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Mommy
brain

De nombreuses études scientifiques se sont penchées sur le cerveau des femmes enceintes et des jeunes mères. Il apparaît que des modifications substantielles existent et sont à l’origine de conséquences comportementales plus ou moins handicapantes.
Mommy brain
Santé corps-esprit
Le mommy brain (ou « momnesia »), est un terme que l’on a vu récemment fleurir dans certaines parutions scientifiques ayant pour sujet la femme enceinte, en lien avec les troubles de la grossesse. De quoi s’agit-il ? « C’est le sentiment éprouvé par de nombreuses mamans que leur bébé est littéralement en train d’aspirer les cellules de leur cerveau, ce qui les empêche d’avoir une pensée claire », résume Jodi Pawluski, neuroscientifique canadienne spécialiste du cerveau matrescent dans son ouvrage Mommy Brain (éd. Larousse). Un phénomène dont souffriraient quatre femmes sur cinq, selon une étude scientifique réalisée en Australie en 2018. Le gotha hollywoodien n’y a pas échappé. En 2019, l’actrice Anne Hathaway, en fin de grossesse, confirme lors d’une interview qu’elle a du mal à se concentrer, et que sa mémoire est défaillante. D’après les recherches de Jodi Pawluski, c’est en 1969 que les premiers travaux sur le cerveau maternel ont été publiés dans une revue scientifique(1). Et c’est seulement en 1986 que le terme mommy brain apparaît. Mais que se passe-t-il vraiment dans le cerveau des mamans, entre mémoire, amour maternel et dépression post-partum ?


Le cerveau se réorganise


La sensation d’être à côté de ses chaussures et que le cerveau tourne au ralenti est courante... et normale, le cerveau des mères étant lui aussi en pleine mutation. « La maternité est liée à une foule de changements cérébraux fascinants, destinés en premier lieu aux soins du nourrisson », pointe la neuroscientifique Jodi Pawluski. Le cerveau se réorganise, il change de focus et se concentre sur le bébé et de nouvelles zones d’apprentissage. Ainsi, des études effectuées en 2017(2) ont pu mettre en évidence que les zones dédiées aux comportements sociaux diminuent au profit de celles engagées dans la fonction d’attachement en jeu dans l’amour maternel. Revenons sur la notion d’attachement : « Elle est fondée sur la formation d’un lien avec une autre personne (le bébé, en l’occurrence) impliquant le fait qu’être avec elle est gratifiant », ajoute la neuroscientifique. La production de l’ocytocine y joue un rôle important, car selon de nombreuses études, les zones cérébrales activées par cette hormone appartiennent au système de récompense. Tandis que dans un même temps, celles associées à la mentalisation et au jugement social seraient littéralement « désactivées ». L’amour maternel pourrait-il prendre sa source dans le cerveau ?


Troubles de la mémoire et rajeunissement


Cette réorganisation du cerveau pourrait expliquer d’une part ce fabuleux pouvoir de l’amour maternel à « motiver et exalter » la maman, et d’autre part ces troubles de la mémoire dont se plaignent tant les femmes enceintes. Alors que les études peinent à mettre en évidence ce ressenti, d’autres comme celles menées par la Dre Elseline Hoekzema de l’université de Madrid ont pu établir que si de nombreuses zones importantes pour la mémoire (par exemple l’hippocampe) étaient plus petites après la naissance, il n’y avait pas de différences dans les performances entre les mères et les femmes qui n’ont pas eu d’enfant, en la matière. Ainsi, on pourrait supposer que durant la grossesse, ces nouveaux mécanismes adaptatifs qui se mettent en place mobiliseraient toute l’attention de la mère, à son insu, entraînant cette sensation de « brouillard ». En 1956 déjà, le pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott revendiquait cette « préoccupation maternelle primaire » à l’origine de ces troubles, qui sont temporaires. Autre bonne nouvelle, étonnante de surcroît, concernant les changements neurobiologiques lors de la grossesse, celle en rapport avec le vieillissement. Une étude dirigée par la Dre Ann-Marie de Lange a pu établir que les femmes qui ont donné naissance à un enfant auraient un cerveau d’apparence plus jeune à l’âge mûr. Un effet qui serait également fonction du nombre d’enfants. Celle-ci a pu examiner les relations entre le nombre d’accouchements et les marqueurs du vieillissement du cerveau. Selon ces données, il semble que le cerveau des mamans soit plus jeune d’environ six mois ; si la différence n’est pas énorme, elle est cependant significative. Finalement, la maternité pourrait se révéler une véritable source de jouvence pour le cerveau.


Cerveau et baby blues


« La dépression du post-partum diffère sur le plan neurobiologique de la dépression pouvant survenir chez les personnes à d’autres passages de leur vie », affirme la neuroscientifique Jodi Pawluski. Si les zones cérébrales impliquées sont similaires, la façon dont elles sont interconnectées et répondent à l’environnement diffère. Dans À la vie, le documentaire de la journaliste Aude Pépin dédié à la sage-femme féministe Chantal Birman et à la maternité, les chiffres relatifs à ce phénomène, étiqueté tabou, font frémir : 12 à 15 % des femmes seraient touchées, et ce, jusqu’à trois ans après la naissance de leur enfant. Si le baby blues fait aujourd’hui l’objet d’une meilleure prise en charge, les études s’y rapportant restent toutefois anecdotiques. Ce qu’on sait à ce jour, d’après notre experte : « La dépression post-partum a été associée à des altérations des zones corticales et sous-corticales du cerveau (cortex cingulaire antérieur, insula, cortex orbitofrontal, amygdale, striatum et hippocampe). » Il est intéressant de constater que toutes jouent un rôle dans la coordination des comportements maternels. Une hypothèse a été avancée, selon laquelle les mères souffrant de dépression post-partum présenteraient une connectivité entre ces zones altérées. La responsable de ces désordres serait l’amygdale, en charge du traitement des stimuli émotionnels. Notre experte appelle à la prudence : « En réalité, nous ne connaissons pas tous les facteurs qui contribuent à cet état dépressif. » Ce qu’il est important de retenir, c’est, d’une part, qu’il est fréquent, et d’autre part, qu’il fait partie du changement neurobiologique le plus rapide et le plus spectaculaire de la vie d’une femme. C’est pourquoi une meilleure compréhension neurobiologique pourrait faire évoluer notre regard sur cet épisode, et ainsi son accompagnement.


(1) « Emotional and Cognitive Changes in Pregnancy and Early Puerperium », A. Jarrahi-Zadeh, F.J. Kane, R.L.Van de Castle, P.A. Lachenbruch, in The British Journal of Psychiatry, 1969.
(2) « Benign Encephalopathy of Pregnancy Preliminary Clinical Observations », Charles M. Poser, Marilyn R. Kassirer, Janis M. Peyser, in Acta Neurologica Scandinavica, 1986.

À
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auteur

  • Catherine Maillard

    Journaliste
    Directrice de la collection l’Éveil du féminin et créatrice du blog uneaura4étoiles dédié à ce mouvement, elle suit des enseignements chamaniques et participe à des cercles de femmes depuis une quinzaine d’années. Catherine contribue au magazine Inexploré depuis plusieurs années en tant que journaliste. ...
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Nous savons que la nature est source d’infinis bienfaits pour notre santé et notre psyché, notre équilibre. Alors, pourquoi continuons-nous collectivement à blesser la Terre mère ?

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Roue de l’année, célébrations, changements de conscience… Atemporelle, essentielle et vitale, cette thématique d’actualité nous concerne toutes et tous. Très belle découverte d’Inexploré n° 57 de la part de toute la rédaction !

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