L’inconscient est au cœur des théories psychanalytiques, et les visions de Freud, Lacan et Jung offrent trois interprétations majeures, dont les fondements et implications peuvent différer. Elles semblent cependant se rejoindre sur cette question : ce qui nous échappe dirigerait-il nos vies ?
Santé corps-esprit
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L’inconscient, tel que nous le comprenons aujourd’hui, a été modélisé par le psychiatre Sigmund Freud, car avant lui, le concept était flou, perçu de manière sporadique à travers des croyances mystiques ou philosophiques. « L’inconscient est un terme plus ancien que l’usage qu’en fait Freud. On le rencontre chez les philosophes allemands comme Friedrich Nietzsche ou Arthur Schopenhauer. Mais l’invention freudienne est qu’il en fait une méthode thérapeutique », explique la psychanalyste Laurie Laufer(1). À la fin du XIXe siècle, Freud propose une modélisation scientifique claire, grâce à l’observation de ce qui se produit dans la cure, au contact direct de ses patients. Freud écrit dans Essais de psychanalyse (éd. Payot, 1965) : « La division du psychique en un psychique conscient et un psychique inconscient constitue la prémisse fondamentale de la psychanalyse, sans laquelle elle serait incapable de comprendre les processus pathologiques. » L’inconscient est donc une « modélisation », une base pour le travail analytique.
Il considère comme une petite révolution le fait qu’une partie puisse être « cachée » chez l’individu, et qu’elle soit agissante, qu’elle ait des répercussions sur la vie. « L’inconscient est ce qui échappe à notre part consciente, à notre volonté. Il s’exprime par les rêves, les lapsus, les actes manqués, les oublis ; en somme, par ses formations, par ses manifestations. L’inconscient, c’est le vivant en nous », explique Laurie Laufer. Et cet objet d’étude ne va cesser d’être remanié d’un point de vue théorique, avec d’autres praticiens comme Jung, Jacques Lacan ou encore Françoise Dolto, faisant évoluer notre regard tout au long des 150 dernières années. L’inconscient demeure en partie énigmatique, et pourtant, une forte résistance persiste à l’accepter dans sa véritable nature paradoxale : celle d’échapper à la conscience.
Freud : l’objet d’étude dont découle la méthode
L’inconscient peut être exploré à travers l’interprétation, une méthode issue de l’association libre qui se déroule dans le cadre du transfert avec le psychanalyste. Lorsqu’un patient suspend son jugement et s’exprime librement, sans autocensure ni contrainte morale, son discours révèle des enchaînements d’idées significatifs. L’essentiel réside dans la manière dont ces associations se forment et évoluent, sous l’écoute attentive et spécialisée du psychanalyste, formé à déceler les liens inconscients sous-jacents.
« La méthode, c’est la manière de s’approprier sa réalité, c’est-à-dire la réalité psychique qui va être produite en psychanalyse avec l’interprétation, car elle est déterminée par mon désir inconscient. Nous allons produire une nouvelle réalité, la réalité psychique, et de là le sujet pourra produire une nouvelle réalité dans sa vie. En ça, c’est la méthode la plus efficace qui a accès à cette production du psychisme : un sujet qui n’a plus besoin d’être malade pour parler n’a plus besoin des symptômes. L’instrument thérapeutique de la psychanalyse enlève les obstacles et produit notre propre désir inconscient », explique la psychanalyste Clémence Loonis sur sa chaîne YouTube.
Cette première approche fonde la psychanalyse en tant que discipline, avec l’idée que l’inconscient est un lieu de conflits entre les désirs refoulés et les mécanismes de défense du moi. « Tout ce qui va produire un déplaisir dans notre appareil psychique, on va l’éliminer », explique Clémence Loonis. Lorsque nous dormons, la censure dort aussi, mais elle revient au réveil ; c’est le mécanisme du refoulement qui agit alors. Il s’agit d’un mécanisme de déformation et de déplacement, qui permet de « coder » le désir qui s’exprime, afin qu’il passe la barrière de la conscience et de la censure. L’appareil psychique désire, et il décharge cette énergie en rêvant, de manière à rester « inconscient » de ce qui se trame, car l’inconscient est, selon Freud, un réservoir de pulsions refoulées, notamment sexuelles et/ou infantiles (dites primitives), qui influencent nos pensées et nos comportements. Et c’est parce que le sujet n’assume pas consciemment ces désirs qui entrent en conflit avec sa morale qu’il va résister et « déguiser » ses pulsions. Freud s’intéresse de près au fonctionnement, car « c’est le rêveur qui est interprété, le désir du sujet qui a été le moteur du rêve, voie royale d’accès à l’inconscient. L’interprétation, c’est la réalisation d’un désir », conclut Clémence Loonis. Cette orientation très « sexuelle » du refoulement ne plaira pas aux nombreux détracteurs de Freud.
L’inconscient est ce qui échappe à notre part consciente, à notre volonté. Il s’exprime par les rêves,
les lapsus, les actes manqués, les oublis...
Lacan : l’inconscient comme langage
Dans le sillage de Sigmund Freud, le psychanalyste français Jacques Lacan élabore et réinterprète la conception de l’inconscient en introduisant l’idée qu’il est structuré comme un langage fonctionnant avec des règles similaires à celles qui régissent la langue. Il affirme que l’inconscient est constitué de signifiants (les mots, les symboles) et que les désirs refoulés ne s’expriment pas seulement par des actes involontaires, mais aussi par des chaînes de significations qui échappent à la conscience. (...)
Journaliste et rédactrice en chef adjointe d'Inexploré magazine
Melanie Chereau est journaliste et auteur de plusieurs ouvrages. Ses thèmes de prédilection sont la spiritualité, la naturopathie et les médecines douces.
Elle pratique le bouddhisme depuis plus de 17 ans, est formée en Reiki et en aromathérapie. ...
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Inexploré n°66
Inconscient
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