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Le
chamanisme
de
la
rose

On connaît la médecine amazonienne et la force de ses plantes psychotropes. Et si le monde avait aujourd’hui besoin d’autres énergies ? Symbole universel d’amour, la rose s’allie à des praticiennes chamaniques pour diffuser son esprit de guérison.
Le chamanisme de la rose
Savoirs ancestraux
Pour Isabelle André, tout commence en Amazonie il y a une dizaine d’années. Proche du burn-out, la psychothérapeute se retrouve par une série de rencontres et de coïncidences au Pérou, où elle découvre l’ayahuasca. En fin de séjour, le chamane lui propose de continuer son initiation pendant un an. Mais impossible pour elle de rester aussi longtemps ! « Tu vas rentrer chez toi et poursuivre un processus d’apprentissage avec une autre plante, lui dit-il. La rose. »

La rose ? Loin de la radicalité de l’ayahuasca, elle aussi a sa médecine. Moins yang, plus yin. Mais peut-être pas moins efficace… Les cultures chamaniques considèrent que chaque espèce végétale est dotée d’une intelligence propre. Certaines soignent le corps, d’autres ouvrent notre conscience et nous guident dans notre évolution intérieure. Pour se mettre en relation avec leur énergie et recevoir leur aide, il faut les « diéter », c’est-à-dire les absorber quotidiennement durant un temps donné, en observant certaines restrictions comportementales et alimentaires.


Guérir le coeur


Après réflexion, Isabelle André s’astreint pendant un an à cette diète de rose. Cette année-là, elle rencontre son mari et emménage à la campagne – deux changements déjà notables –, puis poursuit son quotidien sans attentes particulières, jusqu’à remarquer qu’elle ne cesse de voir des coccinelles. « Pratiquement tous les jours, pendant toute une année ! », précise-t-elle. D’abord interpellée, elle finit par comprendre qu’elles sont le signe que lui envoie la rose pour « garder le contact » et communiquer avec elle. Depuis, quand elle en ressent la justesse, la psychothérapeute intègre la diète de rose dans ses accompagnements – notamment lorsqu’il s’agit d’aider la personne à transcender ses blessures affectives ou à s’ouvrir à l’amour.

Les cultures chamaniques considèrent que chaque espèce végétale est dotée d’une intelligence propre.


Et s’il y avait là quelque chose d’important ? Universellement, la rose évoque l’ouverture du cœur. Depuis l’Antiquité, on la retrouve dans des textes religieux, l’enluminure de livres saints ou l’architecture de lieux sacrés. En Islam, on dit qu’elle serait née d’une perle de sueur de Mahomet. Chez les chrétiens, que le sang du Christ l’a fait fleurir au pied de la Croix. Le Samâ, la danse giratoire des soufis, débute aussi par quelques gouttes d’essence de rose, symbole de cette présence divine que l’on peut ressentir sans la voir ni la saisir… Emblème du paradis pour les premiers chrétiens, porteuse du mystère de la vie et de l’immortalité, elle est en outre en lien avec l’énergie mariale – « Rose mystique » est l’un des noms attribués à la Vierge. « Son énergie est celle du futur, car elle est reliée au cœur, estime un fabricant d’huiles essentielles. Comment guérir le monde sans elle ? Toute blessure est une blessure d’amour... »

La psychothérapeute et psychologue clinicienne Myriam Beaugendre, qui organise elle aussi des diètes de rose, confirme : « Pour la plupart, nous avons été blessés et endurcis par la vie. La rose, c’est la restauration en soi, chez les femmes comme chez les hommes, du féminin, de la douceur, de l’accueil, de la bonté, de la paix. » Par la présence de ses épines, elle nous invite également à explorer notre capacité à poser des limites. « Cette fleur solaire, emblème de beauté et de volupté, a appris à se défendre, pointe-t-elle. Elle peut nous enseigner à prendre notre place, en maintenant à distance ce qui pourrait nous en empêcher. » Et à travailler sur nos ombres – c’est-à-dire sur « les endroits où nous pouvons nous-mêmes être blessants. C’est un chemin initiatique en tant que tel. »

