La notion de karma est intimement liée aux sciences védiques et particulièrement
au jyotish, l’astrologie indienne. Un art qui est, non seulement, en mesure de prédire
le potentiel de douleur et de souffrance d’un individu, et ce, de manière précise,
mais qui propose aussi l’emploi de remèdes.
«
À chaque action, l’Univers entier réagit, collecte et renvoie les fruits de celle-ci, en dehors de toute idée de justice, de vengeance ou même de moralité si nous nous référons aux Lois de Manu, Mānava-Dharmaśāstra
, qui développent une vision complète de la loi du karma », avance François Leleu, astrologue védique, auteur et enseignant spirituel. Aussi, la douleur est inévitable puisqu’inhérente à la nature humaine, et toute la subtilité du
jyotish va être d’aider à discerner cette part fixe de malheur qu’un individu va vivre dans sa chair de la part variable de souffrance qu’il peut créer dans son esprit. La douleur est «
une invitation du divin à s’entreprendre », sans compromis ni échappatoire, souligne l’astrologue. Et le
jyotish ne se contente pas d’énoncer, il propose aussi des remèdes à la souffrance. Alors, pourquoi souffre-t-on maintenant ? Peut-on atténuer la souffrance ?
Le karma est consigné par les planètes
«
Au moment de la naissance, les planètes consignent le karma d’un individu. Elles ne donnent pas le karma. Elles sont juste là pour montrer les choses telles qu’elles sont au moment précis où un individu vient sur Terre », précise François Leleu. Et pour aborder la qualité du karma d’un individu, on peut commencer par regarder «
le maître de l’ascendant placé dans des maisons lourdes (6, 8 et 12) qui sont les maisons des obstacles », ajoute l’astrologue. Justine Savitri, astrologue et formatrice, mentionne qu’il faut entrer dans l’intimité d’un thème pour découvrir le
karma d’un individu : «
Il existe des thèmes très similaires, mais des vies aux parcours bien différents, à l’exemple de Joseph Staline et Ramana Maharshi. » Ces deux personnalités ont marqué l’histoire de manière fondamentalement différente, bien qu’elles aient, de prime abord, de grandes similitudes dans leurs thèmes de naissance. En outre, il existe des unions, ou
yoga, qui déterminent certains enjeux qu’un individu va rencontrer dans sa vie. Pour Justine Savitri, le ciel de naissance donne aussi des indications précieuses à travers ce que le
jyotish appelle l’axe
Rahu-Ketu. « Rahu
est le nœud nord et Ketu,
le nœud sud. Rahu
représente les désirs de l’incarnation, mais aussi notre zone d’inexpertise, ce que nous aurions voulu réaliser dans une vie passée, sans avoir eu l’occasion de le faire. Ketu
est, quant à lui, notre zone de confort, voire de rejet, ce que nous avons déjà expérimenté dans les vies précédentes, mais que nous n’avons pas fini ; c’est ce que l’on doit conclure. » Et ce qui doit être vécu, en vertu de la loi du karma, le sera forcément.
Une douleur prédéterminée
«
La perte d’un enfant, la perte de son mari ou de sa femme, la survenue d’une maladie importante… ces événements sont visibles dans le ciel de naissance de quelqu’un, ce qui veut dire qu’ils sont déterminés », explique François Leleu. Ces drames qui peuvent jalonner la vie humaine sont inévitables et représentent une part de karma fixe. Ils arriveront quoi qu’il advienne, et sont prévus bien avant l’incarnation. «
Avant de s’incarner, on choisit son karma. Si on est pressé, on prend un gros karma pour aller vers un Éveil radical. Ou l’on peut prendre un karma plus léger, mais l’Éveil sera plus lent. Ça n’est pas une question de bien ou de mal, mais de choix d’incarnation », ajoute-t-il. Et le concept est dur à tolérer ! La douleur de la perte, la douleur de l’abandon, de la maladie, des capacités qui diminuent… Comment accepter d’avoir choisi un tel supplice quand d’autres humains semblent jouir d’une vie paisible ? «
Notre corps physique, notre famille, notre pays de naissance, notre enfance… Nous ne pouvons échapper à ce karma qui conditionne notre réalité d’adulte. C’est ce que l’on nomme le dridha karma
, le karma ferme lié à cette incarnation », explique Justine Savitri. Et ce sont précisément ces conditions de vie qui portent le potentiel d’une grande douleur. Mais pour Justine Savitri, si certains événements sont figés par la loi karmique, il y a bien souvent une opportunité de changement ou d’évolution du karma.
