James Lovelock est médecin, cybernéticien et biologiste. Il est aussi le père de l’« hypothèse Gaïa », une théorie selon laquelle tous les systèmes vivants de notre planète, de la simple bactérie aux organismes plus complexes comme l’être humain, feraient partie d’une même entité. Cette vision surprenante est née dans les années 1970, dans un contexte où l’exploration spatiale (et notamment la recherche de vie sur Mars) accaparait déjà les esprits. Extrait de l’ouvrage La Terre est un être vivant et hommage au chercheur emblématique, désormais décédé.
Sciences
Mudassir Ali/Pexels
Le lien entre les problèmes de pollution atmosphérique globale et mon travail antérieur sur la détection de la vie par analyse atmosphérique était bien entendu l’idée selon laquelle l’atmosphère pourrait être une extension de la biosphère. Il me semblait que toute tentative pour comprendre les conséquences de la pollution atmosphérique serait incomplète et probablement vaine si la possibilité d’une réaction ou d’une adaptation de la biosphère était négligée.
Les effets du poison sur un homme sont modifiés de manière considérable par sa capacité à le métaboliser ou à le rejeter ; le fait de charger une biomasse de substances résultant de la combustion de carburant fossile risquerait d’avoir des conséquences très différentes si on était en présence d’une atmosphère inorganique passive. Des modifications adaptatives seraient susceptibles d’intervenir et de réduire les perturbations dues, par exemple, à l’accumulation de dioxyde de carbone. Une autre hypothèse envisageable est moins optimiste : les perturbations pourraient déclencher quelque changement compensatoire, peut-être dans le climat, qui serait favorable à la biosphère dans son ensemble mais nuisible à l’homme en tant qu’espèce.
Travaillant dans un nouvel environnement intellectuel, je réussis à oublier Mars et à me concentrer sur la Terre et sur la nature de son atmosphère. Le résultat de cette approche plus concise fut le développement de l’hypothèse selon laquelle l’ensemble des êtres vivants sur Terre – des baleines aux virus, des chênes aux algues – pouvait être considéré comme formant une entité vivante unique, capable de manipuler l’atmosphère de la Terre de manière à satisfaire ses besoins généraux et dotée de facultés et de pouvoirs supérieurs à ceux de ses parties constituantes.
Il y a un long trajet à parcourir pour passer de l’élaboration d’une expérience plausible de détection de vie à l’émission de l’hypothèse voulant que l’atmosphère de la Terre soit préservée et régulée de manière active par la vie évoluant à sa surface, c’est-à-dire par la biosphère. La majeure partie de ce livre traite d’indices plus récents confortant cette vision. Les raisons qui m’incitèrent en 1967 à franchir le pas de l’hypothèse étaient en bref les suivantes :
La vie apparut sur Terre pour la première fois il y a environ 3,5 milliards d’années. La présence de fossiles prouve que le climat de la Terre ne s’est guère modifié au cours de cette période. Or l’émission de chaleur du Soleil, les propriétés de surface de la Terre et la composition de l’atmosphère ont sans aucun doute varié de manière considérable durant cette même période.
La composition chimique de l’atmosphère ne confirme pas les suppositions relatives à l’équilibre chimique de l’État stable. La présence de méthane, de protoxyde d’azote et même d’azote dans notre atmosphère oxydante actuelle représente une violation des règles de chimie, mesurables en plusieurs dizaines d’ordres de grandeur. Des déséquilibres de cette ampleur donnent à penser que l’atmosphère n’est pas simplement un produit biologique, mais plus probablement une construction biologique : non pas vivante, mais semblable à la fourrure d’un chat, aux plumes d’un oiseau ou au papier d’un nid de guêpes, une extension d’un système vivant conçu pour préserver un environnement choisi. Ainsi la concentration atmosphérique de gaz tels que l’oxygène et l’ammoniaque s’avère être conservée dans une proportion optimale qui, si elle subissait d’infimes variations, pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la vie.
Le climat et les propriétés chimiques de la Terre, aujourd’hui et tout au long de son histoire, semblent avoir toujours été optimales(sic) pour la vie. Qu’un tel phénomène soit fortuit est aussi probable que le fait de sortir indemne d’une promenade les yeux fermés dans les rues de la ville à une heure de pointe.
