Dans son nouveau livre Après…, Stéphane Allix dévoile que plus d’un quart
des personnes en deuil font l’expérience
de formes diverses de communication
spontanées après le décès d’un proche.
Preuves supplémentaires de la réalité d’une
vie après la mort, ces expériences nous
invitent en outre à nous interroger sur
le sens de l’existence.
Au-delà
NATACHA CALESTRÉMÉ
Denis est mort. La nouvelle terrible nous
saisit au début de l’été 2000. Denis était
un ami avec qui je partageais la passion de
l’aventure et des voyages. Il avait monté sa
propre structure de production audiovisuelle et faisait partie
de la jeune génération de la Société des explorateurs
français, dont nous étions membres tous les deux.
Quelques jours après sa mort, Lucie, sa compagne, convia
un groupe d’amis chez eux. À un moment de la soirée, je
me suis retrouvé seul avec elle. Nous échangions quelques
mots tandis que son regard si intense me perçait ; je la sentais
embarrassée. D’une voix hésitante elle me confia alors
soudain : « Denis est venu me voir… » Devant mon air intrigué,
elle me révéla avoir vécu une expérience extrêmement
curieuse. « Hier soir, c’est la première fois que je me sentais de
revenir passer la nuit chez nous depuis la mort de Denis. J’appréhendais
de dormir dans notre chambre, seule… Je me suis
emmitouflée dans un vêtement à lui, et je me suis finalement
allongé sur le lit. » Lucie me décrit ce moment si empli de
tristesse où elle se couche et ferme les yeux. « Et soudain,
j’ai senti Denis me rejoindre. Il était là, contre moi, j’en suis
absolument persuadée. Je sentais le poids sur le lit, une pression,
comme celle d’un corps qui creuse le matelas à côté de moi. »
Tout en me livrant ce récit pour le moins étrange, Lucie
guette ma réaction. Je la sens gênée. Elle m’assure qu’elle
n’a pas rêvé ; elle ne dormait pas ! Je n’ai aucun doute sur
sa sincérité, mais en même temps je ne sais trop quoi lui
dire. C’est une fille solide, cartésienne et jamais elle n’irait
inventer une chose pareille, mais une visite de Denis !?! Lucie
est parfaitement saine d’esprit, et c’est précisément parce qu’elle a les deux pieds sur terre qu’elle est à ce point déconcertée
par cette expérience qui l’a manifestement submergée
d’émotion. « Denis était là, il est venu me réconforter. Il a
senti que je n’en pouvais plus… et il est venu me dire qu’il
serait là ! » Ce soir-là, Lucie avait besoin de confier le détail
de cette nuit incroyable. Alors je l’ai écoutée. Sans juger, et
même si son récit semblait impossible, je sentais confusément
au fond de moi qu’il s’était passé quelque chose. C’était
la première fois que j’entendais une telle histoire.
Moins d’un an après le décès de Denis, mon frère Thomas
meurt dans un accident alors que nous nous trouvons
ensemble en Afghanistan. Ce drame amorce un tournant décisif
dans ma vie. Les questions existentielles que je me posais
de temps à autre jusque-là deviennent dès lors primordiales.
La vie a-t-elle un sens ? Se poursuit-elle après la mort ?
À partir de ce moment, j’abandonne progressivement les
sujets conventionnels sur lesquels je travaillais en tant que
journaliste pour bientôt ne plus me consacrer qu’exclusivement
à mon enquête sur la vie après la mort.
Rapidement, je commence à entendre des témoignages
similaires à celui de Lucie. Ce qui lui est arrivé ne semble
pas unique, loin de là. Les récits identiques s’accumulent
au fil de mes recherches et bientôt je dois faire le constat
que de très nombreuses personnes expérimentent ce qui ressemble
à des formes diverses de communication spontanées
après la mort d’un proche. Comme dans le cas de Lucie,
ces expériences se produisent sans que les témoins ne les
aient voulues ni cherchées. Ces récits ne vont cesser de me
surprendre, de m’émouvoir, de me stupéfier. Ils évoquent
des sensations de présence, des signes de toutes natures et
intensités, des visions, des messages télépathiques, des rêves,
des apparitions, etc. et s’avèrent bien plus fréquents que je
ne l’imaginais. En effet, des millions de femmes, d’hommes
et d’enfants à travers le monde font ce type d’expériences
après le départ d’un proche. Un nom leur a été donné. On
parle de vécu subjectif de contact avec un défunt, dont l’acronyme
est VSCD. Lorsqu’on se tourne vers la psychiatrie
pour savoir s’il pourrait s’agir d’hallucinations, la réponse
de ceux qui travaillent avec des personnes en fin de vie ou
sur l’accompagnement du deuil et qui ont étudié ces témoignages
est formelle : il s’agit d’expériences très curieuses qui
dépassent manifestement notre compréhension, mais elles
n’ont rien à voir avec des hallucinations.
