Comment être femme aux différentes étapes de sa vie ? Comment affirmer sa personnalité au-delà des clichés sociétaux ? Comment se libérer par sa propre force et son identité personnelle, faire des choix et les assumer ? Tout autant de questions que se pose la psychologue clinicienne et psychanalyste transpersonnelle Martine Gercault. « Quand je me penche sur ma vie, elle me semble multiforme, non conventionnelle, aventureuse et riche. J’ai bravé beaucoup d’interdits en devenant ce que je suis, hors norme ! Après toutes ces années, je ressens avec gratitude ce privilège de vivre en pleine conscience les différentes tonalités de mon être : je l’enseigne aux femmes qui me consultent » confie cette thérapeute qui a ouvert la profession à de nouvelles pratiques (respiration holotropique, états d’expansion de conscience, chamanisme ancestral, peinture, danse, musique) grâce auxquelles « une nouvelle femme naquit, dans sa pluralité. »

L’égérie du cannabis Michka, navigatrice, auteure et co-fondatrice de Mama Editions se considère quant à elle comme un esprit libre, plutôt novateur. « Mais notre culture nous moule et nous modèle à notre insu, regrette-t-elle. J’ai dû attendre d’avoir près de 70 ans pour découvrir que le cycle menstruel féminin constitue une suite de quêtes initiatiques de vingt-huit jours dont, cependant, on ne récolte le plein bénéfice qu’en s’isolant chaque mois le temps de ses « lunes ». »

Regagner sa souveraineté

Offrant un espace d'expression aux femmes à travers l'édition et la promotion de leurs ouvrages, Michka l'avant-gardiste considère « exaltant de voir les femmes aujourd’hui regagner leur souveraineté intérieure, redécouvrir leur force, leur pouvoir personnel, la fierté de leur sexe. Se réapproprier la naissance, la reprendre des mains patriarcales et techniciennes qui se l’étaient appropriée. Lui rendre sa chaleur humaine et sa valeur sacrée. »

Durant ses initiations chamaniques et son travail en état d’expansion de conscience, Martine Gercault est devenue Louve. « Le travail sur moi-même en états modifiés de conscience m’ouvrit sur des espaces aux limites abrogées, je me découvris dans mon corps, mes émotions, ma colère, ma féminité et mes désirs personnels, je donnai le jour à la femme en moi réanimée, à la nomade, dont la terre nourricière se nomme maintenant féminité. Mon instinct me faisait opérer ma propre révolution intérieure. Je quittai les chapelles analytiques régies par la Loi du Père, en l’occurrence une pensée freudienne devenue trop académique. J’avais trouvé mon chemin à partir de ma féminité, et grâce à elle je fus génitrice de moi-même. Je devins une rebelle. » Mais face au féminisme, Martine assume avoir choisi la féminité. « Toute ma vie vola en éclats comme un feu d’artifice… C’est en rencontrant ma féminité que j’ai pu me guérir et aider dans leur passage les hommes et femmes en errance psychique, affective et sexuelle. »

Les recherches de l’historienne, essayiste et journaliste Audrey Fella portent sur la femme et le sacré et sur les diverses expressions vivantes de la spiritualité contemporaine incarnée par les femmes. « Depuis l’aube de l’humanité, la femme est une initiatrice, éclaire cette auteure. Elle sait les gestes qui prennent soin, nourrissent, guérissent, mettent au monde, ensevelissent les morts… Elle connaît les rituels qui accordent les énergies de la terre et du ciel ». Ses expériences vécues lui ont permis d’entrevoir une nouvelle manière d’être qui invite chacun à naître à soi pour se relier plus harmonieusement aux autres, au Féminin sacré – qu’on soit homme ou femme – et à la Terre mère. Toutes les femmes qu’Audrey a rencontrées pour l’écriture de son livre Femmes chamanes l’ont aidée sur le long chemin de la guérison de ce féminin « qui est en chacun de nous et qui doit nous permettre de nous enfanter, autrement dit de devenir nous-mêmes, et de retrouver le lien avec notre prochain. »