Mais une souffrance variable
«
La douleur est inévitable, mais la souffrance est optionnelle », explique Justine Savitri. «
La souffrance est l’attachement à notre condition d’humain et notre incapacité à reconnaître notre vraie nature, qui est ātman
, l’âme », ajoute-t-elle. Alors, pourquoi souffre-t-on maintenant ? On souffre véritablement de l’ignorance devant la douleur. C’est d’ailleurs le travail d’un esprit non discipliné que celui de s’emparer de la douleur pour la transformer en souffrance. Certains l’appelleront la victimisation, là où d’autres y verront une affliction de l’esprit ignorant. Le remède principal est sans détour : la pratique spirituelle. «
Il faut tourner son regard vers l’intérieur et s’occuper de cette souffrance par le yoga, la méditation, une pratique spirituelle religieuse ou même laïque », explique François Leleu. Justine Savitri corrobore l’idée et précise que si la souffrance est conditionnée par notre nature individuelle, il est tout à fait concevable de penser que nous avons une « maîtrise » de cette condition. Elle ajoute que «
nous pouvons choisir d’accepter la douleur sans pour autant créer un attachement à celle-ci. La souffrance devient alors un choix (kriyamana karma
ou libre arbitre). C’est ce choix du non-attachement à la douleur, grâce à notre discernement (viveka
) qui nous met en action (karma
), coupant alors le cycle des samsaras ou réincarnations et du monde la douleur. » Et lorsque l’on décide de s’occuper de sa souffrance, il est possible de se tourner vers le
jyotish, qui propose des remèdes.
Notre corps physique, notre famille, notre pays de naissance, notre enfance… Nous ne pouvons échapper à ce karma qui conditionne notre réalité d’adulte.
Remèdes et psychomagie pour le karma
Pour faire face au karma, trois acteurs ont un rôle à jouer, selon Justine Savitri. Dieu accomplit 50 % du travail, l’enseignant spirituel en fait 25 % et l’individu est responsable des 25 % restants. Pour engager ces 25 % de libre arbitre, on peut corriger son karma de manière passive avec le choix de couleurs, les encens, les symboles, les
yagyas, les
pujas, les
yantras ou encore les pierres précieuses. Autre manière de dialoguer avec le karma, la démarche assertive qui engage la prière et la méditation, l’affirmation, l’étude du yoga, le service et la charité, ainsi que l’alimentation. «
L’assertion est beaucoup plus efficace que la démarche passive, puisque nous sommes davantage engagés dans le processus de changement », précise l’astrologue. En outre, les préconisations du
jyotish revêtent parfois des aspects psychomagiques étranges au premier abord, mais qui agissent profondément sur le plan symbolique. «
Les effets planétaires peuvent donc être atténués par des disciplines spéciales, telles que nourrir les corbeaux pour Saturne ou planter certains arbres pour Jupiter », affirme Justine Savitri. Enfin, pour qu’un remède fonctionne, il faut s’investir sur la durée. «
Les remèdes vont agir de plusieurs façons, à la fois sur le plan énergétique, émotionnel puis matériel. C’est pourquoi il faut 40 jours à un remède pour agir. Les remèdes agissent à la fois sur la pensée et les croyances, les émotions et le subconscient ou l’instinct », conclut-elle.
Se libérer par la grâce et la foi
«
Il y a des grâces qui peuvent se deviner dans un thème natal, notamment avec la grâce du dharma lié à Jupiter et à la maison 9, mais il y a aussi des grâces qui restent dans le secret du divin », explique François Leleu. Et la grâce est la transformation ultime d’un karma par la volonté du principe divin. Aussi, ce qui semblait inévitable peut devenir évitable, ou du moins prendre une autre forme dans la matière. Pour Justine Savitri, cette dimension est intimement liée à un remède qui sort du lot : la foi. «
La seule et unique chose qui pourrait interférer avec notre karma fixe est la Conscience universelle, que certains appellent plus communément Dieu. Seuls sa volonté et son pardon peuvent nous libérer du karma auquel nous faisons face. C’est ce que l’on nomme prāyaśchitta
ou l’expiation chez les chrétiens », précise l’astrologue. Guérisons miraculeuses, repentances inespérées, renaissances après des souffrances innommables… Celui ou celle qui comprend sa part de responsabilité dans la souffrance du monde, que ce soit par ses choix passés ou présents, est animé d’un puissant appel au pardon. «
Finalement, prāyaśchitta
serait l’unique remède à nos maux. Car rien ne peut compenser un réel désir de pardon et une foi profonde en cet “être” universel, omnipotent et omniprésent », conclut Justine Savitri.
Alors, si l’aspect déterminé du karma peut être décourageant quand la douleur s’abat, le
jyotish propose d’agir sur la souffrance. Il est possible d’atténuer son karma, par un grand investissement et une pratique spirituelle sincère et authentique.