenant à cet égard ! Aujourd’hui, ce sont quelques-uns des mystères de Yule qu’elle nous confie…
La célébration de Yule se fait doucement un nouveau chemin en France. En quoi consiste cette fête ?
Yule est le sabbat de la Roue de l’année wiccane qui concerne le solstice d’hiver. Mais il faut savoir que c’est une fête très ancienne, parce que le solstice d’hiver a toujours été un moment majeur dans la vie des hommes. Il y avait une immense inquiétude en cette période de l’année, parce que c’est le jour le plus court ; on est au cœur des ténèbres, et les peuples anciens avaient très peur de la diminution de la lumière. Cela a donné lieu à beaucoup de rites magiques et religieux pour appeler le retour du soleil ; on faisait des offrandes et on festoyait dans l’abondance pour s’attirer les faveurs des dieux et faire revenir le soleil et la prospérité. Yule n’est pas documenté chez les Celtes, mais il y a eu Jól chez les Vikings, le culte de Mithra en Orient, les Saturnales chez les Romains…
Est-ce que ce festiaire autour du solstice d’hiver révèle quelque chose de plus profond chez nos ancêtres ?
Cela révèle, je pense, une crainte ancestrale de la fin du monde, tout simplement. C’est l’époque la plus sombre de l’année ; la nuit est immense. Reverra-t-on vraiment le soleil ? La notion d’être particulièrement généreux et de faire des banquets pantagruéliques en cette période renvoie à cette idée, qu’on retrouve un peu partout, que l’abondance appelle l’abondance. Donc il y a cette peur, mais également un espoir du retour de la prospérité, nourri par cet acte-là.
Dans votre ouvrage, vous mentionnez un conte, celui du roi Chêne et du roi Houx. Pouvez-vous nous en parler ?
C’est drôle, car cette légende est souvent brandie comme l’explication des festivités de Yule, alors qu’en réalité, il est bien plus moderne. Ce mythe nous dit qu’au moment des deux solstices, le roi Houx et le roi Chêne se livrent bataille. Le roi Chêne règne sur la partie claire de l’année, alors que le roi Houx règne sur la partie sombre. Et au solstice d’hiver, c’est le roi Houx qui est en pleine puissance, car la nuit s’est déployée, mais le roi Chêne gagne le combat, remonte sur le trône et ramène la lumière jusqu’au solstice d’été où, cette fois-ci, il sera vaincu par le roi Houx. Ce mythe est très séduisant, et d’ailleurs je l’aime beaucoup, mais en réalité, ce n’est pas du tout une légende celte. C’est un conte wiccan fondé sur des récits relativement récents.
Et selon vous, que cache ce conte ?
Je pense que si ce mythe a été particulièrement investi par les wiccans, c’est qu’on a besoin d’histoires pour se raccrocher à ce qui nous dépasse, à ce qui touche à l’invisible. Selon moi, tout ce qui entoure Noël relève de symboles et de personnifications auxquels nous sommes attachés parce qu’ils mettent du sens sur une réalité qu’on peine parfois à exprimer en mots : cet enchantement qui se déploie, cette magie indéfinissable qu’on ressent. Et je pense que le conte du roi Chêne et du roi Houx est une allégorie de la réalité astronomique de cette période de l’année, vécue à un niveau mythologique.
Quel lien peut-on encore voir aujourd’hui entre Yule et Noël ?
Il y a beaucoup de choses ! Presque toute l’imagerie de Noël aujourd’hui provient d’anciens symboles qui existent depuis très longtemps : le houx, les couronnes, le sapin, le père Noël qui est en réalité une évolution d’anciens personnages personnifiant l’univers du passage de l’hiver, Saint-Nicolas. Je dirais que Noël est un syncrétisme de plein de symboles, de toutes sortes de croyances de l’Europe païenne qui se sont mêlées et qui, avec l’avènement du culte chrétien, ont donné ce qui est arrivé jusqu’à nous. D’ailleurs, Noël aujourd’hui n’est plus le Noël d’il y a cent ans ; il a aussi évolué, car de nombreux foyers célèbrent Noël de manière plus sécularisée aujourd’hui.
Et pourquoi serait-il intéressant de renouer avec Yule ?
Je pense qu’il y a beaucoup de sens à renouer avec cette célébration, en tout cas avec tous ces symboles, parce qu’aujourd’hui, on les utilise sans en connaître la signification. C’est un peu dommage ! Il me semble qu’on a perdu beaucoup du sens de Noël, de ces fêtes. Pourquoi se rassemble-t-on ? Pourquoi échange-t-on des cadeaux ? Pourquoi fait-on ces repas ? Et je déplore cette perte de sens, car quelles valeurs, quel message transmet-on aujourd’hui ? Noël est-il juste un moment de l’année où on va alimenter la société de consommation, ou y a-t-il autre chose ? J’ai la sensation qu’aujourd’hui, on a besoin de retrouver du sens dans ce qu’on fait. Or, cette époque du solstice, où on faisait beaucoup de festivités, de repas et d’offrandes, créait du lien social, un tissu de solidarité et de générosité. Et il me semble que réinvestir ce sens derrière l’histoire des festivités de Yule et des symboles permet de se reconnecter à une réalité et peut-être d’encourager quelque chose de plus inclusif. On le fait aujourd’hui à Noël, mais sûrement pas suffisamment, malheureusement.
Au-delà des petits rituels et célébrations, comment peut-on incarner cette fête aujourd’hui ?
Pendant cette période, je porte beaucoup d’attention à la qualité de l’instant. Comme je suis maman, cela prend une dimension familiale très importante, un temps de qualité avec mes enfants, de transmission, aussi. Yule est une saison propice à prendre le temps, justement, car dehors, il fait froid, il fait nuit tôt. Si on observe la nature, c’est une saison de dormance où les choses sont ralenties, et c’est le rythme qu’on devrait adopter. Pourtant, en décembre aujourd’hui, c’est l’hyperactivité générale, on travaille beaucoup, il y a une effervescence délirante et on en ressort épuisé. On passe complètement à côté de ce qu’est Yule, en réalité !
Oui, car vous qualifiez aussi Yule de portail mystérieux !
En réalité, je qualifie toutes les fêtes païennes de portail. Ce sont des périodes de l’année où on arrive dans une réalité astronomique, météorologique et naturelle particulière. Et dans mes ouvrages, j’invite à en saisir toute la magie, toute l’opportunité. Quant à Yule, je définirais son mystère comme un temps où nos rêves ont une dimension tout à fait particulière. C’est une époque de l’année où on fait beaucoup de vœux. Il y a donc, certes, l’idée qu’on est au cœur des ténèbres, mais le soleil revient et finalement, cela pourra donner de la matérialité à nos rêves. Cette dimension magique et mystérieuse s’incarne d’ailleurs à travers les mythes contemporains du père Noël, ce qui donne une dimension extraordinaire aux souhaits réalisés des enfants. Mais même pour nous, adultes, cette dimension nous autorise à exprimer des vœux et à croire à leur réalisation !
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