Une maternité spirituelle

Lors de sa riche enquête parmi les femmes chamanes, la journaliste a rencontré six occidentales remarquables initiées par des chamanes de diverses traditions, amérindienne, amazonienne et mongole et par les esprits de la nature. Un voyage chamanique, un stage de chant sacré, un atelier de peinture de sable, une diète de rose et d’autres rituels l’ont ainsi conduite sur un chemin de transformation au terme duquel elle a le sentiment d’accoucher d’elle-même. « On naît femme et on le devient en explorant son corps et son âme, dont son féminin et son masculin, révèle Audrey Fella. Le féminin, c’est cette capacité à recevoir ce qui est plus grand que soi pour ensuite mettre au monde. Ce qui est une sorte de « maternité spirituelle ». C’est cette aptitude à plonger en soi pour rencontrer son être divin et sacré, être et agir à partir de lui pour régénérer le monde et l’humanité. »

Auteure de De la douleur à la douceur et de Splendeur des âmes blessées, Agnès Stevenin sait ouvrir les cœurs pour y puiser les ressources de la guérison, physique et psychique. Lorsqu’elle a découvert son don à l’âge adulte, sa vie a basculé de l’état ordinaire à celui de soignante énergétique, de guérisseuse de l’âme. « J’ai toujours aimé être une femme. D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais envié les garçons. Je me suis toujours sentie à l’aise dans mon corps, dans mon univers de femme, dans mes relations avec mes sœurs, mes amies, mes filles, ma petite fille. » Dans sa pratique, l’aspect féminin - et peut-être plus particulièrement encore maternel - est prédominant. « Je n’ai jamais rien fait pour être ainsi, cela fait partie de ma nature. Je vois la vulnérabilité de la personne, ses fragilités, et, comme une maman, j’essaie de la soulager et de me laisser emplir toute entière par une énergie merveilleuse que je ressens comme l’Énergie de la Grande Mère. »

Les quelques mots de Michka à ce sujet sont révélateurs : « Les femmes sont les gardiennes de la vie. Elles sont les mères du monde, qu’elles recréent à chaque instant. »

La force du féminin renaît

Face aux bouleversements sociétaux, comment l’homme trouve-t-il sa place ? « Comment le yin et le yang peuvent-ils se rencontrer et s’accomplir chez les deux protagonistes ? Il importe que l’homme puisse également rayonner de son Yin pour laisser s’exprimer ses facultés empathiques, émotionnelles et sensuelles. Il possède alors cette capacité à devenir “lunaire", sensible pour rencontrer la femme “solaire" qui a su trouver sa place dans une société générée par les diktats masculins » éclaire Martine Gercault.

La force du féminin, longtemps étouffée, est donc en train de renaître. « Les choses sont enfin en train de changer en profondeur, assure Agnès Stevenin, et nous passons dans un cycle qui sera bien davantage régi par les valeurs féminines. De nombreux hommes ne craignent plus leur part féminine. De nombreuses femmes recontactent leur puissance, et sont à l’origine du profond changement de conscience qui voit le jour actuellement. Je ne parle pas des femmes qui sont, par leurs choix personnel, professionnel ou politique, obligées de se comporter comme les hommes... Ce n’est pas ce féminin-là qui doit se répandre. Je parle de cette incommensurable puissance lovée dans nos ventres, de cette capacité à s’abandonner au vivant, à porter la vie au cœur de nous-mêmes et à soigner, chérir, accompagner cette vie instinctivement, intuitivement, aussi, c’est-à-dire en utilisant des sens dont bien des hommes sont coupés. » Michka complète : « Le plus excitant, c’est que nos valeurs mêmes se féminisent. La violence et la compétition ne font plus l’unanimité. L’heure est à la communication non violente, au bâton de parole, à la naissance spirituelle, à la parentalité bienveillante, aux semences libres, aux cultures réellement nourricières, à la communication animale. Au contact avec les esprits de la nature. » Et Audrey Fella de conclure : « De par sa nature innée, et ses dons originels, la femme a la capacité de reconduire l’homme vers son propre féminin, à l’intérieur de lui, de lui montrer la porte visible de l’invisible, pour qu’il chemine vers lui-même, son être divin et sacré, qui est une source de liberté et d’amour. »