Ces expériences se produisent dans près d’un deuil sur quatre
en France. Rien que pour l’Hexagone, cela représente chaque
année plus de cent cinquante mille personnes ! Vous, votre
voisin, votre conjoint, votre épouse, vos amis, vos enfants…
Ces témoignages sont variés et si répandus qu’ils sont un
rappel permanent, dans un monde qui a gommé le spirituel
de sa définition si étriquée de la réalité, que cette
dimension existe bel et bien. Il va cependant me falloir
des années avant de l’admettre. Mon refus initial de reconnaître ces expériences pour ce qu’elles sont devient presque irrationnel tant ces comptes rendus
de communication après la mort ne constituent pas des
anecdotes rares et suspectes, mais une réalité quotidienne
et indiscutable vécue par tant de personnes. Notre vision
du monde est façonnée par notre éducation, et je me rends
compte combien il est difficile de s’affranchir de ses préjugés,
même quand les faits les contredisent.
Et puis, notamment après la mort de mon père, je vais vivre
moi-même à plusieurs reprises des expériences curieuses, et
cela va changer en profondeur ma façon de voir les choses.
Devant l’accumulation de tant de témoignages, parce qu’il
est absurde de taire indéfiniment ce qui arrive à tant d’entre
nous, j’ai voulu les explorer, les écouter et présenter les plus
représentatifs dans un nouveau livre. Montrer, après Le test,
qui aborde la réalité de la communication médiumnique,
que ces contacts par-delà la mort peuvent se produire sans
intermédiaire. C’est comme cela qu’est né Après… dont
la rédaction m’a bouleversé. Car au-delà des récits les plus
incroyables, j’ai été profondément ému par ce qui m’a été
rapporté par des femmes et des hommes témoins de l’incroyable.
Ému, et également surpris.
Ces récits innombrables sont
la preuve que celles et ceux que l’on
a aimés, et que la mort a emportés,
sont en réalité encore en vie ailleurs.
Ils témoignent également de leur désir de maintenir un
lien avec nous. Et plus essentiel encore : ils nous invitent à
reconsidérer la mort, même si souvent à nos yeux meurtris
elle a l’apparence de l’injustice.
Ces témoignages nous disent que la mort n’est qu’un voile
d’illusion. Ce constat se situe au-delà des croyances et
des religions. La vie ne s’interrompt pas, elle se poursuit,
immuable, offrant le cadre d’une évolution dont les paramètres
échappent en partie à notre entendement tant que
nous sommes incarnés dans ce monde de matière. La mort
est une étape dans le long déroulement de la vie. Une étape
qui a du sens, dans une vision élargie de l’existence.
Alors non, cela ne fait pas disparaître comme par enchantement
la douleur implacable de l’absence. Le manque est là,
terrible, insoutenable. La mort reste une déchirure, même
pour ceux d’entre nous qui pressentent que la vie se poursuit
après. Mais lorsque le poids de l’absence s’apaise – et
c’est possible – s’ouvre alors une autre vie où la dimension
spirituelle se révèle. C’est l’une des surprises les plus bouleversantes
de mon enquête : découvrir combien pour plusieurs
des personnes ayant accepté de se confier, l’épreuve de la perte
d’un être aimé aura été le moteur d’un éveil spirituel. D’une
reconnexion à cette dimension que nous portons, mais dont
le quotidien nous fait oublier le rôle essentiel. Au-delà de la
douleur et de la peine, la mort est une étape, certes majeure, mais pas nécessairement « injuste » ou « absurde », dans le fil
d’une relation d’âme à âme qui surpasse par sa puissance la
liaison temporaire qui fut celle de deux êtres sur Terre. Un
fils et sa mère, un mari et sa femme, un enfant et son père…
une fois que l’un est « mort » la relation se poursuit, et cette
« mort » peut devenir source d’enseignement et d’évolution,
pour l’un, comme pour l’autre.
