La journaliste, auteure et conférencière Natacha Calestrémé s’est offert une parenthèse dans le temps, un voyage au Kenya à la rencontre des Maasaï, qui vivent en osmose avec la nature. Une aventure à la découverte d’un peuple authentique et de ses secrets.
En écoutant une amie me dire qu’elle part à l’étranger, je réalise que je n’ai pas voyagé depuis trois ans. Dans mon agenda, une fenêtre de onze jours se présente entre deux conférences et je n’ai pas d’autres opportunités avant longtemps. Le Kenya, que je ne connais pas, s’impose comme une évidence. Le soir même, on me donne les coordonnées de Coralie, une Française fiancée à un Maasaï kenyan, qui vit en bordure du Masaï Mara, une réserve d’animaux sauvages. La jeune femme envisage de créer une structure touristique qui contribuerait, par ses bénéfices, au bien-être des populations locales. Je lui propose de tester sa formule. Quelques jours plus tard, j’arrive à Nairobi, la capitale.
Un autre rapport au temps
Coralie voulait venir me chercher, mais je veux vivre mes premiers instants d’Afrique seule, pour me libérer de mon quotidien. Nous devons nous retrouver le lendemain à Narok, une ville importante située à trois heures de Nairobi. Il est 22 heures, la température est de 20 degrés, je dépasse la douane et sors de l’aéroport. Une trentaine de personnes me dévisagent et lèvent une pancarte avec un nom. Il s’agit des taxis commandés par les hôtels. Le mien n’y est pas. Je patiente, pas très à l’aise devant ces hommes qui se demandent pourquoi j’attends seule, en pleine nuit. Un coup de fil m’apprend que le taxi que j’avais mandaté ne m’a pas attendue. Déjà, le temps se moque de moi. Je demande de l’aide auprès des autorités. Humphrey, un grand black d’une trentaine d’années, connaît mon hôtel – une chance dans une mégapole qui compte 4 millions d’habitants – et, une demi-heure plus tard, je pose ma valise dans une chambre spartiate, mais dont le lit est confortable. Je souris en voyant la moustiquaire, symbole de chaleur et de dépaysement. Je m’endors heureuse. Coralie m’a conseillé cet hôtel bon marché, car il est proche des bus qui se rendent à Narok. Pas d’horaires fixes pour ces navettes qui ne partent que lorsqu’elles sont pleines, mais qui, en général, se remplissent vite. Je dois pourtant patienter deux heures, subir une avarie de moteur, une roue à remplacer… Je réalise que ces cinq longues heures sont un test de lâcher-prise. Prendre le temps de laisser filer le temps.
Une barrière anti-lions, un sourire et au lit
Je rencontre enfin Coralie. Elle porte bien le nom que les Maasaï lui ont donné : Nashipaï, qui signifie « joie de vivre ». Siranka, son fiancé maasaï, l’accompagne. Mince et de taille moyenne, il porte une tunique rouge – LA couleur des Maasaï –, des
dreadlocks, il a les oreilles percées d’un grand trou (un critère de beauté pour eux) et des colliers de perles. Conducteur hors pair, il nous emmène vers le Masaï Mara et ma fatigue s’envole en voyant des gnous, puis d’élégantes girafes. Alors que le soleil s’éloigne, nous nous arrêtons au milieu de la savane, dans une forêt d’arbres rabougris. Pour ma deuxième nuit, j’ai souhaité dormir chez l’habitant, mais je ne vois rien qui ressemble à un village. J’ignore que ce cercle de branchages haut de deux mètres marque le territoire d’une habitation maasaï. Couverte d’épines acérées, la barricade protège efficacement des lions, léopards et hyènes. À l’intérieur sur de la terre nue, de jolis tabourets de bois, une chaise en plastique que l’on me réserve comme un honneur, un feu sur lequel chauffe une bouilloire, un enclos pour les chèvres et moutons et une seule maison.
Paisiblement couchées dans un coin, quinze vaches ruminent. Elles sont la fierté des Maasaï, leur plus grande richesse. Je rencontre mes hôtes, une femme d’une quarantaine d’années et son mari, qui travaille à quatre heures de marche de là. Il a fait le trajet pour me rencontrer. La dame m’offre un thé au lait très sucré – la boisson préférée des Maasaï – et avec un immense sourire, me fait visiter sa maison. Il y fait très bon. Il y a deux chambres de la taille du lit posé à même le sol et une pièce commune très sombre et basse de plafond, qui abrite quelques braises. (...)