Elle, a d’abord rencontré la rose « spirituellement », à l’occasion d’une cérémonie. « Ce qui m’a intéressée, c’est que c’est une plante de chez nous, expose-t-elle. Elle est un point de rencontre entre la tradition chamanique et la culture chrétienne, par la présence de la Vierge Marie. Après avoir appris à travailler avec l’esprit des plantes en Amazonie pendant dix ans, il me semblait pertinent de ramener et d’intégrer ce savoir ici, en l’appliquant aux plantes qui font partie de notre héritage. » La rose ouvre une porte : celle d’un chamanisme au féminin, axé sur la douceur et l’ouverture du cœur. Celle d’un chamanisme occidental, aussi, invitant dans son élan au réveil de l’esprit des plantes et des arbres de nos régions, ainsi qu’à la redécouverte de leurs pouvoirs – l’acacia pouvant par exemple « accompagner les changements de vie », indique Isabelle André, et le millepertuis « aider au nettoyage des blessures psychiques ».

Pour qui la tente, la diète chamanique de rose est une expérience directe, intime, sensible, charnelle.


Une expérience intime


Isabelle André se souvient d’une patiente dont le désir d’enfant n’arrivait pas à se concrétiser. En complément de la thérapie, la psychothérapeute lui proposa une diète de rose : une semaine hors du monde, à jeûner et à boire la décoction de pétales de roses qu’elle lui avait préparée. Pas de distraction, à l’exception « d’une ou deux lectures inspirantes » qu’elle était autorisée à amener. La jeune femme choisit un livre d’Hildegarde de Bingen. Durant la diète, elle fit un rêve très fort, où elle vit un homme en bleu frapper à sa porte et lui dire avec insistance : « Tu dois te souvenir de ce rêve. » Un peu plus tard, alors qu’elle se reposait dans son hamac, elle ouvrit l’ouvrage et tomba sur une page où figurait la reproduction d’une vision d’Hildegarde de Bingen : un homme en bleu, représentation du Christ. « Ce dessin illustrait une étude sur la compassion, indique Isabelle André. Pour ma patiente, cette synchronicité fut une révélation, un électrochoc. Nous avons pu travailler sur le thème de la compassion, dans un domaine qu’il lui était impossible d’aborder auparavant. Quelque chose s’est réglé. Elle est aujourd’hui la maman d’un joli bébé. »

Recevoir l’énergie de la fleur en soi, la sentir descendre dans son intériorité puis nourrir les parties blessées ou verrouillées, les ouvrir avec délicatesse, y remettre du soin et de la beauté... Pour qui la tente, la diète chamanique de rose est une expérience directe, intime, sensible, charnelle. « J’ai perçu à quel point cela m’avait aidée à gérer les aléas de ma rupture amoureuse avec calme, souplesse et élégance », témoigne une autre patiente d’Isabelle André. « Depuis, la rose m’accompagne. Un matin, j’ai vu des coccinelles sur un camion de livraison. Quelques minutes après, Isabelle André m’envoyait un SMS pour savoir comment j’allais. J’ai su à cet instant que la connexion avec la rose était bien établie ! » La fleur se manifeste même parfois juste avant que la psychothérapeute propose à ses patients de la diéter : « Quand j’ai soumis à une jeune femme qui me consultait pour des difficultés sentimentales récurrentes l’idée de suivre une diète de rose en accompagnement de sa thérapie, elle m’a appris qu’elle venait de s’offrir deux bouquets de roses, alors qu’elle n’avait jamais auparavant acheté de fleurs pour son appartement ! »

La diète, pour autant, est un processus exigeant. Ouverte par un bain, des chants et des rituels de purification, clôturée (selon les praticiennes) par une hutte de sudation, un bain, des chants et des rituels de protection, elle s’accompagne souvent d’un temps de purge et de nettoyage, en soutien de la démarche. Dans cette perspective, Isabelle André comme Myriam Beaugendre utilisent le tabac, une plante chamanique efficace face à « trop de fermeture, de rancœur et de rumination », précise cette dernière. Spécialiste des médecines amazoniennes, la psychothérapeute Ghislaine Bourgogne organise même des diètes conjointes de rose et de tabac, afin de bénéficier de leurs polarités complémentaires. « Le tabac, c’est le principe masculin, la règle, la rigueur, mais aussi la protection, détaille-t-elle. Il travaille sur la structure, renforce, clarifie et donne de la vaillance. La rose, c’est le principe féminin et le cœur. C’est une plante simple et droite, on le voit à sa tige. Elle demande peu, mais a beaucoup de volonté. Elle est aussi très fine, très subtile. Ses épines représentent les douleurs morales et affectives ; sa fleur, le rayonnement de l’esprit et de l’amour. Il ne peut pas y avoir de plein éveil de l’esprit sans ouverture du cœur. »