Une autre découverte de cette enquête aura été de réaliser
combien parfois, quelque chose en nous semble pressentir la
mort. En 2001, déjà, j’avais été intrigué par une réflexion
de mon frère Thomas avant son décès accidentel. Il avait
en effet confié plusieurs semaines avant de fêter ses trente
ans qu’il avait toujours su que quelque chose de spécial lui
arriverait une fois passé cet âge, « qu’il commencerait sa
vraie vie… ». Il a été tué vingt jours après son anniversaire.
Dans les journées qui ont précédé l’accident, d’autres
signes se sont produits, mais ils sont demeurés illisibles.
Comment aurait-il pu en être autrement ? Nous n’avons
jamais appris à comprendre comment fonctionne notre
intuition. Nous n’avons reçu aucune éducation nous invitant
à utiliser rationnellement notre sixième sens. Comment
en effet dissocier dans nos ressentis, nos pensées,
dans ces signaux inconscients qui jalonnent nos existences,
ce qui est de l’ordre de nos productions émotionnelles –
nos peurs ou nos désirs – de ce qui pourrait constituer des
prémonitions, des brèches ouvertes sur le futur ?
,Mais le fait est là,
il y a eu ces signes.
Alors dans le cours de mon enquête, quelle n’a pas été ma
surprise de découvrir que tel homme avait dit à sa compagne
avoir « vu la mort » trois jours avant de se tuer en
base-jump. Ou cet autre qui décide de visiter tous ses amis
durant les quinze jours qui précèdent son décès, « comme s’il
avait pris le temps de voir tous ceux qui lui étaient chers, avant
ce jour de l’attentat », me livra sa mère. Ce furent les premiers
d’une longue série dont je livre les récits dans Après…
Rapidement, ils sont devenus trop nombreux pour que je
puisse me raccrocher à l’idée qu’il ait pu s’agir de coïncidences.
On ne peut pas toujours qualifier de « coïncidences »
les faits troublants qui ne cessent de se produire autour de
nous. Certes ces « signes prémonitoires » sont inconscients,
en général indéchiffrables avant que l’événement auquel ils
se rapportent se produise, mais ils se présentent, et doivent
bien avoir une signification. Quelque chose en nous sait-il que
la mort approche ? Quelque chose en nous s’y prépare-t-il
inconsciemment avant que cela n’advienne ? De nombreux
éléments de réponses à ces questions vertigineuses nous sont
accessibles. Il suffit pour cela d’écouter ces innombrables
récits, ou alors de laisser un espace ouvert
en nous afin que les murmures bienveillants
de l’au-delà nous deviennent perceptibles.
C’est possible pour chacun de nous…
Écrivain et réalisateur, Stéphane Allix est devenu journaliste en rejoignant clandestinement, à 19 ans, en 1988, les résistants afghans en lutte contre l’occupant soviétique. Durant les années 90, il a voyagé à travers le monde, couvert plusieurs guerres, réalisé des films, et écrit plusieurs livres.
Depuis 2003, il est engagé dans l’étude et la recherche sur les conséquences de la révolution scientifique en cours, avec une approche comparée de disciplines telles que la psychia ...
À
retrouver
dans
Inexploré n°40
Au-delà : si la mort n'est pas la fin...
L'ensemble des phénomènes étranges liés à l’étude de la conscience : expériences de mort imminente, sorties hors
du corps, médiumnité... semblent indiquer la survivance de
l’esprit ou d’une forme de mémoire. Mais avons-nous pris la mesure de
ce que soulève vraiment cette perspective, sur notre psyché, notre société ?
Si la mort n’est pas la fin, comment repenser le chemin du deuil, l’épreuve
la plus sensible et difficile qui soit ? Vers quelles contrées allons nous au moment du départ ? Si la mort n’est pas la fin, peut-être a-t-elle
alors un sens ?
Face à ces questions vertigineuses, la rédaction vous livre dans ce dossier
les fruits de ses dernières recherches autour de la grande faucheuse.
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18 janvier 2024
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