Désormais, une entité de la taille d’une planète, aussi hypothétique soit-elle, avait vu le jour ; elle possédait des propriétés qu’il était impossible de déduire de la somme de ses parties. Il lui fallait un nom. Par chance j’habitais le même village que l’écrivain William Golding. Il me recommanda sans hésitation de nommer cette créature Gaïa, d’après le nom de la déesse grecque de la Terre, aussi connue sous le nom de Gé – et à qui la géographie et la géologie doivent leur nom. En dépit de mon ignorance des classiques, le choix de ce nom me paraissait s’imposer de lui-même. Il s’agissait d’un véritable mot en quatre lettres et il empêcherait donc la création d’acronymes barbares. J’avais en outre le sentiment qu'à l'époque de la Grèce antique le concept lui-même représentait sans doute un aspect familier de la vie, même s’il n’était pas exprimé de manière formelle. Les scientifiques sont en général condamnés à mener une vie de citadins, mais j’ai rencontré des personnes qui, vivant à la campagne, sont toujours proches de la terre et elles paraissent souvent stupéfaites d’apprendre que quelqu’un doive établir une proposition formelle pour une idée aussi évidente que l’hypothèse Gaïa. Pour ces gens de la campagne, cette hypothèse est vraie et l’a été de tout le temps.
J’ai exposé pour la première fois l’hypothèse Gaïa à l’occasion d’un colloque scientifique sur les origines de la vie sur Terre qui se déroulait à Princeton, New Jersey, en 1969. La présentation laissa-t-elle à désirer ? Mon hypothèse ne séduisit personne à l’exception de Lars Gunnar Sillén, le chimiste suédois aujourd’hui décédé, et de Lynn Margulis, de l’université de Boston, qui était chargée d’enregistrer nos diverses contributions. Un an plus tard, Lynn et moi nous retrouvâmes à Boston et débutâmes une collaboration des plus fructueuses qui, grâce à son grand savoir ainsi qu’à sa profonde intuition de spécialiste des sciences naturelles, l’amena à enrichir de manière considérable les travaux relatifs à Gaïa.
Nous avons depuis lors défini Gaïa comme une entité complexe comprenant la biosphère terrestre, l’atmosphère, les océans et la terre ; l’ensemble constituant un système de feedback ou cybernétique qui recherche un environnement physique et chimique optimal pour la vie sur cette planète. La préservation de conditions relativement constantes par un contrôle actif pourrait être décrit(sic) de manière satisfaisante par le terme « homéostasie ».
Gaïa est demeurée une hypothèse mais, à l’instar de maintes autres hypothèses utiles, elle a déjà prouvé sa valeur théorique, sinon son existence, en engendrant des questions et des réponses expérimentales qui s’avérèrent des exercices profitables en soi. Si, par exemple, l’atmosphère est, entre autres choses, un support pour véhiculer des matières brutes vers et de la biosphère, il paraît raisonnable de supposer la présence de médiateurs permettant d’assurer la circulation d’éléments essentiels dans tous les systèmes biologiques, par exemple, l’iodine et le soufre. Quelle récompense de découvrir que tous deux émanaient des océans, où ils abondaient, étaient portés par l’air jusqu’à la terre ferme où on les trouve en quantités réduites. Les véhicules, l’iodure de méthyle et l’éthane, sont des produits directs de la vie marine. La curiosité scientifique étant inépuisable, il est probable que la présence de ces composés intéressants de l’atmosphère ait fini par être découverte et leur importance discutée, même sans le stimulus de l’hypothèse Gaïa. Mais grâce à l’hypothèse on les rechercha de manière active et leur présence fut vérifiée de manière constante.
Si Gaïa existe, la relation entre elle et l’homme, une espèce animale dominante dans le système vivant complexe, et l’éventuel déplacement de pouvoir entre eux, sont des questions d’importance capitale et évidente. Je les ai abordées dans des chapitres ultérieurs mais cet ouvrage est conçu avant tout pour stimuler et pour distraire. L’hypothèse Gaïa est destinée à ceux qui aiment marcher ou même simplement regarder autour d’eux, s’interrogeant sur la Terre et sur la vie qu’elle porte, ou spéculant quant aux conséquences de notre propre présence. Il s’agit d’une alternative à cette vision pessimiste qui voit dans la nature une force primitive à dominer et à conquérir. Il s’agit également d’une alternative à la vision présentant notre planète sous les traits d’un vaisseau spatial fou, voyageant à jamais, privé de commandant de bord et d’objectif, décrivant stupidement un cercle autour du Soleil.
La Terre est un être vivant : l’hypothèse Gaïa, James Lovelock, éd. Champs Science, 1981, p. 36 à 41.
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