Pendant une diète de rose, on peut avoir l’impression qu’il ne se passe rien – à part les bénéfices « classiques » d’une période de ressourcement et de jeûne dans la nature. Mais c’est après, dans les mois, voire dans les deux ou trois ans qui suivent, que les choses peuvent bouger. « Il faut faire preuve de beaucoup d’éthique, de discernement et d’humilité dans ce que nous faisons », commente Isabelle André. Ni elle, ni Myriam Beaugendre, ni Ghislaine Bourgogne n’ont « décidé » de travailler avec la rose : c’est la fleur qui s’est imposée à elles par le biais de signes ou de visions, et leur a demandé de la diéter. C’est elle encore qui les pousse aujourd’hui à diffuser son enseignement. « Un jour en séance d’EMDR, j’ai reçu une vision de poupées russes, illustre Isabelle André. La rose était là. J’ai ressenti dans mon cœur une gratitude et un amour infinis ; j’ai compris que je devais la transmettre. En sortant, j’ai pris une rue que je n’emprunte jamais, et suis tombée sur une boutique dédiée aux poupées russes ! Je suis entrée et en ai acheté une décorée de roses, évidemment... »

Désormais, des thérapeutes suivent des diètes de rose, puis en utilisent l’énergie avec leurs propres patients. « Mais pour en être dignes, il nous faut rester dans une certaine vibration et respecter une hygiène de vie », rappelle Isabelle André. Si la diète de rose est une expérience, il convient surtout de la considérer comme une alliée. « En accompagnement d’un travail thérapeutique, elle offre un véritable chemin de transformation intérieure », conclut Myriam Beaugendre.

Mon amie la rose
Alors qu’elle suivait les enseignements d’un chamane navajo, la psychothérapeute Ghislaine Bourgogne se vit offrir une rose qui, après s’être desséchée, fit une deuxième tige et une autre fleur. « Je l’ai pris comme une invitation à suivre une nouvelle direction », explique-t-elle. Quelque temps plus tard, lors d’une cérémonie chamanique, elle reçut la vision d’une rose. Puis, alors qu’elle était au Pérou en diète de tabac, elle fut « monopolisée » par le souvenir, jour après jour, des paroles de la chanson Mon amie la rose de Françoise Hardy. « Une semaine de diète pour ça, c’est exagéré ! », pensa-t-elle. Mais une voix intérieure lui dit : « Tu ne devrais pas prendre les choses ainsi. C’est un chant pour la médecine, pour les âmes des défunts et pour l’ouverture du cœur. »


À
propos

auteur

  • Réjane d' Espirac

    Autrice et réalisatrice
    Réjane d'Espirac collabore à Inexploré par la rédaction de reportages, de récits, d'entretiens, et la réalisation de documentaires. ...
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À
retrouver
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Inexploré n°48

La roue des émotions

dernière parution

À vous qui êtes sensible… Et si pour une fois, nous faisions vibrer cette corde en conscience et avec bienveillance ?
De l’enfance à l’âge adulte, en passant par l’adolescence, nos émotions nous bousculent, modifient notre corps et influencent toutes nos réactions. Si elles semblent diriger nos vies, apprendre à reconnaitre ce que nous vivons au cœur de la matière serait la première clé indispensable pour vivre conscient. De l’ultrasensibilité à l’extrasensorialité, notre monde intérieur nous offre un terrain infini de transmutations et de cheminements émotionnels, depuis notre inconscient, aux mémoires karmiques et perceptions subtiles.

Pour cette rentrée particulière, Inexploré mag. vous propose de mettre en lumière la roue des émotions, étape indispensable pour mieux vivre le vortex de changements individuels et sociétaux que nous traversons…

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