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Alors que l’industrie fait pression sur la nature, est-il possible de combiner les intérêts économiques, sociétaux et environnementaux ? L’écologue Olivier Behra démontre de manière très concrète, à travers son association Man and Nature, que oui, c’est possible !
Le global au service du local
Nature
Jeune écologue missionné par le Museum national d’histoire naturelle, Olivier Behra est confronté dès les années 1980 au problème de la conciliation entre l’économie et l’environnement. Le constat ? La surexploitation des crocodiles au profit de l’industrie du cuir. Il devient par la suite le plus jeune chef de projet des Nations unies en organisant, à Madagascar, un élevage de crocodiles qui valorise les reptiles restés sauvages et permet aux populations locales de tirer profit de leur survie. Le programme tient la route depuis plus de 25 ans.

Dans la foulée, l’écologue constate que des centaines de milliers d’hectares de forêt partent en fumée sur l’île à cause de la culture sur brûlis. Des essences précieuses, que l’on ne trouve nulle part ailleurs, sont sacrifiées pour des exploitations momentanées. « Or, sur les 20 dernières années, 50 % des produits qui ont été mis au point pour lutter contre le cancer proviennent de plantes. C’est impensable de détruire une telle biodiversité », s’exclame Olivier Behra. Plus de 60 000 enfants atteints de cancer sont soignés tous les ans grâce aux tonnes de pervenche de Madagascar exportées. Ne pouvons-nous pas inventer des modèles d’exploitation respectueux des besoins économiques, des populations locales et de la nature ? C’est ce qu’Olivier Behra ne cesse de prouver.


Du gingembre de luxe


1993. Un scientifique annonce que la forêt de Vohimana, à Madagascar, qui contient sur 6 kilomètres carrés 2 fois plus d’espèces de grenouilles que l’Europe entière, est vouée à disparaître. L’écologue s’empare de l’information. Il monte une ONG avec 2 Malgaches, cherche des solutions pratiques pour les communautés locales et crée un programme de conservation de la zone avec le gouvernement. Des chercheurs de chez Chanel le contactent. Ils savent que l’île regorge de plantes aux précieux principes actifs. Bingo ! C’est le début d’une formule gagnante. « Nous avons identifié des plantes intéressantes. Mon but était surtout de valoriser leur production auprès des communautés locales. Chanel a accepté de jouer le jeu », retrace-t-il. La marque de cosmétiques la plus connue au monde finit par intégrer un principe actif du gingembre dans un de ses produits phares. Les populations de la région de Vohimana découvrent que le gingembre leur rapporte 2,5 fois plus que la culture sur brûlis. Un cahier des charges assure que le rhizome est produit selon des critères respectueux de l’environnement. La forêt est préservée. En cours de route, des responsables de Chanel viennent sur le terrain.

« Quand ils ont appris qu’il manquait 600 euros par an pour avoir un instituteur, ils ont répondu que, bien sûr, ils allaient les trouver ! », rapporte Olivier Behra. Chanel finance la construction d’une école, d’un centre de santé et s’engage dans le reboisement. « Au final, nous avons une solution durable – contrairement aux programmes des Nations unies qui durent au plus 2-3 ans. Les communautés locales vivent mieux. La nature est protégée. L’industriel dispose d’une ressource stable. Il peut même améliorer la qualité de ses produits dans le temps et rechercher d’autres plantes sur le même site. Et là où ça devient magique, c’est quand il voit qu’il ne faut pas grand-chose de plus pour améliorer le confort des gens », omplète l’écologue. Un cercle vertueux est mis en place.

Au final, nous avons une solution durable – contrairement aux programmes des Nations unies qui durent au plus 2-3 ans.


Du saro pour des crevettes


Et si la préservation de la nature pouvait changer nos pratiques industrielles dans le bon sens ? Testé en laboratoire grâce aux investissements d’Yves Rocher – qui l’utilisera dans un de ses produits –, le saro (ou mandravasarotra) se révèle un puissant antibactérien, antiviral et stimulateur du système immunitaire. Olivier Behra continue de lui chercher de nouvelles applications. Un extrait ne pourrait-il pas être utilisé dans la culture de crevettes de l’ouest malgache à la place des antibiotiques ? L’écologue contacte le CIRAD (Centre de recherche agronomique pour le développement). Des publications scientifiques attestent de l’efficacité du saro pour l’élevage des crevettes. Et c’est parti ! « Cela permet de ne plus retrouver d’antibiotiques dans les crevettes que nous mangeons. La législation européenne vient d’ailleurs de les interdire » , signale-t-il.

Sur cette lancée, il multiplie ses actions à travers le monde. Il y a 4 ans, Olivier Behra a confondé l’association Man and Nature, mise en place grâce au soutien de l’entreprise Maisons du Monde et élue meilleure initiative par la fondation Clinton en 2012. Plus de 14 projets sont lancés dans 12 pays. Si certains industriels sont obligés de bouger parce que leurs matières premières deviennent rares, d’autres le font parce qu’ils comprennent que c’est la solution de demain. Leur problème est que, souvent, ils ne connaissent ni le terrain ni le monde des ONG et n’ont donc pas les bons outils en main. « Accompagner la création de liens entre secteur privé et ONG, c’est la clé. J’ai la responsabilité d’avoir proposé des modèles qui étaient trop en avance mais qui, maintenant, sont nécessaires. Et je peux vous assurer qu’en ce moment, ça bouge énormément et vite », conclut Olivier Behra.

À
propos

auteur

  • Miriam Gablier

    Auteure et journaliste
    Titulaire d'un Master de philosophie, de diplômes de thérapie psycho-corporelle et d'homéopathie (Grande-Bretagne), Miriam Gablier s'intéresse particulièrement au potentiel humain et à l'intelligence du vivant. Ses enquêtes sur les thérapies, la psychologie, la philosophie, la spiritualité et les sciences du vivant, lui permettent notamment de traquer les données se rapportant à la notion de conscience et à la relation corps-esprit. Miriam Gablier est auteure de Les mystères de la conscience ...
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Notre vision réduite du quotidien nous fait parfois oublier que notre corps est en permanence affecté par notre environnement. A chaque repas, nous mettons une bouchée de planète dans notre corps. A chaque gorgée d’eau, à chaque inspiration d’air aussi... Continuellement, la terre a un impact sur nous, et nous avons une incidence sur elle. La science nous montre que notre état de santé est modulé en grande partie par notre milieu de vie. Et si l’heure était venue de retrouver une certaine harmonie avec la nature ? Pour préserver la planète, mais d’abord pour rester en bonne santé.

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