De nos jours, nous sommes habitués aux fêtes chrétiennes ; même si nous ne pratiquons pas cette religion, elles font partie de notre culture. Toutes issues des anciennes célébrations
celtes, elles ont été absorbées au fil des siècles et transformées pour correspondre au dogme chrétien. Mais au-delà de ces étiquettes, elles sont essentiellement connectées à la nature, au rythme des saisons et donc de l’agriculture, à la course du Soleil et de la Lune.
Aujourd’hui, un certain renouveau païen s’attache à leur rendre leur couleur essentielle et sacrée, afin de profiter de la porte énergétique que ces fêtes ouvrent, mais aussi de nous reconnecter à la nature qui fait totalement écho à nos biorythmes. «
Pour les Celtes, druides et mouvances païennes, le Nouvel An se tient le 1er novembre, lendemain de Samhain. Toutes les roues de l’année ne fonctionnent pas selon ce point de départ particulier, mais toutes ont les mêmes rayons », explique Marie-Anne Todeschini dans son ouvrage
Rituels de femmes pour célébrer la roue des druidesses.
En effet, dans les traditions païennes, c’est-à-dire paysannes, proches de la terre, le moment où le Soleil entre dans son elliptique la plus courte indique le début de l’année. «
Le symbolisme des solstices retient l’attention, car il ne coïncide pas avec le caractère général des saisons. C’est le solstice d’hiver qui ouvre la phase ascendante du cycle annuel et c’est le solstice d’été qui ouvre la phase descendante », précise Claire Duclaye dans son calendrier païen
(1). Autrement dit, c’est la porte hivernale qui ouvre la roue de l’année vers la phase lumineuse, tandis que la porte estivale la mène vers sa phase d’obscurcissement. Ainsi, les saisons ne commençaient pas exactement aux solstices ni aux équinoxes, mais en fonction des fêtes. À noter que les diverses phases de la Lune sont aussi des occasions de rituels, car l’astre nocturne influence ce qui se passe sur Terre. Mais les dates ne sont pas fixes, puisqu’elles changent tous les ans.
Les 8 sabbats
Voici les principales fêtes reliées à la nature (pour l’hémisphère Nord, car dans l’hémisphère Sud, il faut inverser les saisons). Samhain : du 31 octobre au 2 novembre, ce qui a donné la Toussaint. Yule : du 19 au 23 décembre, le solstice qui deviendra Noël. Imbolc : les 1
er et 2 février, fêtée comme la Chandeleur. Ostara : du 20 au 23 mars, l’équinoxe qui est ensuite devenu Pâques. Beltane : le 1
er mai. Litha : du 19 au 23 juin, le solstice. Lughnasadh : les 1
er et 2 août. Et Mabon : du 19 au 23 septembre, l’équinoxe. Si les célébrations sont réparties sur plusieurs jours, c’est parce qu’il y a des différences d’une année sur l’autre en fonction de l’inclinaison de la Terre. Ces fêtes étaient appelées les sabbats ; les mineures correspondaient aux solstices et équinoxes, les majeures aux quatre autres fêtes principales reliées à l’agriculture. De nombreuses autres fêtes ponctuent l’année, mais ce sont les principales, et elles sont associées à des rituels pratiqués à la maison ou au sein de la communauté.
Prendre conscience des rythmes de la Terre et les célébrer nous est bénéfique à de nombreux niveaux. Tout d’abord, la roue de l’année peut nous éveiller en conscience à certains aspects qui nous relient. «
Elle est la plus belle représentation de la régularité de l’année, de l’aspect cyclique des choses et de l’autorégulation que nous enseigne la nature. À travers l’image de la roue, il est question de prise de conscience. Tout est équilibre : jour et nuit, lumière et ombre, vie et mort, enfance et passage à l’âge adulte, initiation et transmission, femme et homme. Cette roue va nous permettre d’évoluer à nouveau dans un temps circulaire, pour nos vies quotidiennes, professionnelles, intimes », précise Marie-Anne Todeschini.
C’est le solstice d’hiver qui ouvre la phase ascendante du cycle annuel et c’est le solstice d’été qui ouvre la phase descendante.
Connecter la Terre et les hommes
Si les célébrations suivent les saisons et les cycles de la Terre, c’est aussi pour porter notre attention sur l’impact que ces changements ont tout au long de l’année sur nous, les humains. En effet, l’agriculture est soumise à la nature et va impacter les tâches à effectuer, comme les semis, les récoltes, etc., mais aussi ce que nous allons manger tout au long des saisons. Or, la qualité de notre alimentation est améliorée si l’on suit ce que la Terre nous offre au moment opportun. Mais plus encore, nos comportements vont s’aligner sur la Terre, bien plus que nous l’imaginons, et il est nécessaire d’en prendre conscience afin de faire coïncider notre boussole intérieure avec notre environnement.
