Son expérience peu commune avait donné lieu à un film, Un monde plus grand, sorti en France en 2019. Corine Sombrun étudie la transe qu’elle a découverte en Mongolie d’un point de vue scientifique et forme des chercheurs afin d’en apprendre davantage sur le fonctionnement de notre cerveau, mais aussi sur les vertus thérapeutiques qui en découleraient.
Après des tests concluant que son cerveau est « normal », Corine Sombrun décide de créer une boucle de son de tambour permettant d’accéder à la transe. Il s’avère que 90 % des personnes écoutant ces boucles parviennent à une transe, soit un potentiel cognitif qui permettrait d’avoir accès à des ressources pour « réaligner » ce qui ne l’est pas. Mais aussi peut-être, aider à comprendre certaines pathologies et accompagner les soins. Grâce à l’Institut TranceScience, qu’elle a cofondé avec le P
r Francis Taulelle, Corine Sombrun multiplie les recherches scientifiques sur le sujet.
Vous devez aussi former beaucoup de professionnels de santé qui s’y intéressent ?
Nous sommes encore très peu de formateurs et de façon à conduire la mise en place d’études cliniques, j’ai fait le choix de commencer par former des professionnels de santé à la transe : médecins, psychiatres, et psychologues. Il leur faudra quatre ans de formation pour pouvoir utiliser leurs acquis dans un cadre thérapeutique, dont deux années de DU et DESU à Paris 8. Dès que nous serons davantage de formateurs, pour lesquels il y a aussi quatre années de formation, nous pourrons ouvrir les ateliers à d’autres profils, dont les témoignages du vécu de transe nous intéressent tout autant.
Est-ce que cela peut nous faire comprendre, justement, certaines formes de pathologies psychiatriques ?
C’est ce que nous espérons ! En vivant à leur tour des transes, les psychiatres se disent : «
Je comprends un peu mieux. Pas ce que vit mon patient, mais au moins la façon dont notre grille de compréhension de ce que nous interprétions comme des symptômes pourrait évoluer. » Mieux comprendre ce phénomène de dissociation réversible qu’est l’état de transe, permettra donc d’en découvrir les applications thérapeutiques et peut-être aussi les contre-indications.
Donc le but de TranceScience, l’organisme que vous avez lancé, concerne tout ce qu’on vient d’évoquer ?
La première étude clinique en oncologie avec un groupe de volontaires formés à la transe cognitive auto-induite commence en juin 2021, en collaboration avec une équipe du CHU de Liège dont les D
rs Audrey Vanhaudenhuyse et Olivia Gosseries. Ce sera la première au monde, en parallèle avec un groupe formé à la méditation et un autre à l’autohypnose. On va donc former à la transe quatre groupes de dix patients oncologiques, qui seront suivis sur quatre ans. Les critères d’inclusion dans l’étude sont qu’ils aient terminé leur traitement depuis moins d’un an et qu’ils n’aient jamais été formés à une technique de transe. Le but de l’étude, financée par la Fondation contre le cancer de Belgique et le Télévie, est de mesurer l’impact de la pratique de la transe sur la qualité de vie. Particulièrement sur des groupes de symptômes comme le sommeil, la douleur, la détresse émotionnelle, la peur de la récidive, tous ces éléments qui sont à traiter à la suite de traitements lourds. Une autre étude va commencer sur l’impact de la pratique de la transe dans le cadre de douleurs chroniques. Toutes ces études nous permettront d’avoir des éléments de réponse sur l’intérêt thérapeutique de la pratique de la transe.
Et à quel horizon, justement, pensez-vous avoir les données qui donneront lieu à des publications ?
Pour l’étude en oncologie, les patients vont être suivis pendant quatre ans, donc la publication viendra après. Bien sûr il y aura des résultats préliminaires, avec les tendances. Mais par exemple le protocole qu’on a fait en juin 2019 au CHU de Liège avec 27 « transeurs » sous mesure EEG haute densité, c’est-à-dire 256 électrodes, dont je parle dans le livre, devrait être publié cette année, soit deux ans après. Le but était de montrer les similitudes et les différences de la signature cérébrale entre la transe, l’hypnose et la méditation. Un autre protocole a aussi commencé pour mesurer l’augmentation de la force pendant la transe. Le prochain sera sur la mesure de perception de la douleur, qui semble diminuée, et beaucoup d’autres protocoles dont je ne peux encore parler, mais qui vont nous donner beaucoup de réponses pour mieux comprendre ce phénomène et ses applications thérapeutiques. Il faudra certes de la patience pour que tous les résultats soient publiés, mais c’est formidable de pouvoir se dire que nous avons maintenant la possibilité de former autant de sujets d’étude que souhaité et que les « transeurs » volontaires sont très nombreux et aussi enthousiastes que nous !
Pour aller plus loin :
Site du TranceScience
Research Institute
La diagonale de la joie, Corine Sombrun, Éd. Albin Michel, 2021.