Découvert en Occident à la fin du XXᵉ siècle, le mystique hindou prône une spiritualité au-delà des religions.
Inspirations
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Qui est réellement Râmakrishna, connu pour avoir professé que toutes les religions recherchent le même but ? Né en 1836 sous le nom de Gadâdhar Chattopâdhyâya, il grandit au sein d’une famille de la caste des brahmanes, dans l’Inde paysanne de la région du Bengale, à Kamarpukur, non loin de Calcutta. L’enfant enjoué, un peu excentrique, y rencontre de nombreux pèlerins et connaît sa première extase à l’âge de six ans.
D’obédience vishnouiste, l’un des courants de l’hindouisme, il est très tôt animé par le désir de rencontrer le divin. À vingt ans, il devient prêtre à Dakshineswar dans un temple consacré à la déesse Kali, la Mère divine, renvoyant à l’énergie féminine de Dieu, dont il raconte avoir senti la présence, lors d’une extase : « Je perçus un océan d’esprit, sans limites, éblouissant. De quelque part que je tournasse les yeux, aussi loin que je regardais, je voyais arriver d’énormes vagues de cet océan luisant. Elles se précipitaient furieusement sur moi, avec un bruit formidable comme pour m’avaler. En un instant, elles furent sur moi, elles s’écoulèrent, elles m’engouffrèrent. Roulé par elles, je suffoquai. Je perdis toute ma conscience naturelle, et je tombai... »(1) Depuis lors, il entre dans une période d’exaltation, régulièrement en transe, à travers la prière, le chant et la danse. À tel point qu’il se demande s’il n’est pas fou !
Celui qu’on finira d’ailleurs par surnommer « le fou de Dieu » appelle ces états modifiés de
conscience bhava, qu’il qualifie aussi parfois de samadhi, en
référence au terme employé dans le Yoga-sūtra de Patañjali, l’un des
textes fondateurs du yoga en Inde, qui aurait été rédigé entre 200 av. J.-C.
et 500 apr. J.-C. Engagé sur la voie de la bhakti (lire encadré), il passe forcément par cet état d’absorption dans le divin, de concentration extrême, qui entraîne une transformation physique : « Cela ressemble à un tireur en train d’envoyer un coup de fusil ; le tireur devient muet et sa respiration s’arrête. »(2)
L’expérience de Râmakrishna va l’amener à ressentir la présence de Dieu à travers plusieurs avatars ou incarnations, dont Allah et Jésus. Il est alors persuadé que les bhava enseignés et pratiqués par toutes les religions se valent : « J’ai pratiqué toutes les religions, du christianisme à l’islam et j’ai suivi chacune des voies propres aux diverses sectes de l’hindouisme. Et il m’est apparu que par des voies différentes toutes cheminent à la rencontre du même Dieu [...] Personne ne réalise que celui qu’on appelle Krishna est aussi appelé Shiva ou bien l’Énergie divine (Shakti), Jésus ou Allah, ou encore Rama avec ses mille noms. »(3) C’est ainsi que celui que certains ont pu identifier comme étant un avatar de Vishnu sort de ce costume trop étroit pour en prendre d’autres et faire un pont entre toutes les représentations de Dieu, et donc ainsi les multiples courants religieux de son pays et les grandes religions à travers le monde.
« Les 4 voies du Yoga »
Vivekananda (1863-1902), qui a contribué à faire connaître l’enseignement de Râmakrishna, a joué un rôle important dans la diffusion du yoga à travers le monde occidental, notamment en publiant le livre Raja yoga (éd. Hachette Livre, 2013). Si le but est toujours de favoriser le développement du corps, du mental et de l’âme, le disciple identifie quatre voies distinctes – karma yoga, bhakti yoga, jnâna yoga et raja yoga – déjà mentionnées par Krishna dans la Bhagavad-Gita, l’un des textes fondamentaux de l’hindouisme. En s’appuyant sur l’observation des tendances psychologiques des personnes, l’apprentissage va être favorisé par la relation directe avec un maître spirituel ou gourou (en sanskrit). La première est la voie de l’action désintéressée, sans attachement, qui s’adresse surtout aux personnes naturellement actives. La seconde est la voie de la dévotion, menant à l’amour inconditionnel ; c’est la voie que Râmakrishna privilégie et qui convient plus particulièrement aux personnes sensibles et émotionnelles. Le troisième est la voie de la connaissance adaptée aux plus rationnels et intellectuels qui souhaitent développer leur discernement. Enfin, le raja yoga est la voie des rois, celle de la connaissance de soi par la concentration sur le corps et l’esprit, en pratiquant les âsana (postures) et les prânayama (respirations). C’est la voie que nous connaissons le mieux en Occident et qui s’adapte surtout aux personnes méditatives. Même si ces distinctions aident notre esprit cartésien à mieux appréhender le yoga, elles n’existent pas dans la tradition hindouiste. Si toutes les voies se mélangent pour atteindre le sâmadhi, Bernard Bouanchaud, professeur de yoga, spécialiste des sagesses indiennes, auteur d’un livre sur le Yoga-sûtra(6), insiste particulièrement sur l’importance d’habiter son corps : « La spiritualité, c’est bien, mais encore faut-il qu’elle s’incarne dans un corps en bonne santé ! »
Journaliste, Julie Klotz écrit dans les domaines des spiritualités, des religions, de la psychologie, des neurosciences, dans le but de participer à une évolution des consciences.
Elle est notamment l'auteure des ouvrages « Les 4 Accords du couple » (éditions Fayard, 2022) et « L’Exorcisme – Guérison des maladies de l’âme » (Guy Trédaniel éditeur, 2018).
Également professeure de yoga, son cheminement l’a tout naturellement menée à équilibrer corps et esprit et à vivre en harmonie avec la n ...
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13 octobre 2014
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