Chaque saison a une importance, une énergie, une dynamique, et est source de compréhension et de sagesse. Les fêtes nous permettent de créer cette reconnexion et de percevoir les messages de la Terre mère. «
En automne, la nature met en évidence ce qui se passe à l’intérieur de nous, elle commence à se dépouiller, à se vider de ses feuilles, à se décharger de ce qui s’est passé lors de ses cycles précédents, le printemps qui était dans la création, les nouveaux projets, l’énergie montante, l’été qui était dans l’abondance, la floraison, le fait de profiter de la flamboyance de la vie et de s’extérioriser... Et après ce moment où nous étions totalement tournés vers les autres arrive l’automne, cette phase de transition où nous sommes amenés à revenir à nous, à refaire ce chemin vers soi », explique Julie Bodin, conférencière spécialiste du féminin sacré.
Ainsi, les saisons nous connectent dans une grande amplitude, et agir en fonction de ce qu’elles nous enseignent nous permet d’être en phase avec notre environnement et avec les énergies qui nous accompagnent. «
Quand on arrive en janvier, on va entrer dans l’hiver, notre corps nous appelle, mais on ne l’entend pas à cause des rythmes imposés par la société. Cependant, on va avoir envie de dormir, de se reposer, de se laisser porter, de s’apaiser sur la Terre mère et d’écouter sa vibration comme un enfant qui vient s’apaiser sur les seins de sa mère et qui entend son rythme cardiaque. Puis arrive le printemps, avec sa douceur, on sent le dynamisme qui vient énergétiquement nous happer, éveiller quelque chose en nous qui nous donne envie d’agir, avec plus de créativité ; le renouveau est là, et quand l’été arrive, on a une énergie optimale pour profiter pleinement de la vie et réaliser nos rêves », conclut la spécialiste. Nos rythmes modernes ne nous permettent pas toujours de nous aligner sur les rythmes saisonniers, mais garder en tête la réalité de nos cycles naturels peut nous aider à ne pas trop nous déconnecter.
Le féminin sacré et la Terre
La Terre a ses cycles et la femme aussi. Ainsi, en s’observant, la femme peut accueillir ses différentes phases, même dans une société patriarcale qui impose un rythme égal et soutenu en permanence. Écouter ses cycles et observer la Terre, c’est s’offrir une possibilité de s’ouvrir à un renouveau pour pouvoir être soi au plus profond. La Terre a un cycle d’un an, la femme d’un mois. «
Les quatre phases du cycle féminin nous font revivre les saisons. Lorsqu’il y a les menstruations, nous sommes dans l’hiver, dans l’apaisement, on sent un relâchement qui nous apaise ; quelques jours plus tard, on va sentir comme un renouveau porteur d’énergie, on va reprendre goût à la vie, on sent cette fève intérieure qui s’éveille, on est pleine d’envies, d’ambition, c’est la phase fertile d’ovulation où on est prête à tout déployer. La femme à ce moment-là est belle et attirante, puissante et sensuelle. Puis, juste quelques jours avant les règles, il y a cette phase de retour à soi, où on est automnale avec un besoin de silence, et on peut être agacée si on nous demande trop de choses ! » précise Daisy Bodin, qui travaille avec sa sœur Julie sur le féminin sacré. Il peut y avoir une prise de conscience que, dans un cycle menstruel, de nombreuses choses sont à comprendre, car source de sagesse, et entrer dans une nouvelle ovulation peut se vivre comme une renaissance où l’on vient recevoir de nouvelles compréhensions.
«
La femme amène finalement l’évolution de l’humanité au travers de ses différents cycles. Cette évolution est le chemin de la Terre mère, on est dans le même mouvement qu’elle », expliquent les sœurs Daisy et Julie Bodin. Le féminin sacré, en se redécouvrant et en se connectant à nos racines les plus profondes, en permettant une compréhension de la nature et de la Terre, peut être le moteur d’une évolution de la société. Apporter plus de douceur, de compréhension, d’analyse des rythmes et d’écoute de soi est le début du chemin que nous devrions tous emprunter afin d’évoluer vers plus de solidarité et de respect du vivant.
La roue de l’année chez les Amérindiens
Ancrant également leur début d’année en hiver, les Amérindiens étaient très proches des cycles des saisons, qu’ils considéraient comme résonnant avec les humains. Chaque saison était associée à une direction : l’hiver au nord, le printemps à l’est, l’été au sud et l’automne à l’ouest, correspondant aussi aux quatre âges de la vie humaine. « De ce fait, chaque année la symbolique du renouveau, de la croissance, de la maturité et du déclin s’applique, apportant une rythmique individuelle d’évolution. En une année, vous vivez la symbolique de toute une vie, un cycle en douze temps à l’intérieur du grand cycle de l’existence. Un microcosme dans un macrocosme », raconte Catherine Sorolla Menassieu dans son ouvrage(2). Prendre conscience de ces rythmes permet de mieux comprendre votre avancée dans le monde et « d’ajuster votre trame individuelle à la trame universelle », conclut-elle.
(1)
Nouveau calendrier païen, Claire Duclaye, éd. Danaé, 2016.
(2)
Aux rythmes de notre Terre mère, Catherine Sorolla Menassieu, éd. Trajectoire, 2018.